Eglises d'Asie

L’activité minière pollue la vie d’une communauté catholique de Yen Bai

Publié le 02/10/2019




La paroisse de Mong Son, dans la province de Yen Bai, dans le nord-est du Vietnam, compte 2 800 catholiques sur près de 4 500 habitants. La plupart des habitants de la commune gagnent leur vie en cultivant le riz ou en allant pêcher dans le lac de Thac Ba. Depuis 1997, sept sociétés d’exploitation minière ont commencé à extraire du calcaire dans les carrières de la région, entraînant une grave pollution de l’air qui affecte les cultures et la vie quotidienne de la communauté. Les résidents affirment manquer de ressources en eau à cause de la pollution et de l’activité minière, entraînant une baisse de rendement de près de 50 % depuis les années 1990.

Marie Tran Thi Hanh porte toujours un masque et des vêtements de protection quand elle part de chez elle pour travailler. Elle ferme toujours toutes les portes et fenêtres de la maison, même quand la température extérieure atteint quarante degrés. « Une fine couche de poussière blanche couvre tous les meubles, et on doit la retirer tous les jours », explique cette Vietnamienne de 41 ans, mère de sept enfants. Marie Hanh ajoute que des tempêtes de poussière s’élèvent au passage des camions qui passent sur la route devant chez elle, en faisant un bruit assourdissant. En moyenne, cent poids lourds provenant de plusieurs carrières passent tous les jours pour transporter du calcaire. Cette route de dix kilomètres de long traverse la commune de Mong Son, dans le district de Yen Binh (province de Yen Bai), qui compte 5 000 habitants dont 90 % de catholiques. Les gens qui habitent le long de la route principale ferment toujours leur maison jour et nuit pour éviter de respirer la poussière. Les jours de pluie, la route devient boueuse et glissante. En 1997, sept sociétés privées et publiques ont commencé à extraire du calcaire dans la région, sur une zone minière de 800 hectares. Le calcaire est destiné à la production de ciment, à des matériaux de construction ou à l’exportation. Les résidents de la commune affirment que les entreprises concernées gagnent chaque année un profit annuel net de cent milliards de dongs (3,95 millions d’euros), tandis qu’eux-mêmes n’en retirent aucun bénéfice. Ils ajoutent que ces sociétés sont censées payer à la commune un milliard de dongs par an en guise de taxe pour la protection de l’environnement, mais ils ne savent pas comment les autorités locales dépensent cet argent.

Plus tôt dans l’année, les entreprises minières ont construit la route qui traverse la commune afin de faciliter le transport des pierres. Selon les habitants, il est demandé à dix foyers vivant à moins de cinq cents mètres des carrières de quitter leur maison deux fois par jour – à midi et à 18 heures – quand les ouvriers utilisent des explosifs pour extraire le calcaire. Ces foyers reçoivent chacun un million de dongs (39 euros) par mois en guise de compensation. À cause des explosions et du broyage des pierres, la commune est fortement polluée par la poussière. Beaucoup de puits et de lacs sont touchés, les routes sont boueuses durant la saison des pluies, et les cultures sont détruites par la poussière de calcaire. Pierre Ngo Van Chien, charpentier, explique que les résidents n’ont pas réussi à protéger leur cadre de vie. Il ajoute qu’il y a environ dix ans, ils ont bloqué la route, arrêté les camions et pressé les autorités de la commune de s’occuper du problème de la pollution. La police a imposé une amende aux entreprises qui utilisaient des poids lourds surchargés de calcaire. Mais Pierre Ngo Chien affirme que les sociétés ont ignoré les avertissements concernant la pollution, et que les autorités ne peuvent pas intervenir parce qu’elles possèdent des permis d’extraction délivrés par le ministère des Ressources naturelles et de l’Environnement et par la province de Yen Bai. Les premières années, près de mille personnes étaient employées dans les carrières, mais peu à peu, les sociétés ont utilisé davantage de moyens mécaniques pour extraire les pierres, et beaucoup d’ouvriers ont été licenciés. Aujourd’hui, seules cent personnes y travaillent, pour 5 à 15 millions de dongs par mois (entre 200 et 600 euros).

Une baisse de rendement de 50 % depuis 1990

Dao Thi Lan, âgée de 30 ans, travaille dans une des carrières. Elle explique que les femmes qui y travaillent sont chargées de trier les pierres selon leur taille et sont payées 300 000 dongs par jour (12 euros). « Nous touchons seulement cinq millions de dongs par mois parce que nous avons des emplois irréguliers », confie cette mère de trois enfants, ajoutant que les ouvriers doivent travailler malgré la chaleur et dans un environnement pollué, et qu’ils souffrent souvent de pneumonies ou autres problèmes de santé. Marie Nguyen Thi Hoa, qui a transporté du calcaire pendant des années dans les carrières, explique qu’elle a renoncé à son emploi parce qu’elle ne pouvait plus supporter la chaleur et la poussière, qui lui causait des bronchites chroniques. Marie Hoa, 40 ans, s’occupe aujourd’hui d’une petite boutique qu’elle tient chez elle, pour nourrir ses quatre enfants. « Je ne gagne plus que 100 000 dongs [4 euros] par jour, parce qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui visitent ma boutique, à cause de la poussière qui recouvre tous les produits », confie-t-elle. La paroisse de Mong Son compte 2 800 catholiques sur 4 500 habitants. La plupart des résidents cultivent le riz ou travaillent dans des fermes piscicoles ou des élevages de crevettes, sur le lac Thac Ba. Beaucoup de gens ont de grandes familles mais possèdent peu de terres. Marie Tran Thi Hanh explique que chaque année, elle cultive 700 kg de riz sur un terrain de 2 160 m², soit une baisse de rendement de 50 % par rapport aux années 1990. Elle affirme que cette baisse est due au manque de ressources en eau et à la pollution de l’air. Beaucoup de pêcheurs qui vont attraper des poissons sur le lac expliquent également avoir abandonné leur travail à cause de la pollution du lac, et d’autres sont partis pour rechercher d’autres sites pour continuer leur activité. Les jeunes qui finissent le collège et le lycée quittent souvent la paroisse pour rechercher un emploi ailleurs. Marie Hanh ajoute que beaucoup de gens ont vendu leur maison et ont déménagé. « Nous ne pouvions pas partir parce que nous avons vécu ici depuis plusieurs générations », souffle-t-elle. « Nous sommes inquiets face à l’avenir, surtout si la pollution ne s’améliore pas. »

(Avec Ucanews, Yen Bai)


CRÉDITS

Ucanews