Eglises d'Asie – Singapour
La montée des tensions ethniques et religieuses inquiète les autorités singapouriennes
Publié le 09/07/2021
La hausse du nombre de cas de violences ethniques et religieuses à Singapour inquiète les autorités, qui ont appliqué des lois draconiennes pour tenter d’inverser la tendance sans réduire la liberté d’expression. En 2020, la police a enregistré 60 affaires liées à des tensions d’ordre ethnique ou religieux, soit presque le double par rapport à l’année précédente (31 cas), selon un message écrit du ministre de l’Intérieur, K. Shanmugam, adressé au Parlement le 5 juillet. Ce dernier a précisé que les rapports de ces affaires ont été déposés dans le cadre des sections 298 et 298A du Code Pénal, qui couvrent les actes constituant une offense délibérée envers les sentiments ethniques et religieux d’une personne, incitant à l’hostilité entre les différents groupes ethniques et religieux, ou portant préjudice au maintien de l’harmonie ethnique et religieuse.
Entre 2016 et 2018, Singapour a enregistré respectivement 23, 11 et 18 affaires similaires. Concernant les causes de ces tensions, Shanmugam a remarqué qu’il s’agit d’un phénomène global. Malgré tout, selon le sondage Gallup de 2019 (réalisé tous les ans par une organisation américaine), 95 % des répondants singapouriens ont affirmé que Singapour est « une ville agréable à vivre » pour les minorités ethniques et religieuses. « La moyenne mondiale est de 70 % », a commenté le ministre K. Shanmugam, qui a ajouté que le gouvernement continuera d’être « un arbitre neutre et objectif » en poursuivant quiconque commet des actes incitant à la haine et menaçant l’harmonie ethnique. Singapour, dont la population est largement multiethnique et multireligieuse, compte près de 5,6 millions d’habitants. La plupart des Chinois sont bouddhistes, et la majorité des Malais sont musulmans. Les chrétiens représentent environ 15 % de la population.
« Nous devons protéger l’harmonie, cela fait partie de notre culture »
La cité-État compte plusieurs lois contre les crimes d’ordre ethnique ou religieux, dont la loi de protection contre le harcèlement (Protection from Harassment Act). Malgré tout, des affaires de violences ethniques et religieuses ont fait la une des journaux ces derniers temps. Le 8 juin, un tribunal a condamné Zainal Abidin Shaiful Bahari, un musulman singapourien de 35 ans, à trois semaines de prison pour avoir envoyé de multiples tweets injurieux envers des travailleurs migrants indiens en 2019. En juin également, un homme chinois enseignant à l’école Polytechnique de Ngee Ann (NP) a été suspendu de ses fonctions après avoir été filmé en train de proférer des remarques racistes sur un couple interracial. La vidéo, qui a fait l’objet d’une enquête de la police, a été largement diffusée sur les réseaux sociaux. On le voit en train de dire au couple en question que « c’est une honte pour une femme chinoise d’être avec un homme indien ».
Les internautes singapouriens ont réagi avec surprise aux révélations sur la hausse des tensions ethniques et religieuses ; certains estiment que ce serait lié aux conséquences de la crise sanitaire, d’autres parlent de l’influence négative d’un problème mondial. « Il faut prendre ces statistiques avec des pincettes. Il faut se rappeler que nous sommes dans une situation pandémique et qu’il y a des sentiments forts contre ou pour les masques et les vaccins. Quand les gens se retrouvent enfermés chez eux, qu’ils ne peuvent satisfaire leurs envies de voyager ou qu’ils se sentent découragés à cause de l’impact économique du Covid-19, ils s’en prennent à leurs souffre-douleurs favoris », a suggéré Clément Chan sur Facebook. Un autre internaute a également estimé que le racisme, qui affecte de nombreux pays à travers le monde, menace le pluralisme pourtant reconnu à Singapour. « Je pense que les Singapouriens sont frustrés. Est-ce à cause du manque d’emplois pour les habitants ? Comme pouvons-nous trouver notre propre identité en tant que Singapouriens ? C’est notre ville et nous devons protéger l’harmonie, c’est ce qui nous définit – nous nous sommes engagés depuis l’enfance à transmettre les valeurs de notre culture singapourienne », a souligné Douglas S. Chapman.
(Avec Ucanews)
Crédit Marco Verch / CC BY 2.0