Eglises d'Asie

Hué : les habitants du bidonville de la citadelle impériale doivent être relogés

Publié le 30/04/2019




Les remparts de la citadelle de la cité impériale de Hué, dans la province de Tha Thien Hué dans le centre du Vietnam, abritent environ 12 000 personnes, résidant dans quelque 4 200 maisons de tôle. Les habitants de ce bidonville « impérial » doivent être relogés par les autorités locales dans les six prochaines années, dans le cadre d’un projet national de restauration destiné à préserver le site, classé au patrimoine de l’Unesco en 1993. En mars, le quotidien local Thua Thien Hue a annoncé que les autorités locales allaient reloger 523 foyers vivant sur les remparts d’ici le 16 septembre.

Marie Nguyen Thi Hoa vit avec ses proches dans un abri de 24 m² au toit de tôle et aux murs en fer rouillé, sur les remparts de la citadelle de la Cité impériale de Hué, dans la province vietnamienne de Tha Thien Hué. La citadelle impériale, édifiée il y a presque 190 ans, a abrité la dernière famille impériale vietnamienne, la dynastie Nguyen (1802-1945), aujourd’hui une destination touristique majeure dans le pays. La famille de Marie Nguyen Thi Hoa, en l’absence de sanitaires, déverse ses déchets dans un lac à proximité, déjà pollué. Ils mangent et dorment à même le sol, sur le ciment, et utilisent des éventails plutôt que des ventilateurs pour économiser de l’électricité. Leur cabane étant installée en hauteur, Marie Hoa, 63 ans, doit gravir chaque jour les marches irrégulières des remparts. Elle avoue être déjà tombée trois fois, mais par chance elle ne s’est rien cassée. « Nous vivons dans cet abri minuscule depuis plusieurs décennies, parce que nous n’avons pas les moyens de nous installer ailleurs », confie-t-elle.

Marie Hoa, à l’apparence maigre et chétive et vêtue de vieux vêtements, est également atteinte du cancer de l’estomac. Ses parents sont venus s’installer sur les remparts en 1954, après avoir fui les persécutions des communistes dans le Nord-Vietnam. Après leur mort, leurs cercueils ont été déposés au pied des remparts. Marie Hoa explique que les autorités ont fermé les yeux à l’époque parce qu’ils s’étaient battus pour le Vietnam, et qu’ils étaient autorisés à rester là temporairement pour leurs services rendus au pays. Après la fin de la Guerre du Vietnam en 1975, les civils comme son père, un barbier, sont restés là tandis que d’autres sont partis à la recherche d’une meilleure installation. Marie Hoa, dont les trois frères ont été tués par les communistes en 1968 durant l’offensive du Tet, a hérité de la bicoque à la mort de ses parents. Aujourd’hui, elle la partage avec sa fille, ses deux petits-enfants et son mari, qui gagne 150 000 dongs (6,50 dollars) par jour en travaillant comme coiffeur.

Près de 15 000 personnes vivent dans les quelque 4 200 abris installés sur les remparts de la citadelle, longs de 11,5 kilomètres et larges de 20 mètres. La plupart des habitants du bidonville font de petits boulots : ils vendent de la nourriture dans la rue, réparent des motos, travaillent sur des chantiers ou sur les marchés, entre autres. Beaucoup d’entre eux ont fui les inondations et les intempéries dans les années 1980 et 1990, mais ils n’ont pas l’autorisation officielle de vivre sur ce site historique. Le gouvernement de la province prévoit de les reloger dans de nouvelles zones résidentielles dans les six prochaines années, à commencer dès cette année dans le cadre d’un projet national de restauration destiné à préserver le complexe historique de l’ancienne capitale, reconnu au patrimoine de l’Unesco en 1993.

Les rêves brisés du bidonville « impérial »

En mars, le quotidien vietnamien Thua Thien Hue a annoncé que les autorités locales allaient reloger 523 foyers vivant sur les remparts d’ici le 16 septembre prochain. Le quotidien affirme que le gouvernement offrira un terrain et une compensation financière aux familles qui sont propriétaires légitimes, en accord avec la loi. Le média ajoute que les personnes déplacées recevraient une aide financière entre 4,5 millions et 7,5 millions de dongs (entre 195 et 325 dollars) par foyer, ainsi qu’une aide d’au moins 2 millions de dongs par mois durant six mois afin de leur permettre de louer un logement. Toutefois, beaucoup ont refusé de partir, estimant que la compensation offerte est trop faible. La plupart d’entre eux ne recevraient d’ailleurs aucune aide, en l’absence de titres de propriété officiels. D’autres ajoutent que l’aide financière promise ne leur suffirait pas pour construire un nouveau logement.

Tran Ngoc Thuan, 69 ans, explique que les autorités ont demandé à sa famille de partir, en l’échange d’une aide de 120 millions de dongs en compensation pour leur propriété perdue. « Si nous obéissons, nous serions obligés d’emprunter de l’argent à la banque afin de pouvoir construire un nouveau logement, mais nous n’avons même pas les moyens d’éponger nos dettes, sans compter les intérêts », ajoute-t-il. « Nous sommes entre deux impasses. » Tran Thuan estime qu’il est le produit d’un système qui s’effondre, si des personnes de son âge sont obligées de vivre dans de telles conditions, en particulier concernant les personnes à mobilité réduite qui vivent dans des abris situés en hauteur, et qui sont obligées de se traîner dans les escaliers des remparts tous les jours. Vo Thi Len, 75 ans, vit seule depuis 1974 dans un abri en tôle sur les remparts. Elle explique que le gouvernement lui a promis un logement de 60 mètres carrés l’année prochaine, à condition qu’elle rembourse une somme de 80 millions de dongs durant la prochaine décennie. La femme âgée, qui gagne 30 000 dongs (1,29 dollar) par jour, affirme que c’est bien au-dessus de ses moyens.

Elle explique qu’elle peine à survivre avec l’allocation de 300 000 dongs (13 dollars) par mois qu’elle reçoit, malgré les dix kilogrammes de riz par mois que des religieuses locales lui fournissent. Vo Thi Len est inquiète à l’idée de partir : « Je suis vieille maintenant, je ne sais pas comment je pourrai gagner ma vie. » De son côté, Marie Hoa et sa famille ont appris qu’ils auraient droit à un terrain de 60 m² où ils pourraient construire leur nouveau foyer. Ceux qui vivaient dans le bidonville de façon légale ont droit à des parcelles de terrain dans les nouveaux districts résidentiels, tandis que les autres doivent acheter des appartements. Marie Hoa ne s’attend à rien puisqu’elle n’a pas de titres de propriété. « Nous ne savons pas comment nous pourrons trouver les moyens de construire une nouvelle maison », confie-t-elle. « Nous avons travaillé dur toute notre vie en espérant obtenir la maison de nos rêves, mais cela reste hors d’atteinte. »

(Avec Ucanews, Hué)


CRÉDITS

Peter Nguyen / Ucanews