Eglises d'Asie

La Cour Suprême annonce la construction d’un temple hindou sur le site disputé d’Ayodhya

Publié le 13/11/2019




La Cour Suprême a annoncé, le 9 novembre, sa décision d’autoriser la construction d’un temple hindou dédié à la divinité Rama, septième avatar du dieu Vishnou, sur le site religieux d’Ayodhya, dans l’État de l’Uttar Pradesh (dans le nord du pays). Selon la tradition hindoue, le site d’Ayodhya est le lieu de naissance de Rama ; c’est aussi là que l’ancienne mosquée de Babri (Babri Masjid) a été construite en 1528 (elle fut détruite en 1992). La Cour Suprême indienne a également décidé d’accorder un terrain aux musulmans pour la construction d’une mosquée. Malgré tout, face aux tensions interreligieuses que l’annonce risque de provoquer, de nombreux militants et responsables religieux ont réagi prudemment en lançant des appels à la paix.

Des policiers protégeant une mosquée de Bhopal, dans l’État du Madhya Pradesh.

Le 9 novembre, la Cour Suprême a autorisé la construction d’un temple hindou sur le site religieux fortement disputé d’Ayodhya, dans l’État de l’Uttar Pradesh, dans le nord de l’Inde. Le lieu était également revendiqué par les musulmans, à qui les juges ont assigné un autre terrain où ils pourront construire une mosquée. Alors que les hindous ont chanté le Jai Sri Ram (« Ode au dieu Ram »), les musulmans ont partagé leur profonde déception. Zafaryab Jilani, l’avocat du groupe musulman sunnite impliqué dans l’affaire, a assuré que « nous examinons le verdict et toutes les voies juridiques possibles ». La décision de la Cour Suprême est également une victoire pour le Premier ministre Narendra Modi, qui soutenait depuis longtemps la construction d’un temple hindou sur le site. Pourtant, le matin de l’annonce, il a écrit sur son profil Twitter, sans doute pour prévenir les réactions négatives, que la décision n’était « ni une victoire ni une défaite pour qui que ce soit ». Le verdict de la Cour Suprême, composée de cinq juges, était unanime. La décision était attendue depuis quelques jours et pouvait tomber à tout moment, avant le départ à la retraite du juge en chef Ranjan Gogoi, qui arrivera au terme de son mandat le 17 novembre. Afin de faire face aux violences éventuelles entre les communautés religieuses, le gouvernement a envoyé un contingent supplémentaire de quatre mille militaires sur le site. De plus, les écoles de l’État de l’Uttar Pradesh ont été fermées, et des restrictions ont été mises en place à Ayodhya ainsi que dans d’autres villes des États du Rajasthan et du Maharasthra.

Selon les experts, la décision du tribunal risque de plonger le pays dans de nouvelles violences religieuses. Selon la tradition hindoue, le site d’Ayodhya est le lieu de naissance de Rama, l’incarnation du dieu Vishnou. C’est aussi là que la mosquée de Babri (Babri Masjid) a été construite en 1528. Au cours des siècles suivants, les hindous ont essayé de la détruire, affirmant que la mosquée avait été construite sur les ruines d’un ancien temple hindou. Le 6 décembre 1992, des extrémistes hindous se sont attaqués à la mosquée, détruisant ses trois dômes en moins d’une heure. Le tout sous l’œil de la police, qui avait été déployée en force avec un contingent paramilitaire. Durant la nuit, un petit temple hindou avait été construit sur les ruines de la mosquée. L’attaque avait suscité de nombreuses violences à travers le pays, entre hindous et musulmans, et qui ont conduit à la mort d’au moins deux mille personnes. En 2010, la Haute Cour d’Allahabad avait décidé que le site devait être divisé en trois parties entre hindous et musulmans (deux pour les hindous, et une pour les musulmans). Les nationalistes hindous s’y étaient opposés devant la Cour Suprême. Le 9 novembre, cette dernière a également déclaré que la destruction de la mosquée de Babri était « contre l’État de droit », confirmant ainsi la responsabilité des autorités du parti du BJP (Bharatiya Janata Party) de l’époque. Les analystes, dont Akhil Bery du groupe Eurasia, estiment que la décision « mettra à l’épreuve la capacité de l’Inde à contrer les violences et à éviter que la situation ne dérape ».

Appel à la paix

Selon Ashok Swain, professeur au Département de recherche sur la paix et les conflits de l’université d’Uppsala, en Suède, le verdict, « plutôt que d’être fondé sur des faits, sur la raison et sur la Constitution, relève plutôt de l’affirmation des sentiments de la majorité ». « Cela risque de mettre les quelque deux cents millions de musulmans indiens encore plus en marge de la société », déplore-t-il. De leur côté, les militants et responsables religieux ont réagi avec prudence. « Nous devons respecter ce jugement », confie sœur Anastasia Gill, membre de la Commission des minorités de Delhi. « Mon sentiment, c’est qu’il y a de la discrimination envers la communauté musulmane, et nous sommes solidaires avec eux. » Muhammad Arif, président du Centre pour l’harmonie et la paix, explique quant à lui que « nous devons obéir au jugement de la Cour Suprême, mais cela ressemble plus à une punition qu’à de la justice ». Muhammad Arif, dont l’organisation est basée dans la ville de Varanasi, dans l’Uttar Pradesh, ajoute que « puisque la Cour Suprême a donné sa décision, personne ne peut la contester ». Le révérend Joseph D’Souza, président de l’organisation All India Christian Council, une alliance chrétienne nationale, appelle ceux qui sont peinés par cette décision à « trouver la force de travailler pour la paix et l’harmonie commune », tout en affirmant à ceux qui estiment qu’ils ont remporté une victoire qu’ils doivent « accepter ce jugement d’une façon respectueuse envers la communauté musulmane et envers leurs droits ». « Face aux profondes divisions religieuses qui frappent l’Inde actuellement, il est urgent que les fidèles de toutes les confessions religieuses dans le pays travaillent pour la paix, l’harmonie commune et le développement économique », soutient-il. « L’Inde peut difficilement surmonter un autre épisode comme celui que nous avons connu avec la démolition de la mosquée Babri Masjid et avec la campagne pour la construction d’un temple hindou sur le site. » Les hindous représentent 80 % de la population sur 1,3 milliard d’habitants, contre 14 % pour les musulmans, et 2,3 % pour les chrétiens.

(Avec Asianews et Ucanews)


CRÉDITS

Ians