Eglises d'Asie

La richesse des mariages « ethniques » ou interreligieux à Yen Bai

Publié le 11/12/2018




Un grand nombre de membres de la communauté catholique des montagnes de la province de Yen Bai, dans le nord du pays, se sont mariés avec des personnes non catholiques ou originaires des minorités ethniques comme les communautés Tay, Thaï, Muong ou Dao. Beaucoup s’en réjouissent et y voient une façon de répandre le christianisme auprès des minorités, après des années de restriction religieuse, alors que la communauté n’avait pas de prêtre à domicile pendant près d’un demi-siècle.

Le 1er décembre, près de cinq cents personnes venant des minorités Tay, Thaï et Muong se sont rassemblées dans l’église de Vinhg Quang, dans une région montagneuse de la province de Yen Bai dans le centre nord du pays, afin d’assister au mariage d’un Vietnamien avec une femme originaire de la minorité Dao. Les parents de Tran Van Bao se disent réjouis du mariage de leur fils avec Ban Mai Phuong, une non catholique, y voyant une occasion d’évangéliser auprès des minorités ethniques. « Nous sommes heureux que notre fils ait amené Phuong à l’église », confie Marie Luu Thi Na, la mère de Tran Bao. « Dieu bénit notre famille. » Marie, 50 ans, explique que Phuong, qui a 21 ans, suit des cours de catéchisme et qu’elle a terminé une formation de trois mois sur la préparation au mariage aux côtés de dix autres non catholiques. Aujourd’hui, Marie a deux belles filles qui sont toutes deux devenues chrétiennes. La première, une Thaï, s’est convertie en 2015. « Nous vivons ensemble dans notre maison et nous sommes très unis », ajoute Marie. « Nous récitons le chapelet le soir pour fortifier notre foi. » Phuong, qui a quatre sœurs et un frère, explique qu’elle est la première de son village à se convertir au catholicisme. « Je l’ai choisi parce que la famille de mon mari et d’autres catholiques m’aiment et me soutiennent, et parce que le catholicisme m’apprend à n’adorer qu’un seul Dieu et à aimer et respecter les autres », confie-t-elle, ajoutant qu’elle a été soutenue par ses parents. Marie Luu Thi Na, dont la mère vient de la communauté Tay, est devenue catholique avant son mariage. Elle pense que ces mariages jouent un rôle important dans l’évangélisation des minorités.

Nouvelle évangélisation

Thomas Tran Van Tra, 38 ans, qui s’est marié avec une Thaï de la région il y a quinze ans, confie que ses parents se sont d’abord opposés à son mariage. Certaines minorités peuvent se sentir méprisées et certains catholiques désapprouvent les mariages interreligieux. « Aujourd’hui, nous sommes heureux et nous avons deux filles », poursuit Thomas, qui fait partie d’un comité paroissial et qui gagne sa vie en vendant et en réparant des télévisions et autres appareils électroniques. Thomas Van Tra explique qu’il veut montrer le bon exemple en respectant et en aimant sa famille, en ne commettant pas d’adultère et en restant sobre. Sa femme, une couturière, a fini par se rendre à l’église au bout de cinq ans de mariage, après s’être formée sur les enseignements de l’Église. Ses parents ont fini par abandonner leurs inquiétudes avec le temps. Les épouses de ses deux frères viennent également des minorités Thaï et Tay. Thomas ajoute qu’il est important, pour les catholiques, d’agir en missionnaires et de fortifier leur foi sans cesse. Pourtant, il estime que les nombreux échecs que connaissent les mariages mixtes surviennent lorsque l’un des époux trahit ses engagements.

Ainsi, une mère originaire d’une famille de la paroisse de Nghia Lo, dans la province de Yen Bai, confie que son mari s’est converti au catholicisme avant leur mariage, mais qu’il a abandonné sa foi quinze ans plus tard, en essayant de la convaincre de faire de même. Ses enfants n’ont pas été baptisés et elle culpabilise de ne pouvoir aller à la messe régulièrement. « Je me suis échappée pour me rendre à l’église le 1er octobre, le jour de la fête de sainte Thérèse, ma patronne, et je me suis sentie en paix », poursuit-elle. Joseph Tran Minh Nhu, 94 ans, un missionnaire laïc de la paroisse de Vinh Quang, explique qu’en 2003, quand des prêtres ont été envoyés dans la région pour soutenir la pastorale, beaucoup de catholiques s’étaient mariés avec des membres des minorités ou avec des croyants d’autres religions. Les préjugés face aux mariages dits « ethniques » ou envers les mariages mixtes se sont apaisés avec les années. Joseph explique que près de cent couples, âgés entre vingt et quarante ans, ont ainsi des mariages heureux. Il y voit aussi une façon d’évangéliser dans une région où les catholiques ont beaucoup souffert des restrictions religieuses et où ils n’ont eu aucun prêtre résident pendant un demi-siècle. Le gouvernement ne pouvait rien contre ces mariages. Toutefois, précise Joseph, il faut sensibiliser la communauté sur certains problèmes personnels potentiels. « Il est important que l’Église forme ces couples pour les préparer à un mariage heureux et pour fortifier leur foi au début de leur vie conjugale. » La paroisse de Vinh Quang, fondée en 1909, comprend 3 600 catholiques dont 1 300 originaires des minorités.

(Avec Ucanews, Hanoï)


CRÉDITS

Peter Tran / Ucanews