Eglises d'Asie

La « saison de la circoncision » reprend aux Philippines après une interruption causée par la pandémie

Publié le 01/09/2021




L’archipel philippin compte l’un des taux les plus élevés de circoncision au monde, toutes religions confondues, beaucoup considérant la pratique comme un symbole d’entrée dans l’âge adulte. Elle est rarement remise en question aux Philippines où les garçons font l’objet d’énormes pressions.

Des campagnes de publicité des hôpitaux en faveur de la procédure incitent les garçons à « être assez virils ».

Depuis plus d’un an, Caspien Gruta subit les moqueries de ses camarades parce que sa circoncision – un rite de passage quasi obligatoire pour les garçons aux Philippines – a été retardée, d’abord par une éruption volcanique, puis par la pandémie de coronavirus. « J’ai peur qu’on se moque de moi si je ne me fais pas circoncire maintenant », explique Gruta, 12 ans. Les Philippines ont l’un des taux de circoncision les plus élevés au monde, beaucoup considérant cette pratique séculaire comme essentielle à l’entrée dans l’âge d’homme. Alors que l’opération est désormais la cible de critiques de plus en plus appuyées dans d’autres pays, certains la qualifiant de « maltraitance », elle est rarement remise en question aux Philippines où les garçons font l’objet d’énormes pressions pour subir la procédure. Chaque année, des milliers de préadolescents se font opérer gratuitement dans des cliniques publiques ou financées par les communautés.

Mais l’année dernière, la « saison de la circoncision » a été annulée pour la première fois de mémoire d’homme, en raison de la pandémie, ce qui a retardé cet important passage rituel pour de nombreux garçons comme Gruta. Laissés dans l’incertitude – et avec leur prépuce intact -, les garçons ont subi les moqueries de leurs proches et amis masculins. Sur un terrain de basket couvert, transformé en clinique de fortune à Silang, Cavite, au sud de Manille, l’une des rares provinces à avoir lentement repris le service gratuit depuis mai, Gruta était l’un des garçons les plus âgés à faire la queue. « J’ai l’impression d’être un vrai Philippin maintenant, parce que se faire circoncire fait partie de l’identité philippine », a-t-il déclaré à l’issue de la procédure d’une vingtaine de minutes. Assis sur des chaises en plastique près d’une rangée de tables en bois séparées par un rideau rouge, la plupart des jeunes garçons protégés par des masques semblaient anxieux ; d’autres faisaient de leur mieux pour prendre un air dégagé. Après avoir enlevé leur short, les jeunes s’allongent sur une table, les jambes dépassant du bord et l’aine recouverte d’un drap d’opération. Certains mordent dans un gant de toilette ou se couvrent les yeux pendant qu’on leur administre une anesthésie locale. Le chirurgien se met alors au travail.

Selon l’OMS, environ 90 % des hommes philippins sont circoncis pour des raisons non-religieuses

« Je me suis fait circoncire parce qu’on m’a dit que je deviendrais plus grand et que je serais plus performant en sport », raconte Almer Alciro, 12 ans. Sa famille n’avait pas les moyens d’aller dans un hôpital privé où l’opération coûte jusqu’à 12 000 pesos (240 dollars), soit parfois plus qu’un salaire d’ouvrier. Pendant qu’il attendait la reprise du service gratuit interrompu pendant la pandémie, Alciro a subi les moqueries de ses amis qui le traitaient de « non circoncis », une insulte courante en tagalog, dont le sens équivaut à celui de « lâche » dans un pays où la procédure est un symbole de virilité. « Je suis heureux d’être enfin circoncis », a déclaré Alciro. La circoncision est pratiquée depuis des siècles aux Philippines, où elle a résisté aux guerres et aux colonisations successives de l’Espagne puis des États-Unis. La circoncision masculine est généralement plus courante dans les pays à forte population musulmane ou juive, et moins répandue dans les pays à majorité catholique. Pourtant, selon les données de l’Organisation mondiale de la santé, environ 90 % des hommes sont circoncis pour des raisons non-religieuses aux Philippines.

Dès l’âge de huit ans, les garçons subissent une pression sociale importante pour passer sous le bistouri. Des campagnes de publicité des hôpitaux en faveur de la procédure incitent les garçons à « être assez virils ». Des circoncisions de masse se déroulent pendant les mois les plus chauds, d’avril à juin, lorsque les écoliers sont en grandes vacances. En période normale, des centaines de garçons sont opérés en plein air en une seule journée, mais les règles du Covid-19 ont considérablement réduit la taille des groupes. De nombreuses régions n’ont pas encore redémarré le service gratuit alors qu’elles luttent contre la troisième vague de Covid-19. Selon Nestor Castro, professeur d’anthropologie à l’université des Philippines à Manille, la circoncision est une importante « ligne de démarcation » entre les garçons et les hommes dans le pays, à un moment où les jeunes garçons assument davantage de responsabilités au sein de leur famille et font l’apprentissage de la sexualité. « Une fois qu’un garçon est circoncis, il quitte le statut d’enfant et il est dorénavant considéré… comme un adulte », explique-t-il. « Si vous êtes circoncis… vous devez agir comme un homme et non plus comme un garçon. »

(Avec Ucanews)

Crédit : Judgefloro / CC0 1.0