Eglises d'Asie

Haryana : un nouvel État indien propose une loi contre les conversions religieuses

Publié le 09/03/2022




Un nouvel État indien s’apprête à voter une loi anti-conversion, dans le nord du pays. Un projet de loi a été présenté, le 4 mars dernier, devant l’assemblée législative de l’État de l’Haryana, dirigé par le parti pro-hindou du BJP (Bharatiya Janata Party). Si la loi est votée, ce sera le onzième État indien à légiférer contre les conversions forcées. Pourtant, selon le père Savarimuthu Sankar, porte-parole de l’archidiocèse de Delhi, « aucune accusation de conversion religieuse forcée n’a pu être prouvée par un tribunal » à ce jour.

Des catholiques indiens durant une célébration du Vendredi saint, le 14 avril 2019 à Delhi.

L’État de l’Haryana, dans le nord de l’Inde, est le onzième du pays à envisager une loi contre les conversions religieuses, malgré des manifestations de membres de l’opposition qui considèrent cette politique comme conflictuelle. Le gouvernement local pro-hindou du BJP (Bharatiya Janata Party) a présenté, le 4 mars à l’assemblée législative de l’État indien, la nouvelle loi sur les conversions religieuses illégales (Unlawful Conversion of Religious Bill, 2022). Raghuvir Singh Kadian, parlementaire et membre du parti de l’opposition du Congrès, a déchiré son exemplaire de la proposition de loi en signe de protestation, avant d’être suspendu de l’assemblée.

Si la loi est votée, l’Haryana suivra les lois précédentes votées par le BJP comme au Karnataka, dans le Sud, et qui sont souvent considérées officiellement comme les lois de la « liberté religieuse » dans le pays. Neuf autres États – Uttar Pradesh, Himachal Pradesh, Gujarat, Chhattisgarh, Odisha, Madhya Pradesh, Arunachal Pradesh, Uttarakhand et Jharkhand – ont déjà voté leurs propres lois anti-conversion, et qui ont été contestées devant les tribunaux à maintes reprises.

Selon le gouvernement BJP de l’Haryana, la future loi a pour objectif de « prévenir les conversions religieuses par force, par influence ou par ruse ». Des peines d’un à cinq ans de prison et des amendes d’au moins 100 000 roupies (1 192 euros) sont proposées pour de telles conversions religieuses. Le projet de loi déclare également les mariages effectués dans l’unique but d’une conversion d’une religion à une autre comme nuls.

« Aucune accusation de conversion forcée n’a pu être prouvée par un tribunal »

Le parti au pouvoir et ses partenaires dans l’État forment une force collective de 50 membres au sein des 90 sièges de l’assemblée local ; la loi devrait donc être votée sans difficulté. « Cette loi semble partisane et motivée par des intérêts politiques ; nous savons tous que notre Constitution garantit notre liberté de choisir notre religion selon notre volonté. C’est notre droit fondamental », proteste le père Savarimuthu Sankar, porte-parole de l’archidiocèse de Delhi. Le prêtre explique que des lois anti-conversion ont été adoptées dans la majorité des États du BJP, dans le but de cibler les chrétiens et les musulmans.

« Mais à ce jour, aucune accusation de conversion religieuse n’a pu être prouvée par un tribunal », assure-t-il, en insistant sur le fait que l’Église catholique indienne ne défend aucunement les conversions forcées. « La religion est un choix personnel et les gens ne doivent pas la mêler à la politique. S’il y a une conversion forcée, qu’on prenne les mesures appropriées selon la loi en vigueur », ajoute-t-il.

« Les autorités tentent de diviser les gens afin de rester au pouvoir »

Mohammad Salim Engineer, secrétaire général de l’organisation islamique Jamaat-e-Islami Hind, souligne qu’il n’a « aucun doute sur le caractère politique du projet de loi ». « Le gouvernement local essaie de se maintenir au pouvoir en cherchant à impressionner la majorité hindoue, en leur faisant croire que leur foi et leurs traditions seront en danger si le BJP perd le pouvoir », ajoute-t-il.

« Les autorités tentent de diviser les gens au nom de la religion, selon les castes et les croyances, afin de rester au pouvoir. Cette loi les aidera parce qu’ils pourront l’exploiter pour harceler les groupes minoritaires. » Le projet de loi de l’Haryana a été présenté par Anil Vij, ministre de l’Intérieur de l’État. Le ministre est également derrière des agitations lancées en novembre 2020 contre une tendance appelée « love jihad », accusant des hommes musulmans de chercher à convertir des femmes issues de communautés non-musulmanes.

Selon Anil Vij, « la loi permettra de prévenir les conversions religieuses par force, par incitation, par ruse, mariage factice ou toute autre méthode immorale », tout en promettant « des actions fermes contre les coupables ». Mais le ministre en chef de l’État, Manohar Lal Khattar, a précisé que le projet de loi ne mentionne aucune religion, qu’il « n’a pour but de discriminer aucune religion » et qu’il vise seulement les conversions forcées. Selon lui, si une personne souhaite changer de religion, elle en aura la possibilité selon les provisions garanties par le projet de loi.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Bijay Kumar Minj / Ucanews