Eglises d'Asie

L’archevêque de Dili souhaite des élections transparentes et libres au Timor oriental

Publié le 19/03/2022




Les électeurs du Timor oriental sont appelés à élire, ce samedi 19 mars, un nouveau président. L’Église locale, influente dans le pays d’Asie du Sud-Est, majoritairement catholique, cherche à assurer des élections « transparentes et libres ». Mgr Virgilio do Carmo da Silva, 54 ans, salésien et archevêque de Dili, fait part des différentes questions affectant l’Église dans le petit pays d’1,3 million d’habitants, qui compte 98 % de catholiques pour seulement 2 % de musulmans et de protestants.

Mgr Virgilio do Carmo da Silva, salésien et archevêque de Dili.

Mgr Virgilio do Carmo da Silva, vous espérez une visite prochaine du pape après l’installation du nouveau gouvernement. C’est important pour vous ?

Depuis l’an dernier, nous espérons une visite prochaine du pape François alors que celle qui était prévue a été repoussée à cause de la pandémie de Covid-19. Nous attendons toujours que le Vatican confirme cette visite. Ce sera un événement majeur pour nous, et nous prions pour que cela se fasse.

Comme l’Église aide-t-elle la nation à assurer la crédibilité des élections présidentielles ?

Chaque fois, qu’il s’agisse d’élections présidentielles ou législatives, la Commission nationale pour la Justice, la Paix et l’Intégrité de la Création (JPIC) est chargée de recruter des gens afin de représenter l’Église catholique et de suivre l’intégralité du processus électoral – les campagnes, le scrutin, le dépouillement des bulletins. Dans le passé, des observateurs de l’Église locale étaient présents dans tous les bulletins de vote, mais cette année, ce n’est pas possible faute de fonds.

Toutefois, ils seront présents dans les principaux bureaux de votes. Cette présence a pour but d’assurer des élections transparentes et libres. La Conférence épiscopale du Timor (CET) a aussi publié une lettre pastorale avant ces élections. Elle a été lue le dimanche 6 mars et le dimanche 13 mars dans l’ensemble des paroisses des trois diocèses du pays. Le 13 mars a également été une journée de prière pour des élections pacifiques et responsables.

Seize candidats, c’est le plus grand nombre de candidatures dans l’histoire du pays. Quel message leur adressez-vous ?

Les candidats à la présidentielle semblent représenter différentes générations et groupes d’âge. Nous avons des jeunes et des plus âgés, des hommes et des femmes, des fondateurs de la nation et des représentants des nouvelles générations. C’est une façon d’inviter toutes les catégories sociales à participer à cet événement démocratique. Nous devons éviter tous les comportements violents et favoriser une fraternité qui nourrisse la liberté et le respect mutuel durant les élections. L’Église invite tous les citoyens à prendre connaissance des candidats et de leurs engagements politiques. Ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront prendre une décision éclairée pour leur vote. L’Église appelle aussi les candidats à éviter de s’attaquer mutuellement et à défendre l’harmonie et le respect mutuel.

Dans la lettre pastorale, les évêques soulignent que tous les citoyens doivent travailler « avec amour, puisque tout cela est pour le bien de tous ». Inspirés par les mots du pape François, les évêques ont ajouté que « ceux qui s’engagent en politique avec amour découvrent que la politique est une façon de guider les autres pour le bien de tous, et non de chercher le pouvoir et la célébrité ».

Comment voyez-vous la situation politique actuelle ?

Par rapport aux premières élections après la restauration de l’indépendance (2002), les élections présidentielles de 2017 et les élections législatives l’année suivante se sont déroulées paisiblement. Il faut reconnaître qu’il y a une transformation progressive de la mentalité des gens vis-à-vis de la démocratie. Ils apprennent la beauté de la démocratie en en faisant l’expérience. Beaucoup de gens estiment que durant cette période de transition, la société gagne en maturité démocratique. Et c’est aussi vrai concernant les malentendus et les conflits entre les partis et dirigeants politiques.

