Eglises d'Asie

Environnement : un prêtre coréen s’oppose au déversement des eaux traitées de Fukushima

Publié le 16/02/2022




Le père André Oh Sae-il, basé à Séoul, a publié une étude sur « l’impact écologique du déversement d’eaux contaminées de la centrale nucléaire de Fukushima ». En s’inspirant des encycliques Laudato Si (« Sur la sauvegarde de la maison commune ») et Fratelli Tutti (« Sur la fraternité et l’amitié sociale »), ce jésuite sud-coréen insiste avant tout sur le « bien commun » et la « responsabilité publique » des autorités japonaises, avant toute décision finale concernant les eaux utilisées pour refroidir les réacteurs de la centrale touchée par la triple catastrophe de 2011.

La centrale de Fukushima Daiichi en 2013, deux ans après l’accident nucléaire. Un prêtre coréen s’oppose au déversement d’eaux contaminées dans la mer.

Le père André Oh Sae-il, professeur de sociologie au sein de l’université jésuite de Sogang (Séoul), estime que le déversement dans la mer des eaux contaminées de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, programmé par le Japon, pose un danger pour l’environnement et la santé publique. L’an dernier, le prêtre a publié une thèse sur « l’impact écologique du déversement d’eaux contaminées de la centrale nucléaire de Fukushima » dans le magazine jésuite La Civilta Cattolica.

La version coréenne de cette étude a été publiée fin janvier, selon une information donnée le 13 février par le journal local Catholic Times of Korea. En se basant sur sa lecture des deux encycliques Laudato Si (« Sur la sauvegarde de la maison commune ») et Fratelli Tutti (« Sur la fraternité et l’amitié sociale »), publiées par le pape François en 2015 et en 2020, le père André Oh Sae-il remarque que la décision arbitraire du gouvernement japonais, à propos du déversement d’eaux radioactives dans l’océan, provoquerait des problèmes complexes sur le plan écologique, social, économique, politique et diplomatique.

Sa thèse évoque des questions complexes et multidimensionnelles, d’ordre scientifique et technologique mais aussi liées à la politique internationale ; il insiste avant tout sur le « bien commun » et sur la « responsabilité publique », en s’inspirant des enseignements du pape François. « En termes de sécurité et de résolution des problèmes de déchets radioactifs, des facteurs qui n’ont pas été identifiés scientifiquement restent des difficultés pratiques », souligne le prêtre coréen. Il évoque un manque de données scientifiques suffisantes et réfute les affirmations de la société Tepco (Tokyo Electrict Power Company), selon laquelle les matériaux radioactifs contenus dans les eaux contaminées ont été retirés en toute sécurité.

Le prêtre partage également ses doutes sur la capacité de Tepco, en tant qu’opérateur de la centrale de Fukushima aujourd’hui démantelée, à séparer les matériaux radioactifs dangereux des eaux contaminées de manière adaptée. Il insiste pour appeler les autorités japonaises à assurer la sécurité, la faisabilité et la responsabilité publique de l’opération avant de prendre toute décision finale à propos du déversement des eaux de la centrale.

Appel des évêques japonais et coréens l’an dernier

L’an dernier, les médias japonais et internationaux ont rapporté la décision des autorités japonaises sur le déversement de plusieurs millions de tonnes d’eaux traitées dans la mer, provenant de Fukushima. Le projet initial devait commencer en 2022, mais aucune décision finale n’a encore été prise. La plupart des isotopes radioactifs ont été extraits à l’aide d’un processus de filtration complexe. Mais un isotope, le tritium, ne pouvant pas être retiré de cette manière, les eaux contaminées ont dû être stockées dans d’immenses citernes qui seront remplies courant 2022, selon la BBC.

La décision du Japon aurait eu l’approbation l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) et des États-Unis. Elle a été prise après plusieurs années de débats à propos de la gestion des eaux qui ont été utilisées pour refroidir les réacteurs de la centrale, frappée par un tsunami et un séisme en 2011 – il s’agit de la plus grave catastrophe de ce type depuis celle de Tchernobyl en 1986. Selon l’Association nucléaire mondiale, après la triple catastrophe, les autorités japonaises ont évacué plus de 100 000 personnes de chez elles de manière préventive.

La décision du Japon à propos des eaux contaminées a suscité de vives réactions de la part de nombreux scientifiques, écologistes et groupes de pêche, ainsi que celles des évêques catholiques japonais et sud-coréens. « Nous nous opposons au déversement des eaux contaminées contenant du tritium, un matériau radioactif qui a été purifié et traité, dans l’océan », a insisté un rapport conjoint des Commissions Justice et Paix des Conférences épiscopales japonaises et coréennes, du Comité pour l’écologie et l’environnement des évêques coréens et du Sous-comité des évêques japonais sur le nucléaire et pour la paix.

Dans leur rapport, ils soulignent que le gouvernement japonais n’a pas mentionné l’impact éventuel des eaux traitées sur la vie marine, l’écosystème marin et la santé humaine. « Une fois les matériaux radioactifs déversés en mer, on ne pourra pas revenir en arrière », avertissent les auteurs. Le père Oh souligne, de son côté, qu’avant de prendre une décision finale, le Japon doit « garantir une confiance mutuelle, une transparence totale et sa responsabilité publique ». Il appelle également à adopter, face à ces questions, « une perspective intégrale et universelle afin de défendre la paix et la justice en Asie et dans le monde ».

(Avec Ucanews)