Eglises d'Asie – Inde
Entre nationalistes hindous et musulmans radicaux, le retour des talibans entraîne de nouvelles tensions en Inde
Publié le 09/09/2021
Le gouvernement indien s’est retrouvé confronté à un problème complexe depuis le retour des talibans au pouvoir en Afghanistan. Le 31 août, plusieurs heures après le départ des troupes américaines, le ministère indien des Affaires externes (MEA) a annoncé que son représentant au Qatar, Deepak Mittal, avait rencontré le chef du bureau politique des talibans, Sher Mohammad Abbas Stanekzai. Cette rencontre avait suscité un vif débat, certains reprochant au gouvernement indien de tendre vers une ligne plus pragmatique et de projeter des relations officielles avec les talibans. De son côté, le MEA a assuré que les échanges portaient sur la sécurité et le retour précoce des ressortissants indiens bloqués en Afghanistan.
Le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi a toujours vu les talibans comme une organisation terroriste en refusant d’adopter une position plus souple qui ferait la différence entre les « bons » et les « mauvais » talibans. Certains hindous radicaux, farouchement opposés à une telle approche, ont vivement réagi. Le major général Gagan Deep Bakshi, un officier militaire indien à la retraite, a également critiqué la politique du gouvernement en soutenant qu’il était inutile de tenter d’influencer les talibans par la philosophie gandhienne, dont la résistance non violente est symbolisée par la « charkha » ou le rouet. « Aucun pays de la région ne doit être exclu ou s’isoler lui-même des efforts internationaux en faveur de la paix en Afghanistan et de la réconciliation nationale », a-t-il ajouté dans un appel écrit.
Près de 14 % de musulmans en Inde
Ces problèmes rencontrés jusque dans les plus hautes sphères de New Delhi, la capitale, se sont également reflétés sur le terrain, parmi la minorité musulmane indienne, qui représente moins de 14 % de la population sur 1,3 milliard d’habitants et qui est souvent visée par les nationalistes hindous. Certains musulmans indiens se sont visiblement réjouis de la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan et n’ont pas pu s’empêcher de commenter les événements. De nombreux clercs musulmans indiens ont ainsi soutenu publiquement le retour des talibans, et certains ont même appelé à mettre fin au concept d’éducation mixte. L’organisation Jamiat Ulema-e-Hind, un groupe d’enseignants de l’école islamique indienne Darul Uloom Deoband – qui a influencé l’idéologie des talibans –, a appelé à créer des écoles séparées pour les filles et les garçons, et demandé aux non musulmans de cesser d’envoyer leurs filles dans les écoles et universités mixtes. Ce serait nécessaire, selon l’organisation, pour « les éloigner de l’immoralité et des mauvais comportements ».
De son côté, Shafiqur Rehman Burq, un élu local du parti socialiste Samajwadi, a cherché à justifier les événements en Afghanistan en soulignant que « quand l’Inde était sous domination britannique, notre pays luttait pour la liberté, et de même aujourd’hui, les talibans veulent libérer leur pays et le diriger ». Il a reçu de nombreuses critiques contre ses propos, et la police de l’État de l’Uttar Pradesh, dans le nord de l’Inde, dirigé par le parti pro hindou Bharatiya Janata Party (BJP), a cherché à la poursuivre en justice. Le BJP et d’autres groupes pro hindous ont également réagi rapidement en mettant en garde contre des « tentatives de talibaniser l’Inde ». Certains ont lancé le hashtag #GoToAfghanistan sur les réseaux sociaux afin de critiquer les soutiens envers les talibans. Naseeruddin Shah, un acteur indien, a réagi sur Twitter en appelant les musulmans indiens à l’introspection. « Alors que le retour des talibans est une source d’inquiétude pour le monde entier, les célébrations des extrémistes appartenant à certaines sections de l’islam en Inde ne sont pas moins dangereuses », a-t-il averti. « Chaque musulman indien doit se demander s’il veut réformer et moderniser l’islam ou revenir aux valeurs barbares des siècles passés. »
(Avec Ucanews)
Crédit : IMTFI / CC BY-SA 2.0