Avec des politiques agressives qui menacent souvent la démocratie, craignez-vous que le Timor oriental ne bascule dans l’autoritarisme ?

L’Église continue de rappeler l’importance de la démocratie aux responsables politiques et à la société, en particulier durant les élections. La dernière lettre pastorale en est l’exemple. Elle souligne que la République démocratique du Timor oriental (RDTL) est le nom officiel écrit dans la Constitution. Ces mots sont significatifs pour nous en tant que nation et en tant qu’État.

Le Timor oriental est un nouveau pays, créé il y a seulement deux décennies. Nous avons appris à respecter notre Constitution durant ces années. Toutefois, nous ne pouvons éviter les influences venant des pays autoritaires de la région. En observant cela, les évêques rappellent les valeurs de la démocratie. Par exemple, la lettre pastorale dit que « le Timor oriental, en tant qu’État démocratique, doit se montrer cohérent dans toutes ses activités politiques », et que « nous devons créer une plateforme unissant nos diversités, afin de construire une unité nationale ».

Des jeunes femmes est-timoraises invitent les électeurs à participer aux élections présidentielles du 19 mars.

Alors que les catholiques dominent la vie sociale et politique du pays, la corruption demeure…

On ne peut nier que la corruption est présente dans le pays, même si le gouvernement, à travers la Commission anti-corruption, s’efforce de la contrôler.

Près de 42 % des Est-Timorais vivent dans la pauvreté. Comment l’Église fait-elle face à cela ?

Plus de la moitié des habitants de ce pays sont des enfants et des jeunes. Nous croyons qu’ils ne peuvent sortir de la pauvreté qu’avec une bonne éducation. C’est une de nos stratégies. Nous construisons de bonnes écoles dans nos paroisses. Les congrégations religieuses catholiques, masculines et féminines, soutiennent ce projet. De fait, la plupart des gens qui occupent des postes importants dans le pays ont étudié dans des écoles catholiques.

L’Église a joué un rôle décisif pour la liberté dans le pays. Communiquez-vous avec les dirigeants actuels pour améliorer les conditions de vie ?

La plupart des responsables politiques et des membres du gouvernement sont catholiques. Nous les rencontrons régulièrement de manière formelle et informelle. Il n’y a pas de problème de communication, mais il y a malheureusement un manque de volonté politique pour faire appliquer des politiques pour le bien des pauvres. Toutefois, sans désespoir, nous continuons de les encourager à se préoccuper des pauvres.

La première université catholique du pays a ouvert ses portes en décembre. Quelle est la situation de l’éducation nationale ?

L’Université catholique timoraise (UCT) est la première université catholique du pays. Elle cherche à offrir une éducation solide à la future société timoraise. Bien que nos infrastructures soient limitées, nous espérons coopérer avec différentes universités catholiques en Asie et dans le monde afin de réaliser ce rêve. Le Timor oriental, comme tout autre pays, a le devoir de donner une éducation à tous les enfants âgés de 6 à 12 ans. Le gouvernement, au cours des dernières décennies, a essayé d’ouvrir des écoles dans beaucoup d’endroits, mais notre rêve éducatif reste un défi.

Comment l’Église universelle peut aider le Timor oriental ?

Nous sommes un pays majoritairement catholique et nous en sommes fiers. Bien que nous soyons éloignés, géographiquement, des autres pays catholiques, nous avons de bonnes relations avec eux. Nous rêvons de fortifier la foi des Timorais, qui a été implantée là il y a plus de cinq cents ans. Nous devons beaucoup aux missionnaires qui ont travaillé sans relâche au fil des siècles pour évangéliser et éduquer le peuple timorais. En y songeant, nous comprenons que ce qu’ils ont semé n’a pas atterri sur du sol rocailleux. Afin de nourrir et soutenir notre foi, nous avons besoin du soutien des autres, et d’ailleurs, nous en recevons de différentes manières.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Thomas Ora (Ucanews) / United Nations in Timor-Leste