Eglises d'Asie

Jour des défunts : faute de cimetières disponibles, les chrétiens népalais incinèrent leurs morts

Publié le 04/11/2021




Le 2 novembre, avant la commémoraison des fidèles défunts, les catholiques népalais ont nettoyé et décoré les colombariums contenant les urnes funéraires de leurs proches. Alors que le pays himalayen, majoritairement hindou, manque de cimetières disponibles, les minorités religieuses comme les chrétiens ont accepté, bien qu’avec réticence, cette situation, d’autant plus que les terrains sont une ressource chère et limitée au Népal. Toutefois, cette question ne fait pas l’unanimité, les protestants et les évangéliques népalais restant majoritairement opposés à ce système.

Des catholiques népalais prient devant les cendres d’un proche, dans un colombarium d’une église de Katmandou, la capitale.

Après le décès de Sher Bahadur Bogati, un catholique de Katmandou, le 25 octobre dernier, sa famille a organisé ses obsèques dans l’église de l’Assomption le jour suivant. Les paroissiens sont venus pleurer la mort de ce Népalais de 82 ans, dont un des fils est le père Silas Bogati, vicaire général du vicariat apostolique du Népal. Au lieu d’un enterrement traditionnel dans un cimetière, après la messe de funérailles, le corps de Sher Bahadur Bogati a été incinéré, et l’urne a été placée dans un colombarium (un espace conservant les urnes cinéraires dans des niches) géré par l’Église locale. Alors que le pays himalayen, majoritairement hindou, manque de cimetières disponibles, ce dernier exemple montre que les minorités religieuses comme les chrétiens ont accepté, bien qu’avec réticence, cette situation. D’autant plus que les terrains sont une ressource chère et limitée au Népal.

Le mot « colombarium » est dérivé du latin columba et évoque à l’origine un pigeonnier. À l’époque de l’empire romain, les colombariums étaient courants, l’incinération étant alors une pratique répandue. En raison de leur côté pratique, les colombariums et les incinérations sont devenus une norme acceptable pour les catholiques népalais, selon Chirendra Satyal, 63 ans, directeur des médias et de la communication du vicariat apostolique du Népal. « Les catholiques ont accepté le fait que dans un pays comme le Népal, les enterrements ne sont pas courants et les corps doivent être incinérés après la messe, et les cendres conservées dans un colombarium. Les trois églises catholiques de la vallée de Katmandou procèdent de cette manière depuis des années », confie-t-il.

1,5 million de chrétiens sur 29 millions d’habitants

Satyal, père de trois enfants et basé à Katmandou, explique que quand une tante de son épouse est décédée récemment, ses cendres ont été conservées dans un colombarium de la paroisse de Godavari, dans le sud de la ville. Il ajoute que les catholiques qui vivent dans des lieux moins peuplés, loin de Katmandou, peuvent parfois, avec les protestants, enterrer leurs morts. Il précise que certains vont même enterrer leurs proches à Darjeeling, dans l’État du Bengale occidental, dans l’est de l’Inde, où vivent des proches népalais. À Katmandou, les cimetières chrétiens sont rares. Le seul cimetière chrétien dans la capitale dépend d’un centre de retraite jésuite, d’où des missionnaires ont ravivé la foi catholique dans le pays.

Mgr Anthony Sharma, premier évêque issu de l’ethnie népalaise, y a été enterré. Mais le cimetière n’a plus de place désormais, même pour les religieux et les membres du clergé. Ainsi, avant la fête de la commémoration des fidèles défunts, les catholiques nettoient et décorent les colombariums des trois paroisses de la ville (Katmandou centre, Gadavari et Baniyatar). Le 2 novembre, ils y placent des cierges et des fleurs. Toutefois, les protestants et les évangéliques, qui forment la majorité des quelque 1,5 million de chrétiens népalais, sont opposés à l’incinération et au système des colombariums, et insistent pour demander au gouvernement de leur permettre de disposer de leurs propres cimetières.

Les chrétiens népalais divisés sur le sujet

Le Népal, ancien royaume hindou, a adopté une nouvelle Constitution en 2015 en se déclarant un État laïc et une démocratie pluraliste où la liberté religieuse doit être garantie. L’hindouisme domine toujours dans le pays, qui compte environ 29 millions d’habitants. Selon le recensement de 2011, les hindous népalais sont environ 81 %, les bouddhistes 9 %, les musulmans 4,4 % et les chrétiens 1,4 %. Certains responsables chrétiens estiment que si le Népal est vraiment un État laïc, le gouvernement doit garantir un traitement équitable de toutes les minorités religieuses, y compris concernant tous leurs droits fondamentaux. « Les rites funéraires en font partie », affirmait C. B. Gahatraj, président de la Fédération des chrétiens népalais, en août 2020 dans une interview du journal local Global Press Journal. « Si nous emmenons les corps en dehors de Katmandou, les communautés locales protestent. Nous devons alors nous cacher et enterrer les défunts de nuit [dans une autre ville], et si nous y sommes contraints, nous devons incinérer. »

De son côté, Ramesh Khatri, un pasteur et bibliste protestant népalais, estime que les chrétiens du pays devraient accepter l’incinération. Lui-même la demande après sa mort, à cause du manque de terrains disponibles dans un petit pays comme le Népal, alors que même les vivants n’ont pas toujours accès à la propriété. Un autre pasteur protestant, anonyme, estime que les différentes positions des chrétiens sur le sujet envoient un message déconcertant au gouvernement. « Si les chrétiens étaient unis pour une même cause, la question pourrait être résolue », ajoute-t-il.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Ucanews