Eglises d'Asie – Inde
Les pêcheurs Kolis de Mumbai soutenus au quotidien grâce à la foi
Publié le 26/10/2019
Un réveil sonne à trois heures du matin chez Michael Koli, sur la côte ouest indienne, près de Mumbai. L’homme de 59 ans, catholique, attrape son chapelet pour l’embrasser avant d’éteindre son alarme. Presque simultanément, une série de réveils se mettent alors à sonner dans tout le village de pêche de Koliwada, situé sur la péninsule de Worli qui se jette dans la mer d’Oman depuis la capitale économique indienne. Michael se met à genoux devant un petit autel, fait un signe de croix avant de réciter doucement l’angélus. Puis il se lève prudemment, en enjambant les autres membres de sa famille dormant sur le sol de leur unique chambre, avant de rejoindre l’allée encombrée menant jusqu’à la mer. Moins de dix minutes plus tard, la plupart des hommes de Koliwada sont prêts à partir en mer pour une journée de pêche. Debout, Michael enfile sa tenue de travail, accrochée devant chez lui avec toutes ses affaires de pêche pour éviter de déranger le sommeil de ses proches. Un de ses deux fils l’aide pour la pêche, l’autre travaille comme chauffeur. Les deux sont mariés et ont des enfants, mais ils vivent dans la même pièce qu’ils partagent avec leur père. À Koliwada, les maisons n’ont pas de verrous, et les portes restent ouvertes la nuit pour laisser passer l’air marin. La famille de Michael possède un ventilateur, mais ils utilisent plus volontiers les brises marines pour aérer la pièce. Malgré les portes ouvertes, les habitants assurent qu’ils n’ont encore jamais eu à se plaindre de vols. « Même si quelqu’un si quelqu’un essayait d’entrer, que pourrait-il emporter ? » commente un pêcheur, expliquant pourquoi ils n’ont pas de verrous. C’est la pauvreté qui domine le hameau des pêcheurs, dans l’ombre des lumières de Mumbai. Non loin du nouveau pont à haubans qui fait la liaison entre Bandra et Worli, Michel est prêt à partir avec son petit bateau de pêche, équipé d’eau bénite et de son chapelet. La plupart des hommes de Koliwada sont appelés « Koli », du nom de la communauté formée par les pêcheurs de la région.
Influence portugaise
L’arrivée des Portugais à Mumbai au XVIe siècle a entraîné la conversion de beaucoup de Kolis. Ainsi, le village de Michael compte plus de catholiques que d’hindous. À leur retour de pêche, dans l’après-midi, Michael et ses amis pêcheurs, Johnson Patil et Richard Koli, ont l’habitude de réparer leurs filets ensemble. Le soleil frappe le toit de tôle de leur cabane, qui devient vite une fournaise. « Avant de jeter nos filets à la mer, nous prions tous le chapelet ou d’autres prières », explique Johnson, alors qu’il cherche à démêler le filet, les yeux fixés sur sa tâche. « Nous allons à l’église tous les dimanches, et nous considérons le prêtre un peu comme notre ange gardien », ajoute-t-il, précisant qu’ils le consultent quand ils ont un problème. En général, les pêcheurs du village partent en mer par équipes de trois ou quatre. « Depuis cinquante ans, j’ai été en mer pratiquement tous les jours », explique Michael. Selon la taille du filet et la capacité de l’embarcation, ils décident de leur zone de pêche. Certains ne s’éloignent pas de la côte de plus de trois kilomètres, mais d’autres comme Johnson vont au large pour rechercher de plus grosses prises. Aucun d’entre eux ne dispose d’équipements modernes. Pour se situer en mer, ils doivent se contenter de leur propre expérience. Michel assure que la mer le rend spirituel. Quand il pêche, il a l’habitude de prier et de chanter « Alleluia », et d’asperger le filet d’eau bénite avant de le jeter à la mer en ajoutant « louez le Seigneur », accompagné par ses camarades pourtant non catholiques comme Dinesh Koli. Michel, proche du renouveau charismatique, explique que son passage biblique favori est Jean 21 : « Parfois, quand j’attends une prise pendant des heures, je raconte ce passage à mes collègues », confie Michael. Dinesh le confirme : « Oui, je connais bien la mer de Galilée. Je connais aussi l’histoire de Jésus demandant à ses disciples de jeter leur filet à droite de leur barque. Parfois, c’est d’ailleurs ce que nous faisons, par habitude, comme Michael le fait depuis des années. » « Mais nous ne nous jetons pas à la mer comme l’a fait Simon Pierre », plaisante Michael. Les jours de bonne pêche, ils restent parfois jusqu’au soir. Ils ne mangent qu’une fois rentrés. En mer, ils se contentent de thé et de biscuits, et ce que Michael appelle la « bénédiction du Seigneur ». Alors que le soleil se couche, Michael explique que ce n’était pas une bonne journée. « La pêche n’était pas très bonne. Ce n’est même pas suffisant pour payer les frais de carburant », commente-t-il, sans un seul signe d’abattement. La prise du jour a été vendue 300 roupies (3,80 euros). « Mais Dieu prend soin de nous. Si aujourd’hui nous n’avons pas beaucoup pêché, Il nous récompensera un autre jour » assure Michael.
(Avec Ucanews, Mumbai)
CRÉDITS
Binu Alex / Ucanews