Eglises d'Asie

Karnataka : Mgr Machado dénonce l’ouverture d’une enquête sur les missionnaires chrétiens

Publié le 19/10/2021




Le 13 octobre, le gouvernement BJP du Karnataka, dans le sud-ouest de l’Inde, a ouvert une enquête sur les missionnaires et les lieux de culte chrétiens, après des accusations de conversions forcées dans la région. Mgr Pierre Machado, archevêque de Bangalore, a protesté en appelant Basavaraj Bommai, ministre en chef du Karnataka, à ne pas céder aux pressions des groupes extrémistes hindous. « Rien ne sortira de bon d’une telle enquête. Entre les sentiments antireligieux et les polémiques sur les conversions, il est dangereux de mettre en place une telle mesure. »

Des passants devant le Victoria Memorial Hall, à Calcutta (Bengale occidental), en juin 2021. Les minorités religieuses du Karnataka protestent contre une tentative de surveillance des missionnaires chrétiens par les autorités.

La minorité catholique de l’État du Karnataka, dans le sud-ouest de l’Inde, a fait part de sa préoccupation à propos d’une décision du gouvernement local, qui a ouvert, le mercredi 13 octobre, une enquête sur les missionnaires chrétiens, ce que les chrétiens du Karnataka considèrent comme dangereux. Mgr Pierre Machado, archevêque de Bangalore, a réagi après cette décision annoncée par le département local pour la protection des classes et minorités défavorisées (Backward Classes and Minorities Welfare Department), alors que près de la moitié des églises ne seraient pas reconnues officiellement par le gouvernement local. Certains membres du département auraient suggéré de priver ceux qui se convertissent d’avantages garantis par le gouvernement. Goolihatti Shekar, membre du BJP au Karnataka, a appuyé la décision en citant une femme qui aurait été convertie au christianisme à son insu, après une forme de « lavage de cerveau ».

Mgr Machado a repoussé les accusations et appelé Basavaraj Bommai, ministre en chef de l’État du Karnataka, à ne pas céder aux pressions des groupes extrémistes. Pour Sajan K. George, président du Conseil global des chrétiens indiens, tout cela s’ajoute « à une situation déjà difficile pour les chrétiens dans la région, dirigée par le BJP ». « Ces derniers mois, des cas de détention, de harcèlement et d’arrestations se sont multipliés. » L’enquête doit porter sur toutes les communautés chrétiennes, officielles ou non. « Nous considérons cette mesure comme vaine et inutile », a déclaré Mgr Machado dans un communiqué publié le 15 octobre. « Rien n’en sortira de bon. En fait, avec sentiments antireligieux et les menaces sur les conversions qui augmentent, il est dangereux de mettre en place une telle enquête. Nos lieux de culte communautaires, ainsi que nos pasteurs et nos religieuses, seront identifiés et pourraient être visés injustement. Nous entendons déjà parler d’incidents localisés. »

« Cette enquête mettra les nôtres en danger »

Le parti BJP (Bharatiya Janata Party) pro-hindou est actuellement au pouvoir dans l’État du Karnataka. Les responsables chrétiens affirment que les gouvernements indiens locaux dirigés par le BJP soutiennent implicitement les idéologies pro-hindoues, projetant de faire de l’Inde une nation hindoue en visant les minorités religieuses comme les chrétiens et les musulmans. « Pourquoi le gouvernement organise-t-il une telle enquête sur le personnel et les sites religieux exclusivement chrétiens ? » a demandé Mgr Machado. Les responsables chrétiens de la région précisent que leurs fidèles ont rapporté des attaques visant spécifiquement leur personnel, leurs institutions et même des rencontres de prière dans des maisons – des attaques organisées majoritairement par des groupes hindous extrémistes, qui auraient des liens indirects avec l’administration locale.

Pour Mgr Machado, cette enquête « mettra les nôtres en danger ». « Parmi ceux qui travaillent pour nous, personne n’a d’activité souterraine. Tout le monde travaille pour le bien du peuple et le gouvernement en a bien conscience. C’est pourquoi je ne comprends pas le but d’une enquête portant exclusivement sur les chrétiens et leurs institutions », a poursuivi l’évêque. « Que le gouvernement recense toutes les institutions éducatives et tous les centres médicaux dirigés par les missionnaires chrétiens. Cela donnera aux autorités une bonne idée des services rendus par la communauté chrétienne pour la construction de la nation, et du nombre réel de conversions dans ces lieux et institutions », a-t-il poursuivi. « Si les chrétiens convertissent massivement, comme certains l’affirment, pourquoi le pourcentage de la population chrétienne diminue dans l’État comparé à d’autres communautés ? »

Mgr Machado a également fait part de ses inquiétudes à propos de déclarations récentes du gouvernement BJP au Karnataka, en faveur de la promulgation d’une loi anti-conversion, qui limiterait la liberté religieuse des minorités. « Pourquoi avons-nous besoin d’une telle loi, alors qu’il y a suffisamment de protections garanties par la Constitution et par le système juridique du pays pour punir les coupables ? Nous avons besoin du soutien et de l’encouragement du gouvernement. » Huit États indiens ont des lois anti-conversion qui pénalisent les conversions religieuses. Les responsables chrétiens estiment que le fait d’enquêter sur les missionnaires et les lieux de culte chrétiens est une tentative de viser une communauté qui travaille auprès des personnes dans le besoin. Le Karnataka compte près de 61 millions d’habitants, dont 84 % d’hindous, 13 % de musulmans et 2 % de chrétiens.

(Avec Ucanews et Asianews)