Eglises d'Asie

Bengale-Occidental : l’Eglise catholique s’inquiète de la persistance des mariages précoces

Publié le 25/03/2010




Malgré leur interdiction en 1929 par le Child Marriage Restraint Act (CMRA), les mariages de mineurs sont une pratique encore fréquente en Inde. On estime qu’à l’heure actuelle plus de 15 millions de couples y sont mariés avant l’âge de 18 ans (1). En 2006, la loi de 1929 a été complétée par le PCMA (Prohibition of Child Marriage Act), en raison des lacunes…

… qu’elle laissait subsister. Cependant, la pratique des unions d’adolescents ou même d’enfants n’a que très peu reculé, officieusement tolérée et officiellement peu sanctionnée.

Au Bengale-Occidental, un Etat particulièrement touché par ce phénomène, le diocèse catholique de Baruipur s’est inquiété du nombre de mariages de catholiques contractés avant la majorité légale (fixée selon la loi indienne à 21 ans pour les garçons et 18 ans pour les filles). A l’initiative du P. Indrajit Sardar, qui dirige la Commission pour la jeunesse du diocèse, une journée d’échange et de réflexion sur la question a été organisée pour les jeunes, le 9 août dernier, dans la paroisse de Raghabpur (2).

Pour le P. Sardar, l’analphabétisme et la méconnaissance des lois sont les principaux responsables des mariages précoces. Dans les familles rurales du diocèse, les fiancés ignorent parfois même leur âge exact. Malgré une loi récente qui oblige tous les Etats de l’Union à enregistrer les mariages, bon nombre d’entre eux échappent à toute surveillance et ne sont recensés que dans un cadre religieux, dont les dispositions légales varient selon l’appartenance musulmane, hindoue ou chrétienne des intéressés. Selon le directeur de la Commission pour la jeunesse de Baruipur, il arrive ainsi fréquemment que le couple aille effectuer les rituels du mariage dans un temple de Calcutta, si l’un des conjoints est hindou.

Le P. Sardar reconnaît cependant qu’ayant atteint l’âge du mariage légal, la plupart de ces catholiques viennent officialiser leur union à l’Eglise. Pour exemple, il cite l’enregistrement en 2002 par la paroisse de Raghabpur de 30 mariages de ce type en un seul jour ! Le prêtre ajoute qu’à cette occasion, il n’est pas rare que le conjoint issu d’une autre religion demande à rejoindre l’Eglise catholique.

A St-Joseph de Raghabpur, Johnny Mondal, 26 ans, qui anime le groupe des jeunes de la paroisse, assure qu’au moins dix couples de catholiques ont contracté mariage cette année sans avoir l’âge légal. Il ajoute qu’une coutume bien ancrée admet que les couples s’enfuient de la maison des parents et reviennent quelques jours plus tard, la jeune fille portant le sindoor (sillon de poudre vermillon sur la raie des cheveux, signe de la femme mariée).

Pour tous les jeunes du groupe paroissial de Raghabpur, constitué d’une vingtaine de filles et du double de garçons, âgés de 15 à 28 ans, la lutte contre le mariage précoce passe en premier lieu par l’information sur ses graves conséquences.

Chaque année en Inde, 78 000 femmes meurent en couches ou des suites de leur grossesse, en grande partie en raison de leur immaturité physiologique. Selon l’Unicef, « les filles qui ont un enfant avant l’âge de 15 ans courent cinq fois plus de risques de mourir pendant l’accouchement que les femmes qui ont plus de 20 ans » (3). Une forte mortalité infantile en découle ; plus l’accouchée est jeune, moins l’enfant a des chances de survivre au-delà de l’âge d’un an. De surcroît, les très jeunes filles, dont certaines ne sont pas encore pubères, ont davantage de risques de contracter des maladies sexuellement transmissibles que les femmes de plus de 20 ans.

Pour ces épouses trop jeunes, les conséquences sociales et économiques sont, elles aussi, dramatiques. Ayant dû renoncer à l’éducation, elles ne peuvent sortir de la pauvreté qui les a conduites à ces unions précoces. Car ce sont essentiellement des raisons d’ordre économique qui sont à l’origine des mariages d’enfants. En Inde, il n’est pas envisageable de se soustraire à la coutume de la dot – abolie pourtant depuis 1961 – laquelle doit être versée à la famille du mari, mais est d’autant moins élevée que la promise est jeune.

Véritable fléau, cette pratique de la dot est devenue ces dernières années de plus en plus lourde et exigeante, faisant de la naissance d’une fille un tel fardeau financier que l’on estime qu’elle est l’une des premières causes de la « disparition » des filles à naître (ou « femmes manquantes »), un phénomène qui ne fait que croître en Inde. Au Rajasthan, l’un des Etats de l’Union indienne où se pratiquent le plus de mariages de très jeunes enfants (âgées parfois de 5 ans à peine), le gouvernement a ainsi mis en place un programme pour aider les familles pauvres à payer les dots, en ouvrant dès leur naissance, un compte d’épargne aux petites filles.