Eglises d'Asie – Inde
Le BJP provoque une tempête politique avant les élections nationales
Publié le 23/01/2019
La dernière mesure du gouvernement fédéral indien, qui donne des avantages spéciaux aux membres des castes supérieures à bas revenus, a provoqué une tempête politique dans le pays en amont des élections nationales prévues en avril 2019. Le gouvernement dirigé par le BJP pro-hindou doit en effet leur allouer 10 % des emplois de fonctionnaires et des places dans les instituts supérieurs publics. La nouvelle loi a été votée par les deux chambres du Parlement le 9 janvier, mais les critiques du Premier ministre Narendra Modi affirment que la mesure est destinée à apaiser les castes supérieures qui demandaient les mêmes avantages que les castes inférieures. Narendra Modi a décrit la mesure comme une victoire pour la justice sociale. Pour lui, cela donnera l’opportunité aux jeunes de démontrer leurs talents et cela contribuera à développer la transformation du pays. La Constitution indienne réserve en effet des quotas d’emplois et de places en établissements publics pour les membres des castes inférieures à bas revenus, afin de soutenir leur intégration sociale. Mais certains groupes de castes supérieures affirment que ceux qui touchent les plus bas revenus parmi eux sont plus pauvres que certains membres des castes inférieures. La nouvelle mesure prévoit d’accorder les quotas aux familles qui touchent un revenu annuel inférieur à 11 000 dollars.
Pour A. C. Michael, directeur du développement pour l’ONG chrétienne ADF India, la nouvelle loi est une façon, pour le BJP, de tromper les gens avant les élections nationales. Alors que le dernier rapport de la Banque mondiale montre que le revenu annuel moyen en Inde est de 1 939 dollars, la nouvelle loi concerne ainsi 90 % de la population indienne, poursuit-il. « Cela reviendrait à accorder des quotas à tout le monde, ce qui remet en question le principe constitutionnel de soutien des castes inférieures », ajoute A. C. Michael. Le système de quotas continue d’écarter les Dalits (intouchables) chrétiens et musulmans depuis plus de soixante ans, en partant du principe que leurs religions ne reconnaissent pas le système de castes. « Ces communautés défavorisées continuent d’être mises à l’écart, pendant que le gouvernement cherche à apaiser la majorité hindoue », dénonce A. C. Michael, ancien membre de la Commission pour les minorités de Delhi.
Une tentative d’acheter les électeurs
Asif Ali Khan, un militant social influent de l’État d’Uttar Pradesh, estime que la nouvelle mesure du gouvernement est particulièrement irrationnelle et illogique. « Le gouvernement devrait plutôt soutenir les plus défavorisés. Les castes supérieures n’ont jamais été privées de leurs droits. Ce programme est simplement destiné à les apaiser », affirme-t-il. Les hindous, qui représentent près de 80 % de la population indienne (1,3 milliard d’habitants), continuent d’utiliser ce système de castes alors que les discriminations fondées sur les castes sont interdites depuis 1955. Le système divise la population en quatre castes, sans compter la cinquième catégorie appelée Dalit. Bien que la discrimination contre les Dalits, anciens intouchables, reste discrète dans les villes, ceux-ci sont parfois interdits d’entrée dans certains temples ou de partage des lieux de crémation avec les castes supérieures. Le système de quotas était destiné à leur donner des opportunités d’emplois et d’éducation supérieure, afin de lutter contre les inégalités et les discriminations, selon les promesses d’égalités inscrites dans la Constitution indienne. Pour Joseph Dias, président de l’organisation Catholic Secular Forum (CSF), basée à Mumbai, la nouvelle loi est une tentative du gouvernement de retirer aux communautés Dalits défavorisées les quelques avantages qu’ils avaient. Il ajoute que les autres groupes politiques ne se sont pas opposés à la loi parce qu’ils ne veulent pas s’opposer à la majorité hindoue avant les élections nationales. « C’est clairement une façon de tromper les gens. Cela montre aussi que le gouvernement Modi n’a pas pris de mesures particulièrement notables qui pourraient encourager les gens à voter pour un second mandat BJP. C’est une tentative de dernière minute destinée à acheter les électeurs », souligne Joseph Dias.
Un remède pour mettre fin aux discriminations
Le Bureau pour les Dalits et les populations indigènes, de la conférence épiscopale indienne, se dit « extrêmement inquiet ». Le Bureau remarque que le pays compte plusieurs plans de formation, programmes et bourses d’études destinés à soutenir les catégories défavorisées, mais que le gouvernement a voté la loi précipitamment sans aucune étude scientifique sur le sujet. Le père Zackarias Devasagayaraj, secrétaire du Bureau, confirme qu’il compte faire pression sur le gouvernement pour demander d’inclure les chrétiens et les musulmans Dalits dans le système de quotas. Khalid Rahman, juriste à New Delhi, confie qu’aujourd’hui, plusieurs groupes veulent demander à la Cour Suprême de bloquer la mise en œuvre de la nouvelle loi. Pour lui, il lui serait « presque impossible » de résister au contrôle de la Cour Suprême, qui a déclaré en 1992 qu’aucun quota ne peut dépasser 50 % des postes ou des places disponibles. Près de 260 millions de personnes, soit près de 20 % de la population, appartiennent aux communautés Dalits défavorisées. Près de 15 % de l’ensemble des emplois de fonctionnaires leur sont réservés. Les populations indigènes, qui représentent presque 9 % de la population, bénéficient de 7,5 % des emplois publics. Environ 41 % d’Indiens, appartenant aux « autres classes inférieures », reçoivent 27 % des emplois publics. L’ensemble représente 49,5 % des postes de fonctionnaires, soit presque la limite accordée aux quotas réservés aux castes inférieures. « Les quotas n’étaient pas destinés à devenir une politique racoleuse pour sortir les gens de la pauvreté. Il s’agit d’un remède destiné à mettre fin aux discriminations basées sur la couleur de peau ou sur les castes. Tout autre critère que la discrimination fondée sur les castes va à l’encontre de l’objectif visé par la loi constitutionnelle », affirme Khalid Rahman.
(Avec Ucanews, New Delhi)
CRÉDITS
Ians