Eglises d'Asie – Inde
Indignations suite aux propos d’Amit Shah, président du BJP, qui promet « d’expulser les infiltrés »
Publié le 16/04/2019
La déclaration d’Amit Shah, président du plus grand parti de l’Inde, fait référence à un projet controversé : la mise à jour d’un registre d’état civil (le Registre national des citoyens, NRC), qui est en cours de finalisation dans l’État de l’Assam, dans le nord-est de l’Inde. Dans cet État dirigé par les nationalistes hindous, le nouveau registre pourrait exclure pas moins de 4 millions d’habitants, musulmans pour la plupart, selon les recensements réalisés l’an dernier. À travers le NRC, les nationalistes hindous avaient promis d’endiguer l’immigration illégale en Assam, gonflée par la minorité linguistique des « Bengalis » et des musulmans venus du Bangladesh voisin. Pour cela, ils ont appliqué un ancien accord pernicieux qui n’existe qu’en Assam, et qui prive de citoyenneté ceux qui ne peuvent prouver leur présence sur le sol indien avant 1971, quand ont déferlé des réfugiés fuyant les affrontements durant la guerre d’indépendance du Bangladesh. Mais cette mise à jour de la liste des citoyens suscite une levée de boucliers et ne cesse d’être repoussée ; elle devrait être entièrement finalisée d’ici le 31 juillet prochain, selon les directives de la Cour suprême. Les critiques accusent le BJP de jouer la carte des divisions communautaires. L’an dernier, Rahul Gandhi, le président du parti d’opposition du Congrès, avait dénoncé la création « d’une insécurité de masse ». Mamata Banerjee, chef de l’exécutif de l’État du Bengale occidental, avait prophétisé la possibilité d’« un bain de sang » dans le cas d’une mise en œuvre des expulsions.
« C’est une attaque directe contre l’intégrité de notre nation »
Le NRC n’en reste pas moins populaire dans les rangs du BJP, qui y voit une façon de contrôler l’immigration clandestine. En pleine période électorale, Amit Shah n’a pas hésité à enfoncer le clou en qualifiant les immigrés de « termites ». « Nous nous assurerons de l’application du NRC à l’échelle du pays », a-t-il annoncé, dans la mesure où son parti du BJP serait réélu au scrutin législatif. « Nous expulserons tous les infiltrés du pays, à l’exception des bouddhistes, des hindous et des sikhs », originaires principalement du Pakistan, du Bangladesh et de l’Afghanistan. Les indignations sont vives suite à ces propos. Une organisation chrétienne, le Forum pour les Chrétiens du Kerala (Kerala Christian Forum) a demandé au BJP de présenter ses excuses. « C’est une attaque directe contre l’identité et l’intégrité de notre nation en tant qu’État laïque », a déclaré cette organisation dans un communiqué. « Nous espérons qu’Amit Shah et le BJP soumettront leurs excuses à la nation, et en particulier aux communautés minoritaires du pays, qui se sentent persécutées par cette déclaration. » Plusieurs partis ou personnalités de l’opposition ont également protesté contre les déclarations d’Amit Shah. « Le BJP a clairement indiqué qu’il n’avait aucun respect pour notre Constitution et aucun remord à diviser notre nation, a déclaré le parti du Congrès, qui accuse le BJP de vouloir une Inde privée d’unité et de fraternité. Il en va de la responsabilité de chaque Indien de rejeter cette haine. » La rhétorique antimusulmane n’est pas nouvelle au sein du BJP. Depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi en 2014, les observateurs soulignent une montée des tensions religieuses et des inquiétudes au sein des minorités musulmane et chrétienne. Narendra Modi lui-même avait soulevé, en 2002, une forte réprobation lors d’émeutes qui avaient provoqué la mort de plus de 1 000 musulmans dans le Gujarat, État qu’il dirigeait à l’époque, même si aucune charge n’a été retenue contre lui. Aujourd’hui, sa puissante campagne électorale reste teintée, en coulisses, d’un sentiment de suprématie hindoue et de haine pakistanaise, ravivée par les récentes tensions avec le Pakistan voisin.
(EDA / Vanessa Dougnac)
Crédit : Captgs / CC BY-SA 4.0