Eglises d'Asie – Inde
Interview de Mgr Antonysamy Savarimuthu, nouvel évêque de Palayamkottai
Publié le 06/12/2019
Mgr Antonysamy Savarimuthu, vous avez été nommé évêque du diocèse de Palayamkottai, dans l’État du Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde. Entre 1992 et 2001, vous avez étudié en France où vous étiez accueilli par les MEP…
Mgr Antonysamy Savarimuthu : Dès mon arrivée à Paris, le 26 juin 1992, après un vol depuis Mumbai, j’ai été accueilli par le père Raymond Rossignol, qui était alors supérieur général des Missions Étrangères de Paris. Je suis sorti de l’aéroport avec beaucoup de stress – c’était la première fois que je voyageais à l’étranger. Et le père Rossignol est venu à ma rencontre avec le sourire, en prenant mes bagages. Dès le mois de juillet, j’ai commencé à apprendre la langue française à l’Institut catholique de Paris et à l’Alliance française. En septembre, j’ai également poursuivi des cours intensifs de français à l’Institut catholique de Paris. Tous les pères MEP de la rue du Bac m’ont encouragé et m’ont aidé à progresser. Comme c’était la période des vacances d’été, beaucoup de prêtres étudiants étaient absents, mais les pères qui étaient dans la maison m’ont aidé à me sentir chez moi. Tout au long de mes études, le père Albert Desbiem a relu et corrigé pratiquement tous les devoirs et toutes les épreuves que je présentais en français.
Vous avez effectué une licence de droit canon à la catho de Paris jusqu’en 1994…
Oui, et mon mémoire de licence portait sur « le rôle de la loi dans l’Église selon le pape Jean Paul II, à travers ses discours à la Rote romaine (1979-1994) ». Ensuite, jusqu’en 1996, j’ai suivi un DEA à la catho et à l’université Paris XI, sur « la participation des non-évêques à la vie conciliaire ». Puis j’ai suivi un DU Gratianus par Erasmus, à la catho et à l’université de Paris XI, avant de préparer ma thèse de doctorat de 1997 à 2000, sur « le statut canonique et civil d’une minorité religieuse en Inde : l’Eglise catholique et l’affirmation de l’identité nationale ». Durant ma soutenance de thèse, le 7 juillet 2000 à l’université Paris XI, j’ai été touché par la présence du père Etcharren, supérieur général, du père Paul Couverau, vicaire général, du père Georges Mansuy, secrétaire général, et d’autres pères qui était venu y assister.
Comment cette période vous a-t-elle marqué ?
Durant mon séjour à Paris, qui a duré huit ans, je suis resté deux ans avec les MEP au 128 rue du Bac, puis quatre ans dans la paroisse Sainte-Anne de Polangise, à Joinville-le-Pont, une paroisse du diocèse de Créteil. Puis je suis revenu rue du Bac pendant deux ans jusqu’en 2000, pour achever ma thèse de doctorat. La société des MEP m’a aidé financièrement tout au long de mes études. Quand je suis allé à Londres pendant un mois, pour rassembler des documents pour ma recherche, vers la fin de mes études, les MEP ont pris en charge tous les frais. Je reste profondément touché par leur générosité et toutes leurs attentions. J’ai appris ce que c’est d’être missionnaire à leurs côtés : être toujours prêt à aider ceux qui sont dans le besoin au nom de l’Évangile. Durant mon séjour à Joinville le Pont, de 1994 à 1998, j’ai également découvert la vie pastorale française. J’étais responsable du catéchisme des collégiens qui préparaient leur profession de foi. En fait, j’ai été formé intellectuellement et spirituellement par les MEP. En tant que séminariste, avant d’arriver en France, j’ai étudié au séminaire pontifical Saint-Peter de Bangalore, qui a été construit par des missionnaires MEP. J’y suivais alors les cours des pères Lucien Legrand, Pierre Penven, Frédéric Harou et Henri Viallet. Je suis profondément reconnaissant parce que c’est grâce à eux que je suis ce que je suis aujourd’hui.
Que pouvez-vous dire à propos de votre diocèse ? Comment sont les vocations religieuses dans la région ?
