Eglises d'Asie

Indopacifique : la France souhaite se rapprocher des pays du Sud-Est asiatique et soutenir l’aide au développement

Publié le 15/10/2021




Après l’annulation du contrat de vente des sous-marins australiens, la stratégie diplomatique française dans l’Indopacifique se tourne davantage vers les pays de la zone Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est), en y multipliant les partenariats. Dans le sillage d’un rapprochement politique, l’aide au développement dans ces pays est également promise à prendre de l’ampleur. « Certains pays de la zone, comme l’Indonésie, sont particulièrement dynamiques », confie Yazid Bensaïd, directeur régional de l’Agence française de développement en Asie du Sud-Est.

Depuis septembre 2020, la France est devenue « partenaire de développement de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) ».

Depuis l’annulation, fin septembre, du « contrat du siècle » portant sur la vente de 12 sous-marins océaniques avec l’Australie, la diplomatie française se voit contrainte de réexaminer sa stratégie indopacifique. Lors d’un discours faisant date à Sydney en mai 2018, Emmanuel Macron avait souligné l’importance d’un « nouvel axe stratégique Paris-Delhi-Cambera » qui devait contribuer à la stabilité de la région face aux ambitions hégémoniques chinoises. Or, de cet axe principal, il ne reste plus aujourd’hui que l’Inde, « partenaire stratégique » qui continue à passer des commandes d’armements à la France. La leçon principale à tirer de la mésaventure, estime-t-on dans les milieux diplomatiques, c’est la diversification nécessaire des alliances sur l’immense territoire Indopacifique. « Cela renforce l’idée qu’il ne faut pas s’appuyer uniquement sur les ‘grands’ pays », estime un diplomate français en poste dans la zone.

L’une des conséquences directes de la débâcle australienne se traduirait donc par une multiplication des partenariats avec des pays aux dimensions géographiques et économiques plus modestes, tout particulièrement ceux de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est), comme la Malaisie (qui a déjà acheté deux sous-marins Scorpène), la Thaïlande ou le Vietnam. Au sein des institutions françaises basées dans ces pays, on espère que le revers australien place un coup de projecteur bienvenu sur une zone rarement au centre de l’intérêt médiatique. Car malgré une longue histoire coloniale, une présence territoriale, économique et militaire, l’Indopacifique reste le parent pauvre de la coopération, par rapport au Moyen Orient et à l’Afrique, qui concentrent l’essentiel des ressources. « Les projets ont encore du mal à trouver des financements », admet le diplomate, « mais on a l’espoir que cela change bientôt ».

« Nous sommes moins attendus ici qu’en Afrique, mais nous multiplions les partenariats »

Une prise de conscience a pourtant eu lieu depuis 2018, avec des moyens accrus accordés à des organismes comme l’Agence française de développement (subventionnée en partie par l’État), qui finance en priorité des projets ayant trait à l’environnement et à l’économie bleue (des océans). « Nous sommes moins attendus ici qu’en Afrique », concède Yazid Bensaïd, directeur régional de l’AFD en Asie du Sud-Est. « […] Mais nous multiplions les partenariats et certains pays de la zone, comme l’Indonésie, sont particulièrement dynamiques. » L’agence contribue notamment à des projets d’assainissement des eaux au Cambodge, de développement d’un réseau de transports électriques au Vietnam ou encore à la réhabilitation d’un parc d’immeubles de bureaux en Thaïlande, en vue d’améliorer leur efficacité énergétique.

Depuis septembre 2020, la France est devenue « partenaire de développement de l’Asean », un engagement qui l’incite à accompagner des projets régionaux dans les domaines de la « connectivité » (infrastructures de transport ou de télécommunications) ou du réchauffement climatique. Au niveau régional, l’AFD soutient un ambitieux programme de transition énergétique en Asie du Sud Est, et a récemment publié un rapport qui présente une lecture sociale de l’impact des changements environnementaux dans la région du Bas Mékong (Birmanie, Thaïlande, Laos, Cambodge, Vietnam), en vue d’une aide ciblée à destination des communautés les plus vulnérables. « L’un de nos axes de travail principaux pour les années à venir est le développement de partenariats à échelle régionale en Asie du Sud-Est », poursuit Yazid Bensaïd. L’agence collabore avec des acteurs du secteur public et privé, ainsi que des ONG locales et internationales. Au niveau mondial, l’organisation catholique Caritas fait partie de ses partenaires réguliers.

« La zone indopacifique abrite les trois cinquièmes de la population mondiale »

À travers cette aide au développement et d’autres formes de coopération stratégique, économique et culturelle, c’est donc une « une troisième voie » que la France rêve de proposer aux pays du sud-est asiatique, selon une tribune de l’ambassadeur Thierry Mathou, publiée dans le Bangkok Post, dans la néo-guerre froide qui fait rage entre Washington et Pékin. Un équilibre difficile à trouver puisqu’elle s’affirme à la fois du côté de ses alliés contre l’hégémonie chinoise dans la zone, mais aussi au centre dans la « confrontation » entre les deux géants. Dans les milieux officiels, plutôt que le terme de non-alignement, on préfère celui de « diplomatie des interstices » pour décrire la place à prendre aux côtés des pays sud-est asiatiques, qui aspirent eux aussi à trouver une voie médiane dans ce combat de titans. La plupart des pays de l’Asean pratiquent en effet depuis plus d’une décennie une stratégie dite de l’« hedging », qui consiste à cultiver des relations dans des domaines diversifiés avec chacune des deux grandes puissances, sans véritablement choisir son camp – notamment dans l’épineux dossier du contrôle de la mer de Chine du Sud –, une position de plus en plus difficilement tenable avec la montée des rivalités entre les deux géants.

Au 1er janvier 2022, la France prendra la présidence de l’Union européenne. L’occasion de mettre en œuvre la « Stratégie Indopacifique de l’UE », tout juste publiée en septembre, dans une version sans doute un peu revisitée. Le document rappelle en préambule que la zone « abrite trois cinquièmes de la population de la planète, produit 60 % du PIB mondial et se situe à la pointe de l’économie numérique ». Une façon de dire que les pays européens doivent y investir massivement s’ils veulent continuer à peser dans les décisions mondiales.

(EDA / Carol Isoux)


CRÉDITS

Thomas G. de Pixabay