Eglises d'Asie – Philippines
L’Association des supérieurs religieux majeurs s’inquiète du retour de l’autoritarisme
Publié le 22/09/2020
Le 21 septembre, à l’occasion du 48e anniversaire de la déclaration de la loi martiale par l’ancien dictateur philippin Ferdinand Edralin Marcos, les religieux catholiques du pays se sont engagés à rester vigilants contre les tendances à l’autoritarisme aux Philippines. L’Association des supérieurs religieux majeurs et plusieurs groupes de défense des droits de l’homme ont déclaré que l’anniversaire de la déclaration du 21 septembre 1972 était l’occasion de rester vigilants face aux signes de totalitarisme. « Aujourd’hui, nous le déclarons, ‘n’oublions jamais, plus jamais la dictature et la tyrannie !’ », ont déclaré les membres de l’association, dans un communiqué publié par le père Angel Cortez, religieux capucin et secrétaire général adjoint de l’organisation. En 1972, la loi martiale annoncée par l’ancien dirigeant philippin a conduit à un régime de terreur sans précédent. Les organisations critiques vis-à-vis de l’administration de Ferdinand Marcos ont été déclarées illégales, et beaucoup ont dû continuer de fonctionner de manière clandestine. Selon l’Association des supérieurs religieux majeurs, la loi martiale a également porté atteinte à la liberté de la presse et au droit du peuple à une information crédible, tout en en politisant les pouvoirs militaires et judiciaires.
Les religieux catholiques philippins ont donc joint leurs voix à d’autres afin de dénoncer l’oppression, en soulignant leur engagement à se conduire, à l’image de leurs prédécesseurs, comme « des prophètes et des témoins pour l’Église et pour les pauvres ». Du 22 au 25 février 1986, près de deux millions de personnes sont descendues dans la rue, le long de l’avenue Epifanio de los Santos (EDSA), dans le cadre d’un mouvement d’opposition contre le régime de Ferdinand Marcos. Plusieurs évêques, prêtres et religieux étaient parmi les manifestants du mouvement de 1986, dont le cardinal Jaime Sin et le cardinal Ricardo Vidal. Cette révolution non violente a conduit au départ de l’ancien dictateur après plus de vingt ans de régime totalitaire, et à la restauration de la démocratie aux Philippines. Dans leur déclaration du 21 septembre 2020, les religieux philippins ont souligné que les catholiques avaient participé à la lutte contre la dictature comme « un acte de foi en la puissance salvatrice et libératrice de Dieu qui agit comme maître de l’histoire ».
Guerre contre la drogue et loi antiterrorisme
« Beaucoup d’entre eux ont trouvé la face du Christ dans les plus démunis, et ont réaffirmé leur foi en gardant et en vivant leur rôle de témoins et de prophètes dans la société. Beaucoup ont confié plus tard que cette période d’engagement contre la dictature avait compté parmi les meilleures années de leurs vies », ont confié les signataires de la déclaration de l’Association des supérieurs religieux majeurs. « Aujourd’hui, nous observons à nouveau une montée de la tyrannie. Nous prions notre Dieu libérateur et nous renouvelons notre engagement à servir les sans-voix et les déshumanisés, au nom d’une foi qui sert la justice et la paix. » Les religieux philippins ont également confié leur indignation devant les attaques répétées contre les défenseurs des droits de l’homme. « Nos institutions démocratiques, notre liberté d’expression, la liberté de la presse et les autres droits fondamentaux sont muselés », ont-ils affirmé, sans nommer aucun dirigeant politique.
« La culture de mort est en train d’être glorifiée » par la « guerre contre les drogues » qui a entraîné la mort de milliers de personnes, accusées sans procès d’être toxicomanes ou dealers, ont-ils également dénoncé. Le président philippin Rodrigo Duterte a lancé une guerre violente contre la drogue peu après son arrivée au pouvoir en 2016. Les religieux ont également dénoncé le projet du gouvernement philippin de restaurer la peine de mort ainsi qu’une corruption généralisée. L’association catholique a également souligné que toute pensée critique dans le pays était considérée comme « communiste » ou relevant de l’opposition politique. Les religieux ont ajouté que l’espace démocratique aux Philippines, déjà réduit, a été « mis à mal par la loi antiterrorisme controversée de 2020, et nous demandons que la Cour Suprême la déclare anticonstitutionnelle ». Dans leur déclaration, les religieux philippins soulignent que « la tendance à l’autoritarisme est en train de se renforcer ». « Aujourd’hui, les partisans de Marcos essaient de réécrire l’histoire pour se blanchir », ont-ils ajouté.
(Avec Ucanews, Manille)
CRÉDITS
Mark Saludes