Eglises d'Asie – Vietnam
La lutte des jeunes enseignants face à la jungle de l’éducation vietnamienne
Publié le 12/06/2019

Anna Pham Thi Chi, qui enseigne dans une école primaire de la province de Kien Giang depuis quinze ans, gagne un salaire mensuel de 8 millions de dongs, insuffisant pour faire vivre sa famille. Anna Chi, 40 ans et mère célibataire de deux enfants, vend également en ligne des vêtements et des yaourts au soja, ce qui lui rapporte 2 millions de dongs supplémentaires par mois. « Quand nous sommes en difficulté, nous devons demander de l’aide financière à ma sœur, qui travaille pour une agence immobilière », explique-t-elle. Les enseignants qui sortent tout juste de l’université, reçoivent un salaire mensuel moyen de 3 millions de dongs, un niveau de salaire bien plus faible que la moyenne comparé aux autres secteurs. Même s’ils ne peuvent vivre décemment avec leur salaire, ils sont obligés de supporter de lourdes charges de travail. Quand ils doivent prendre un deuxième emploi, leurs obligations en tant qu’enseignants ont tendance à en pâtir. Les salaires des enseignants sont basés sur l’ancienneté. Les enseignants plus âgés sont bien mieux payés que les jeunes, même quand ils ont moins de travail. Certains suggèrent que les enseignants aient le même niveau de salaire que les fonctionnaires de l’armée ou de la police, pour leur assurer un meilleur niveau de vie et attirer des personnes qualifiées dans la profession.
Les jeunes enseignants victimes de la corruption
Savior Phan Van Tai, diplômé en 2017, a refusé de payer 200 millions de dongs (7 571 euros) à des fonctionnaires corrompus pour pouvoir enseigner l’anglais dans un lycée de la province de Kien Giang. Savior Phan Tai, 23 ans, estime qu’il n’a pas à payer pour pouvoir travailler et recevoir un faible salaire. De plus, sa famille ne possède pas une telle somme. « Les pots-de-vin créent une situation injuste pour les enseignants. Les fonctionnaires corrompus reçoivent de l’argent et embauchent des débutants, en transférant d’autres enseignants ailleurs ou en les renvoyant », affirme Savior Tai, qui travaille aujourd’hui comme interprète pour un bureau d’études international basé à Hô-Chi-Minh-Ville. « Je suis profondément choqué par l’ampleur de la corruption dans l’éducation. Devoir verser un pot-de-vin pour accéder à un poste d’enseignant, c’est totalement inacceptable. » En 2002, Thérèse Nguyen Thi Hoai, 42 ans, a emprunté 30 millions de dongs pour pouvoir « acheter un poste » comme professeur d’anglais dans un collège près de chez elle, ce qui lui a permis de rester près de ses parents âgés pour s’occuper d’eux. Ses parents ont également dû emprunter de l’argent pour payer ses études à l’université. « Le soir, après les études, je devais donner des cours de soutien à des élèves pour gagner de l’argent et rembourser la dette », ajoute Thérèse Hoai, mère d’un enfant. « Aujourd’hui, je donne toujours des cours de soutien pour soutenir ma famille, parce que mon salaire est très bas. » Elle affirme que certains enseignants forcent des élèves à suivre des cours de soutien illégalement. « C’est immoral de les forcer ainsi, mais de quoi les enseignants peuvent-ils vivre ? » demande-t-elle. Les enseignants qui donnent des cours particuliers en anglais, en maths, en physique-chimie et en littérature ont de bons revenus, contrairement à ceux qui enseignent d’autres matières moins populaires, et qui sont obligés de trouver d’autres petits boulots. En 2018, le Vietnam comptait 1,16 million d’enseignants dans les écoles primaires et les collèges. Il manque environ 76 000 enseignants au système éducatif du pays. « J’essaie de dépasser les difficultés et de continuer mon activité d’enseignant pour ne pas décevoir mes parents », confie Francis Loi, dont la famille travaille dans l’éducation depuis plusieurs générations.
(Avec Ucanews, Hô-Chi-Minh-Ville)
CRÉDITS
Ucanews
