Eglises d'Asie – Japon
La perspective des Jeux Olympiques de Tokyo perd de son éclat après la crise sanitaire
Publié le 22/07/2020
Alors que les Jeux Olympiques de Tokyo, qui devaient avoir lieu cet été, ont été reporté à l’année prochaine, les autorités japonaises, qui continuent de lutter contre le Covid-19, essaient de garantir la sécurité du public lors des jeux de 2021. De leur côté, de nombreux Japonais ont déjà leur propre avis sur la question. Dans un monde post-pandémie, les Jeux Olympiques ne leur semblent plus aussi attirants qu’avant. Ainsi, près de 60 % de la population ne seraient plus favorables à la tenue des jeux l’an prochain. Selon les résultats d’une enquête organisée en mars dernier par téléphone, 9 % des répondants seraient même favorables à l’annulation des Jeux de Tokyo 2020, prévus du 23 juillet au 8 août 2021. Et ceci malgré la réélection récente de Yuriko Koike, gouverneure de Tokyo, pour un second mandat. Cette dernière, qui soutient l’organisation des Jeux Olympiques, avait concentré sa campagne électorale sur la crise sanitaire actuelle. « Je n’ai pas pu acheter des billets pour voir les jeux, mais maintenant, je ne voudrais même pas y aller gratuitement », avoue Yuki, un moniteur de golf de 52 ans, tout en jouant avec son fils de 2 ans à côté du nouveau Stade olympique national (Tokyo National Stadium). « Comment le gouvernement espère-t-il tester tous les visiteurs venus du monde entier ? Je serais trop inquiet pour la sécurité de mon fils », explique-t-il. Selon les experts et les virologues, même si un vaccin est trouvé entre-temps, l’organisation des Jeux Olympiques de Tokyo risque d’être ardue. Le Vice-Premier ministre Taro Aso, de son côté, a été plus direct en parlant des « Jeux maudits ».
Yuki estime que le gouvernement devrait plutôt se concentrer sur les maux qui ont frappé le pays ces dernières années. « J’aimerais que davantage de ressources soient investies pour régler la crise démographique, en soutenant les familles par exemple. Je n’ai qu’un seul enfant, mais si je pouvais avoir davantage d’aides financières, je pourrais en avoir d’autres », assure-t-il. Le système actuel accorde une allocation de 15 000 yens (122 euros) aux familles pour les trois premières années de l’enfant, puis 87 euros à partir de la quatrième année. Vu le coût de la vie qui augmente et les salaires stagnants, il s’agit plus d’un pourboire que d’une véritable allocation. D’autant plus qu’à Tokyo, en moyenne, les écoles primaires coûtent au moins 350 euros par mois, et les listes d’attentes pour les crèches sont longues. Récemment, de nouvelles crèches ont été fondées dans la capitale, afin de réduire la liste d’attente, cinq fois plus nombreuse qu’il y a seulement deux ans. Yuriko Koike a consacré un budget d’1,3 milliards de dollars US afin de réduire l’attente. Mais en comparaison, le coût du nouveau Stade national, qui s’est élevé à près d’1,4 milliards de dollars, n’a pas plu à tout le monde. « Ils auraient pu rénover l’ancien stade plutôt que d’en construire un nouveau. Ainsi, ils auraient pu économiser beaucoup d’argent et une grande partie du parc », déplore Masumi, 74 ans, un retraité qui se rend souvent dans le quartier, le week-end, pour se promener (la zone où est construit le nouveau stade comporte de nombreux parcs et un sanctuaire shintoïste).
Les Jeux ont été déclarés « écoresponsables », avec notamment des médailles entièrement fabriquées à partir d’anciens appareils électroniques. Par ailleurs, des auvents en bois entourent le nouveau stade d’un treillis en cèdre japonais. Pourtant, en parcourant le site de la nouvelle base nautique de l’île artificielle d’Odaiba, dans la baie de Tokyo, où les épreuves de natation devaient avoir lieu, il est évident que l’environnement n’a pas été considéré. Wada, 57 ans, rédactrice en chef d’un magazine local, explique qu’elle a vu le paysage du quartier se transformer depuis le 10e étage d’un immeuble surplombant la mer. « Ils ont préparé toutes les infrastructures pour les Jeux, mais ils n’ont pas pris la peine de nettoyer la mer », déplore-t-elle. L’an dernier, durant les épreuves de qualification olympique de triathlon, de nombreux athlètes se sont plaints de l’état du site. De son côté, le nouveau village olympique, ou « Village Plaza », devait loger près de 11 000 olympiques venus de 128 pays. À l’issue des Jeux, le site devait être vendu pour servir de logements à 5 000 familles. Presque 900 appartements ont déjà été vendus, mais aujourd’hui, tout a été suspendu. “Avant la construction du village Olympique, il y avait un parc agréable où l’on pouvait faire des barbecues, et une salle de concert. Maintenant, il n’y a plus que des bâtiments et pas d’espaces verts », décrit Hiroshi, 63 ans, qui vient courir tous les jours.
(Avec Ucanews, Tokyo)
Crédit : © 内閣官房内閣広報室 (CC BY 4.0)