Eglises d'Asie – Philippines
La journée nationale des migrants contre l’exportation de la main-d’œuvre
Publié le 15/03/2019

Comme beaucoup de ses pairs, Emer de Lina a soutenu sa famille restée au pays en envoyant de l’argent durement gagné. Elle a d’abord travaillé à Singapour, mais la paie était à peine suffisante pour ses propres besoins. Après trois ans, elle a déménagé à Hong-Kong en 1993 où elle est restée vingt ans avec un salaire plus élevé. En 2013, elle a travaillé à Macao avant de retourner aux Philippines en 2017. Emer raconte que, durant sa carrière, son travail commençait généralement à l’aube. « Il n’y avait pas moyen de se reposer ni même de s’asseoir. Il fallait toujours être à la merci de votre employeur. » Elle évoque aussi une autre épreuve, celle des nuits blanches passées à penser à ses propres enfants restés aux Philippines. « Ce sont mes enfants, mais ils sont devenus des étrangers pour moi », explique-t-elle. « Ils m’ont reproché de n’avoir pas été là pour les guider. » Le programme national d’exportation de la main-d’œuvre (Labor export policy) a forcé de nombreuses Philippines à supporter les difficultés à l’étranger afin de soutenir leur famille. Outre les travaux domestiques, d’autres partent à l’étranger pour toutes sortes de fonctions, comme gérantes d’hôtel, infirmières, cuisinières, massothérapeutes… Mais Migrante International, une organisation de travailleurs migrants philippins, affirme que la plupart d’entre eux occupent des professions peu qualifiées, comme la domesticité ou les tâches ménagères.
Journée nationale des migrants
Selon l’organisation Gabriela, un groupe de femmes philippines, très peu de salariées philippines sont protégées par les syndicats. Mgr Ruperto Santos, chef de la commission épiscopale de la pastorale des migrants et des personnes itinérantes aux Philippines, assure de son côté que le pays ne manque pourtant pas d’opportunités d’embauche. « Ce n’est pas vrai qu’il n’y a pas de travail ici », déclarait l’évêque le 10 mars, durant la célébration de la Journée nationale des Migrants. « Le problème, c’est qu’on ne donne pas la priorité aux Philippins. Les emplois locaux sont donnés à d’autres », a confié Mgr Santos. L’évêque a également cité une annonce du département du travail, selon lequel au moins 400 000 permis de travail étrangers et près de 180 000 titres de séjour spéciaux ont été délivrés par le gouvernement philippin. Après être restée loin de chez elle durant plusieurs dizaines d’années, Emer de Lina est revenue les mains vides. Tout le fruit de son travail a servi à soutenir ses enfants et ses proches. Aujourd’hui, sa vie se résume surtout à tenter d’utiliser au mieux ses ressources limitées.
(Avec Ucanews, Manille)
CRÉDITS
Karl Romano / Ucanews
 
                    