Eglises d'Asie

L’artisanat traditionnel de Flores au service de l’économie locale

Publié le 25/01/2019




Les tisseuses traditionnelles de l’île de Flores, dans les Petites îles de la Sonde orientales, dans l’est de l’Indonésie, sont connues pour la qualité de leur production, dans tout le pays et parfois même à l’étranger. Pourtant, faute d’une véritable organisation, leur production est souvent difficile à trouver et vendue en dessous des prix du marché. D’où l’initiative d’un ancien haut fonctionnaire catholique de la police indonésienne, Gregorius Mere, qui a ouvert un centre destiné à mettre en valeur cet artisanat, en cherchant à toucher davantage d’acheteurs et à soutenir les tisseuses de Flores.

À la « Maison des esprits des ancêtres », sur l’île de Flores dans les Petites îles de la Sonde orientales, des femmes chrétiennes et musulmanes assises côte à côte tissent des costumes chatoyants afin de sauvegarder l’artisanat traditionnel et soutenir leurs familles. Connu sous le nom de « Sa’o Pipi Tolo » en Indonésien, ce petit commerce prospère a été fondé par Gregorius « Gories » Mere, un homme d’affaire catholique et ancien haut gradé de la police indonésienne. Gregorius contribue ainsi à créer des liens entre les femmes de différentes confessions, tout en soutenant l’économie locale et en faisant connaître un produit de qualité qui représente l’identité culturelle de l’ensemble des habitants de l’île de Flores. « Les vêtements tissés de façon traditionnelle sont connus à Flores pour leur haute qualité, mais ici, l’industrie n’est pas très organisée. Les vêtements sont fabriqués dans les maisons des gens de façon irrégulière, ce qui les rend difficiles à trouver », explique Gregorius. « Ils sont également vendus à bas prix. Par conséquent, seuls les gens qui peuvent s’appuyer sur des relations commerciales solides peuvent en retirer des bénéfices. »

C’est sa fille qui l’a incité à investir dans ce commerce. Il l’a lancé l’année dernière dans le centre de l’île, dont la majorité des habitants sont chrétiens, pour mettre en valeur le savoir-faire des femmes des districts de Nagekeo, Ngada et Ende en matière de tissage traditionnel. Gregorius ajoute qu’il leur fallait une base pour faciliter la production et les aider à mieux vendre leurs produits. Sa fille Jessica est venue le voir après s’être rendue dans le village de Tonggo, où il est né. Elle a parlé avec des villageois et écouté leurs histoires. Elle a pu voir les symboles du christianisme tissés par certains sur leurs produits, et elle est restée frappée par la beauté du lieu. Jessica a alors incité son père à s’impliquer pour les aider. La province compte une population de 5,2 millions d’habitants, dont 89 % de chrétiens, catholiques pour la plupart, et une minorité de musulmans. Gregorius explique que son but est de permettre aux groupes des trois districts de faire plus de profits sur la vente de leurs produits. Aujourd’hui, des dizaines de femmes de différentes parties de l’île ont ainsi un lieu central où elles peuvent tisser différents styles de vêtements. Cela simplifie aussi la vie des acheteurs qui n’ont pas à retourner toute l’île pour dénicher la perle rare.

Un héritage local

Chaque vêtement cousu main demande de nombreuses heures de travail et coûte entre vingt et vingt-cinq dollars. Gregorius explique que c’est en dessous du prix du marché, mais il est sûr qu’elles peuvent gagner davantage en s’organisant mieux. « Ce n’est pas juste, elles méritent mieux que cela », ajoute-t-il, en s’engageant à vendre leurs produits sur les marchés nationaux et internationaux. Mgr Vincentius Sensi Potokota, archevêque d’Ende dans l’île de Flores, a coupé le ruban et inauguré le centre en décembre 2018, en saluant l’initiative de Gregorius Mere. L’archevêque espère que le centre permettra de soutenir les femmes chrétiennes et musulmanes de l’archidiocèse. « Ce qu’il a fait nous incite, en tant que pasteurs, à faire quelque chose de concret pour aider ces femmes », ajoute Mgr Vincentius. « Ce lieu montre aussi que l’on peut défendre la tolérance religieuse par l’artisanat, qui fait partie de la culture de Flores. » Pour assurer la qualité des produits, Gregorius a recruté Alfonsa Horeng, originaire du district de Sikka, connue comme l’une des tisseuses les plus expérimentées de l’île. Son travail a été reconnu par le ministère du Tourisme de l’Économie créative, et ses produits faits main sont exportés dans de nombreux pays. Alfonsa confie que les vêtements tissés de Flores sont souvent utilisés lors des événements culturels et qu’ils servent souvent de dot. « C’est une forme d’héritage local qui resserre les liens entre les gens, et cela doit être préservé. »

Siti Lutwina, qui représente les tisseuses de Nagaroro, dans le district de Nagekeo, se dit enchantée par l’ouverture du centre, qui permet aux femmes de développer leur créativité en partageant de nombreux styles et modèles différents. « Ici, nous restons sur les designs typiques de notre région, mais ils s’ajoutent ainsi à une collection beaucoup plus vaste », ajoute-t-elle. « Notre but est d’étendre la portée de nos produits en touchant davantage d’acheteurs, aussi bien dans le pays qu’à l’étranger. » Yohanes Don Bosco, chef du district de Nagekeo, confie que le centre va permettre à l’artisanat de Flores de se développer « à un tout autre niveau ». Hironimus Tuga, l’architecte qui a construit le centre, explique avoir voulu refléter les maisons traditionnelles de Nagekeo, aux toits couverts de paillote (imperata cylindrica). Avant d’entamer la construction, l’architecte explique qu’un rituel spécial a été organisé sur les lieux, afin de demander aux esprits des ancêtres de protéger ceux qui travailleront au centre, d’où son nom de « Maison des esprits » ou « Sa’o Pipi Tolo ».

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Markus Makur / Ucanews