Eglises d'Asie

Jharkhand : les nationalistes hindous accusent les chrétiens d’accélérer les conversions forcées pendant le confinement

Publié le 17/06/2020




Le 14 juin, lors d’une conférence de presse dans les locaux du parti VHP (Vishwa Hindu Parishad) de l’État du Jharkhand, dans l’est de l’Inde, Virendra Vimal, président local du parti, a accusé les chrétiens d’accélérer les conversions forcées durant le confinement. Le groupe nationaliste hindou a également dénoncé l’inaction du gouvernement local. De son côté, Ratan Tirkey, membre du Comité consultatif indigène du Jharkhand, a appelé le VHP à s’engager plutôt sur le terrain face à la crise : « Ce n’est pas le moment de lancer de telles accusations, surtout contre des groupes qui sont déjà gratuitement au service des pauvres. »

En mars 2016, des manifestants indigènes protestent contre une loi territoriale controversée dans l’État du Jharkhand.

Un groupe nationaliste hindou de l’État de Jharkhand, dans l’est de l’Inde, affirme que les conversions forcées, qui seraient menées par les missionnaires chrétiens dans la région selon l’organisation, auraient augmenté durant le confinement national contre la pandémie. Virendra Vimal, président du parti VHP (Vishwa Hindu Parishad) au Jharkhand, a accusé le gouvernement local de fermer l’œil face à cette situation. Le 14 juin, lors d’une conférence de presse organisée au quartier général du VHP, à Ranchi, la capitale de l’État, Virendra Vimal a affirmé que les Églises chrétiennes sont impliquées dans les conversions forcées des populations indigènes locales. « Nous avons reçu plusieurs rapports sur des conversions menées durant le confinement. Nous rassemblons des preuves pour chacune des affaires », a-t-il ajouté, sans plus de précisions. Il a accusé Hemant Soren, ministre en chef de l’État président du parti Jharkhand Mukti Morcha, de rester inactif contre les conversions forcées, visées par la loi anti-conversion votée en 2017 au Jharkhand. « Si le gouvernement n’agit pas, nous lancerons un mouvement massif », a-t-il prévenu. Ses accusations ont été vivement contestées par le père Anand David Xalxo, prêtre de l’archidiocèse de Ranchi et membre du groupe ethnique Oraon.

« L’Église a toujours été au service des pauvres et des plus démunis, et elle a intensifié ses actions dans la lutte contre la pandémie mondiale. Certaines personnes n’ont pas aimé notre travail auprès des pauvres et nous ont accusés de conversions forcées », dénonce-t-il. « Le groupe qui nous accuse n’a aucune preuve. Puisqu’ils n’ont pas su aider les plus démunis en ce temps de crise, ils se sont sentis offensés en voyant l’Église pleinement engagée sur le terrain », ajoute-t-il. « L’Église catholique au Jharkhand ne défend aucunement les conversions religieuses. Puisque le parti VHP l’affirme, qu’ils le prouvent. Au lieu de lancer de fausses accusations, ils devraient plutôt aider sur le terrain », poursuit-il. « Nous n’y pouvons rien s’ils se sentent jaloux de notre travail. Nous faisons notre devoir consciencieusement et sincèrement, et nous sommes fiers de notre travail auprès des personnes dans le besoin qui se battent contre la faim et la maladie. » Ratan Tirkey, membre du Comité consultatif indigène du Jharkhand, estime qu’il aurait mieux valu que les groupes comme le VHP soient engagés eux aussi auprès des plus démunis. « Ce n’est pas le moment de lancer des accusations semblables, surtout contre des groupes qui sont déjà au service des pauvres gratuitement », souligne-t-il. « Je ne pense pas qu’il faille s’inquiéter de ces accusations, parce que ces groupes tentent régulièrement de semer le chaos. Nous devrions nous préoccuper de notre travail et continuer de faire notre devoir de façon désintéressée. »

50 000 € d’amende et trois ans de prison

La loi anti-conversion votée en 2017 au Jharkhand condamne les conversions forcées à une amende de 50 000 roupies (582 €) et des peines pouvant aller jusqu’à trois ans de prison. Selon la loi, si une personne souhaite se convertir, elle doit en informer les autorités de son district et préciser les raisons et le lieu de la conversion, sous peine d’être poursuivie en justice. Des peines plus lourdes sont également prévues en cas de conversions de mineurs, de femmes, de membres des minorités indigènes ou des castes inférieures. Les nationalistes hindous accusent souvent les chrétiens de « tactiques sournoises » afin d’arriver à leurs fins, et organisent régulièrement des raids contre des villages en organisant des cérémonies de « reconversion ». En 2018, l’État d’Uttarakhand est devenu le neuvième État du pays à avoir voté une loi anti-conversion (après les États de l’Arunachal Pradesh, d’Odisha, du Madhya Pradesh, de Chhattisgarh, de Gujarat, de l’Himachal Pradesh, du Jharkhand et du Tamil Nadu). Le Jharkhand compte 1,4 million de chrétiens sur 33 millions d’habitants, dont une majorité est issue des minorités indigènes.

(Avec Ucanews, New Delhi)


CRÉDITS

Bijay Kumar Minj / Ucanews