Eglises d'Asie – Indonésie
Inondations : l’Église locale auprès des victimes de Jayapura
Publié le 05/04/2019
Deux semaines après les inondations et les glissements de terrain qui ont frappé la région de Sentani, à une vingtaine de kilomètres de Jayapura, la capitale de la province de Papouasie, des milliers de personnes sont toujours logées dans des centres d’accueil provisoires, gérés par le gouvernement et par plusieurs organisations religieuses. La catastrophe naturelle, qui a frappé la région le 16 mars, a entraîné au moins 112 morts. À ce jour, 94 personnes sont toujours portées disparues. Près de 347 logements, quatre ponts, cinq lieux de culte et huit écoles ont été touchés, et plus de 6 000 personnes sont toujours réfugiées dans les centres d’évacuation d’urgence. Selon les médias locaux, près de 12 000 personnes ont été déplacées par les intempéries. Le président Joko Widodo et son épouse, Iriana Widodo, ont visité la zone touchée le 1er avril, deux jours après la fin d’un État d’urgence de quatorze jours, afin de rassurer les victimes réfugiées au stade de Toware. Le président leur a assuré qu’ils seraient évacués en sécurité et que de nouveaux logements seront construits. Mais pour les victimes des inondations, le temps est compté. Tolakhe Meaga, 49 ans, a choisi de rester proche de l’abri provisoire installé à Kehiran, à Jayapura, géré par l’Église locale. Le centre est situé près de la paroisse du Christ Rédempteur de Jayapura. Tolakhe Meaga se dit encore traumatisée à l’idée de retourner chez eux. Elle est toujours hantée par des images de son village, emporté par les inondations. Elle-même a failli y rester. Selon Muhamad Aidi, un porte-parole militaire de Jayapura, le bilan des victimes pourrait dépasser 190 personnes, alors que l’espoir de retrouver les personnes disparues diminue.
Beaucoup de logements, dont la maison de Tolakhe Meaga, ont pratiquement disparu, avalés par la boue. Tolakhe explique que tout est arrivé si vite que les gens n’ont rien eu le temps d’emporter avec eux, même pas leurs animaux domestiques. « Quand j’ai entendu les gens crier, j’ai commencé à paniquer. Je me suis précipitée chez moi, mais la seule chose que j’ai pu attraper, c’est ma Bible », poursuit-elle. Tolakhe ajoute que deux de ses amies, Ani et Ana, ont été emportées par le courant, mais qu’elles ont pu se sauver. « J’ai été emportée aussi », confie-t-elle. « Je tenais ma Bible d’une main en priant, et j’ai pu me tenir de l’autre. » Elle a retrouvé ses amies plus tard dans le centre d’évacuation. Benny Kossay, un responsable laïc de la communauté catholique locale dont la maison a été inondée, confie s’être réveillé en trouvant son lit à moitié submergé. Il a d’abord pensé à emmener sa femme dehors, en sécurité. « J’ai essayé d’ouvrir la porte, mais des pierres et du sable bloquaient la porte », explique-t-il. Plusieurs heures plus tard, il était évacué au centre de Kehiran avec près de 70 autres familles vivant dans la région des monts Cyclope.
Plus de 6 000 personnes toujours réfugiées
Près de 1 200 personnes, réfugiées au centre de Kehiran et dans d’autres paroisses, ont reçu des vivres et des soins grâce à l’aide de la communauté franciscaine locale, confie le père Tarcisius Sina Lenggari, secrétaire de la mission franciscaine de Papouasie. Il explique que la congrégation a ouvert des cuisines publiques dans les zones qui ne peuvent bénéficier de l’aide du gouvernement, avec l’aide de la paroisse du Christ Rédempteur. L’aide humanitaire a été facilitée par la venue d’autres volontaires et de séminaristes, venus des districts voisins afin d’aider à distribuer la nourriture aux gens. Mais ils manquent encore de cuisiniers, explique le père Tarcisius. Yance Wenda, réfugié dans un autre centre, ajoute que les problèmes de peau et les infections fongiques sont fréquents parmi les réfugiés. Le frère franciscain Agust Adil, fondateur de la clinique Surya Kasih consacrée aux malades du Sida, a monté une équipe médicale. Celle-ci est composée de membres du personnel de l’hôpital Dian Harapan, géré par le diocèse de Jayapura, et de l’hôpital Provita, géré par les franciscains. Ils ont ouvert une clinique d’urgence dans la paroisse de Kehiran, avec l’aide de la paroisse du Christ Rédempteur. Le curé de la paroisse, le père Hendrikus Nahak, ajoute que beaucoup de jeunes ont aidé à distribuer les dons reçus (riz, nouilles, matelas, tentes, lait…). « Ils sont venus d’autres diocèses de la province ou d’ailleurs en Indonésie », ajoute le prêtre. Le père Hendrikus explique que l’aide de l’Église est importante pour pallier à l’insuffisance de l’aide du gouvernement, due au manque de ressources et à la difficulté d’accès de certaines zones. Hengky Hilapok, responsable d’un groupe de jeunes local, confie que la paroisse a donné une tonne de riz, qui a pu être distribué à presque tous ceux qui en avaient besoin.
Pour les indigènes papouasiens sans économies, la période de guérison et de reconstruction qui s’ouvre sera particulièrement compliquée, explique Dominikus Surabut, président du Conseil indigène de la province. « Ils devront recommencer de zéro », explique-t-il. « En plus des difficultés matérielles, ils auront besoin de temps pour dépasser leurs traumatismes. » Le gouverneur de la province, Lukas Enembe, a déclaré que le gouvernement local avait alloué 15 millions de roupies (1 050 dollars) pour chaque victime touchée par les inondations. Le gouverneur estime que les monts Cyclope sont peu sûrs et il s’attend à ce que beaucoup de villageois soient relogés. « Personne ne devrait plus vivre ici », a-t-il ajouté. John Gobay, membre du conseil indigène de la province, pense que le gouvernement devrait saisir l’opportunité pour investir. « Cela ne veut pas seulement dire construire des nouveaux logements pour ces gens, mais aussi prévoir des terrains agricoles. »
(Avec Ucanews, Jayapura)
CRÉDITS
Benny Mawel / Ucanews