Eglises d'Asie

Karnataka : le diocèse de Bangalore proteste contre la démolition d’une statue

Publié le 18/02/2022




Le 15 février, le diocèse de Bangalore a dénoncé la démolition d’une statue près de l’église Saint-François-Xavier de Gokunte, dans le district de Kolar. Selon la communauté locale, des stations du chemin de croix et un socle en béton ont également été démolis sous prétexte d’une accusation « d’empiétement ». « Nous avons une loi pour nous mais ces structures ont été retirées sans préavis », a dénoncé le responsable des relations publiques de l’archidiocèse. « Nous poursuivrons notre combat contre les fondamentalistes qui troublent l’harmonie intercommunautaire. »

La cathédrale Saint-Joseph d’Hyderabad dans le sud de l’Inde.

La démolition d’une statue de Jésus, ainsi que des dégâts causés à des stations du chemin de croix, près d’une église de l’État du Karnataka, dans le sud de l’Inde, ont provoqué la colère de la communauté catholique locale qui affirme qu’il s’agit d’une violation de la propre législation du gouvernement sur la protection des structures religieuses.

La loi en question (Karnataka Religious Structures Protection Act 2021), votée l’an dernier et entrée en vigueur le 22 octobre 2021, est censée assurer la protection des infrastructures religieuses construites sur des terrains appartenant au gouvernement. La section III de la loi souligne que le gouvernement doit protéger les structures religieuses existantes à la date d’entrée en vigueur de la loi, « quelles que soient les autres dispositions contenues dans toute autre loi actuellement en vigueur, ou tout autre jugement, décret, tribunal ou autorité ».

Le 15 février, ignorant les dispositions de la nouvelle loi, le Bureau d’administration régional de Mulbagal a démoli une statue en place depuis presque deux décennies, sur un terrain dépendant de l’église Saint-François-Xavier du village de Gokunte, dans le district de Kolar (dans le diocèse de Bangalore). Le gouvernement local a également endommagé une structure en béton sur laquelle reposait la statue, ainsi que quelques stations du chemin de croix, sous prétexte d’un « empiétement » de la paroisse.

Une affaire toujours en cours selon l’Église locale

Shobhita R., fonctionnaire des impôts de Mulbagal, a donné son feu vert pour la démolition en évoquant un ordre venant de la Haute Cour du Karnataka. La communauté chrétienne locale a répondu que la décision est au contraire illégale car l’affaire est toujours en cours d’examen par la cour. Lundi dernier, la fonctionnaire est arrivée avec plusieurs centaines de policiers à Gokunte vers 3 heures du matin.

La statue, qui mesure près de six mètres de haut, a été retirée malgré l’opposition des résidents. « Nous avons démoli la statue sur ordre de la Haute Cour », a déclaré Shobhita. « Après sept ou huit audiences, elle a donné l’ordre de démolition », a-t-elle ajouté. Selon elle, cet ordre a été publié en mars 2021 et l’administration locale devait soumettre un rapport avant le 16 février. Elle a également déclaré aux médias locaux que la statue avait été construite sur un terrain gouvernemental réservé comme pâturage pour les bêtes.

Les chrétiens, cependant, ont dénoncé ses propos en répétant que l’affaire n’est pas close. Le père Theres Babu, prêtre et juriste, a souligné qu’il n’a jamais reçu aucun avis de démolition. « L’affaire est toujours en cours et l’audience a lieu aujourd’hui », a-t-il insisté le 16 février. « Le gouvernement a assuré qu’il avait envoyé une lettre. Nous avons demandé à voir l’ordre de démolition. »

Une plainte déposée par un nationaliste hindou

Ryappa, un chrétien de Gokunte, souligne que les habitants du village sont opposés à la décision. « Nous prions près de cette statue depuis 2004, mais ils ne nous ont pas écoutés », regrette-t-il. « Alors que nous avons demandé à l’administration de la retirer respectueusement et de nous la remettre, ils l’ont démolie et l’ont emportée en tracteur. Près de 14 petites structures et une arche ont également été démolies. Nous avions rassemblé des fonds et travaillé dur pour construire cela. »

Selon les résidents du village, l’affaire a été ouverte à la suite de plaintes déposées par des membres de groupes pro-hindous. Le curé de la paroisse, de son côté, se dit choqué par la décision. « Durant des décennies, nous avons reçu des lettres de revendication à propos du terrain, mais nous avons poursuivi nos activités parce que nous avons les titres de propriété. Puis l’an dernier, un militant de l’ultranationalisme hindou de Bangarpet a déposé une plainte auprès de la haute Cour et répandu des fausses rumeurs en affirmant que nous avons empiété sur 300 acres de terrain. » Le village est situé à 2 km de la frontière avec l’État de l’Andhra Pradesh et compte entre 500 et 600 habitants. À l’exception de quatre familles, tous sont catholiques.

« Nous n’abandonnerons pas »

Pour la communauté chrétienne locale, il s’agit d’une nouvelle menace contre les minorités. « Nous avons une loi pour nous et deux décisions judiciaires, dont une provenant de la Haute Cour, mais ces structures sacrées ont été démolies malgré tout, sans préavis », a déploré J. A. Kantharaj, responsable des relations publiques de l’archidiocèse de Bangalore, en estimant que la démolition représente un « outrage au tribunal ». « Nous appelons la cour à agir contre ces fonctionnaires », a-t-il insisté, en signalant que le terrain en question est entre les mains de l’église depuis plus de trois décennies. « Nous n’abandonnerons pas. Nous poursuivrons notre combat contre les fondamentalistes qui troublent l’harmonie intercommunautaire par leurs fausses affirmations », a poursuivi J. A. Kantharaj.

Le Karnataka, considéré comme plaque tournante majeure pour le secteur des technologies de l’information en Inde, compte de plus en plus d’actions antichrétiennes et antimusulmanes. Le parti BJP (Bharatiya Janata Party), qui dirige le gouvernement local, y a voté récemment une loi anti-conversion, tout en s’en prenant au port du « hijab ». L’an dernier, les autorités ont également ordonné une surveillance des missionnaires chrétiens dans la région, provoquant l’indignation des organisations chrétiennes. Le Forum chrétien uni, un groupe œcuménique, a déclaré récemment, dans un rapport, que le Karnataka est l’État où l’on compte le plus de violences antichrétiennes dans le sud de l’Inde.

(Avec Ucanews et Asianews)