Eglises d'Asie

Exode rural : de nombreux fermiers laotiens tentent leur chance en ville

Publié le 14/07/2021




Ces dernières années, de nombreux fermiers laotiens ont été privés de leurs terres par des projets de développement lancés par le régime communiste laotien (Parti révolutionnaire populaire lao), comme une ligne ferroviaire à grande vitesse en reliant la province de Luang Nam Tha, près de la frontière chinoise, à Vientiane, la capitale laotienne (près de la frontière thaïlandaise). Ainsi, beaucoup de villageois tendent à abandonner l’agriculture pour chercher du travail en ville ou à l’étranger, dans un pays dont la topographie montagneuse laisse peu de place aux terres agricoles.

Des femmes de l’ethnie Lenten (Lao Huay), dans la région de Muang Sing (province de Luang Namtha), dans un champ pour le battage du riz.

Lors d’un voyage à travers le Laos, petit pays aux paysages exotiques, aux régions vallonnées et aux montagnes dentelées, on retrouvera des scènes photogéniques souvent présentées dans les brochures touristiques : des villageois travaillant dans leurs rizières et souriant aux étrangers et à leurs appareils photos. Mais tout n’est pas au beau fixe concernant la vie quotidienne des villages traditionnels, dans un État communiste d’environ 7 millions d’habitants. Selon les rapports des médias locaux et des experts, nombre de villageois, subissant des pertes de terres cultivables dans les régions rurales, tendent à abandonner l’agriculture pour aller chercher du travail dans les villes. En effet, la topographie montagneuse du Laos laisse peu de place à l’agriculture, tandis que de vastes projets de redéveloppement soutenus par le parti communiste (Parti révolutionnaire populaire lao) laissent beaucoup de villageois sans terres arables.

De plus, beaucoup de fermiers sont confrontés aux pertes de rentabilité de leurs cultures face au marché mondial, ce qui rend la riziculture traditionnelle moins attrayante à leurs yeux. « Beaucoup de fermiers de notre province refusent de continuer de travailler dans l’agriculture », explique un fermier de Vientiane, la capitale, interrogé par RFA Laos (Radio Free Asia). « Plus précisément, ils ne veulent plus faire pousser du riz. La plupart de nos jeunes vont travailler à Vientiane comme ouvriers. » Dans certains villages, seuls les plus âgés continuent de cultiver des petites parcelles de terrain. « Les habitants de mon village se sont tous dispersés au cours des dix dernières années », confie un ancien riziculteur de la province de Savannakhet, dans le sud du Laos, qui travaille aujourd’hui en Thaïlande. « La plupart des jeunes hommes sont venus travailler ici, en Thaïlande, et certains vont aussi dans des villes comme Vientiane. Seuls quelques-uns des plus âgés sont restés dans leurs villages pour continuer de faire pousser du riz. »

Faire du Laos « la batterie de l’Asie »

Ces dernières années, de nombreux villageois ont également été chassés par des projets de développement entrepris par le régime communiste laotien, qui s’est lancé dans de vastes projets d’infrastructures, dont une ligne ferroviaire chinoise à grande vitesse qui traverse le pays, en reliant la province de Luang Nam Tha, près de la frontière chinoise, à la capitale laotienne, près de la frontière thaïlandaise. L’objectif est de relier le pays enclavé aux ports maritimes et aux marchés étrangers, chez les voisins plus développés comme la Chine et la Thaïlande, afin de permettre une meilleure prospérité dans un des pays les plus pauvres de la région. Pourtant, ces projets de développement se font souvent au détriment des villageois des régions rurales reculées, dont les maisons et les terres peuvent entraver les nouveaux projets d’infrastructures.

Beaucoup de villages ont perdu leurs terres agricoles ancestrales à cause des nouvelles centrales hydroélectriques qui ont été construites à travers le pays, le gouvernement voulant faire du Laos « la batterie de l’Asie » en exportant son électricité aux pays voisins. Beaucoup de villageois déplacés et spoliés n’ont toujours pas reçu de compensations financières de la part des autorités, et ils n’en recevront pas avant de longues années. Et beaucoup d’habitants osant dénoncer des politiques voraces et injustes risquent d’être arrêtés et emprisonnés. Par conséquent, beaucoup de projets d’une valeur discutable ont vu le jour sans contrainte. « Avant, je gagnais ma vie en cultivant le riz », confie un villageois de la province d’Oudomxay, dans le nord du Laos, cité par RFA. « Mais j’ai perdu 1,5 hectare de riziculture à cause du projet de train à grande vitesse Laos-Chine. »

« Ma famille me manque, mais je ne pourrais pas gagner autant chez moi »

Outre les expropriations territoriales en raison des projets de développement, d’autres raisons poussent de plus en plus de fermiers laotiens, vivant dans les petits villages des régions rurales reculées, à abandonner leurs modes de vie ancestraux. Beaucoup de villageois, se sentant esclaves d’une existence précaire et laborieuse et privés de véritables perspectives d’avenir, ont été poussés vers les centres urbains pour y tenter leur chance. La montée des prix des engrais, entre autres, s’ajoute aux facteurs influant leurs décisions de migrer vers les villes. Il y a une décennie, on comptait près de 77 % de Laotiens vivant de l’agriculture, selon les statistiques du gouvernement. Aujourd’hui, ce chiffre est de 69 %, et cette tendance devrait se poursuivre. Bien qu’un exode rural ne soit pas nécessairement un problème, l’urbanisation représentant souvent une vraie force économique à travers le monde.

Mais la plupart des villageois laotiens manquent de compétences adaptées et d’un niveau d’éducation suffisant. Ils se retrouvent donc avec peu d’opportunités, en dehors d’emplois peu qualifiés et peu rémunérés. Beaucoup de jeunes laotiens sont également dangereusement exposés aux trafics sexuels chinois et thaïlandais. Plusieurs dizaines de milliers de fermiers laotiens ont aussi migré vers la Thaïlande voisine, où ils travaillent comme domestiques, agents de nettoyage ou encore ouvriers dans le bâtiment, avec des conditions souvent pénibles. Pourtant, pour beaucoup d’entre eux, cela reste préférable au fait de rester chez eux. « Si vous travaillez dur et que vous économisez en vivant simplement, après quelques années, vous pouvez avoir suffisamment de côté pour acheter un meilleur logement au Laos », estime une Laotienne de 27 ans, qui travaille sur un chantier dans le centre de Bangkok. « Ma famille me manque beaucoup, mais ils savent que je ne pourrais pas gagner suffisamment en restant là-bas. »

(Avec Ucanews)

Crédit Yves Picq / CC BY-SA 3.0