Le diocèse de Palayamkottai a été créé par le pape Paul VI par la bulle Romani Pontifices du 17 mai 1973. Auparavant, la région était l’un des vicariats de l’archidiocèse de Madurai. Mgr S. Iruthayaraj était le premier évêque du diocèse. Il y est resté pendant 26 ans, et il a contribué à son développement sur le plan spirituel, pastoral, éducatif, social et œcuménique. Quand il s’est retiré en juillet 1999, le père Susai Marian a été élu administrateur du diocèse, jusqu’en novembre 2000, quand le pape Jean-Paul II a annoncé la nomination du père Jude Paulraj, qui était alors recteur du séminaire Christ Hall Major de Madurai. Il a reçu la consécration épiscopale le 8 décembre 2000, et il a été un bon pasteur pour le diocèse, pour l’aider à grandir. Il s’est retiré en juin 2018, à l’âge de 75 ans, et Mgr Antony Pappusamy, archevêque de Madurai, a été nommé administrateur apostolique du diocèse. Le pape François m’a nommé le 20 novembre dernier, et je serai ordonné évêque le 15 décembre. Avant l’érection du diocèse de Palayamkottai, la région a été évangélisée par les jésuites de la province de Madurai. L’histoire du christianisme dans la région remonte à 1542, à l’époque de saint François-Xavier. L’ancienne mission de Madurai s’occupait des besoins spirituels des catholiques. Certains jésuites comme saint Jean de Britto (1647-1693), qui est mort en martyr à Oriyur, dans le diocèse de Sivagangai, ou le père Constantine Beschi (1680-1747) ont consacré une partie de leur vie missionnaire dans cette région, où ils ont aidé les chrétiens à renforcer leur foi. Lors de la suppression de la Société de Jésus (de 1773 à 1814), les pères des Missions Étrangères de Paris (de Pondicherry) ont pris en charge les besoins spirituels de la région. Le diocèse de Palayamkottai couvre une partie des districts de Tirunelveli et de Tuticorin, dans le sud du Tamil Nadu, sur 6 103 km², et compte 133 091 catholiques (pour 3,3 millions d’habitants, soit environ 4 %). Nous avons actuellement 104 prêtres diocésains, 54 prêtres religieux, 375 religieuses et 54 religieux. Il y a également 12 séminaristes et 17 élèves au petit séminaire.
Comment sont les relations entre les catholiques et les autres groupes religieux du Tamil Nadu ?
Palayamkottai compte aussi beaucoup d’Églises protestantes (qui ont été regroupées et qui sont connues sous le nom de CSI – Église de l’Inde du Sud). Quand j’étais vicaire général du diocèse, j’ai organisé beaucoup de rencontres avec eux, et nous avons travaillé ensemble dans de nombreux domaines, ainsi qu’avec les musulmans et avec les hindous. Bien sûr, plus de 80 % de la population locale est hindoue. Mais nous avons beaucoup d’espoir dans l’avenir des dialogues œcuméniques et interreligieux. La région, dans son ensemble, souffre d’un retard de développement économique, et dépend en grande partie de l’agriculture, qui ne produit pas toujours de bonnes récoltes à cause de pluies insuffisantes. Le diocèse contribue à l’éducation des enfants et des jeunes, mais il reste beaucoup à faire dans ce domaine.
Êtes-vous inquiet face à la situation politique actuelle en Inde ? Quelles sont vos espérances pour l’avenir ?
Même si les hindous représentent la majorité, la présence des minorités chrétiennes et musulmanes ne peut pas être ignorée (en tout, cela représente 6 à 8 % de la population locale). En fait, la communauté chrétienne a grandement contribué au développement de la région, aussi bien dans le secteur social que ceux de la santé et de l’éducation. Dans l’ensemble, la situation est restée harmonieuse entre les différentes communautés religieuses. Aujourd’hui, cependant, à cause des difficultés politiques causées par le parti nationaliste au pouvoir (le BJP), l’intolérance religieuse gagne du terrain par endroits. Mais je crois que cela ne durera pas longtemps, parce qu’en général, les hindous sont des gens pacifiques. C’est là que le dialogue interreligieux a toute son importance. Veuillez bien prier pour moi, pour que je puisse mener mon ministère en étant guidé par l’Esprit Saint, qui fait toujours toutes choses nouvelles.
(EDA)
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