Eglises d'Asie

Le Cachemire indien frappé par une recrudescence de violences contre la minorité hindoue

Publié le 24/01/2023




Un regain de tensions prévaut au Cachemire, seule région de l’Inde à majorité musulmane. Alors que cette vallée himalayenne est depuis trois décennies sous le joug d’une insurrection séparatiste et d’un déploiement militaire sans précédent, des civils hindous et des ouvriers migrants ont été ciblés au cours des quatre dernières années. Dans un contexte politique tendu, le Cachemire est le théâtre d’une recrudescence d’assassinats visant la minorité hindoue des « pandits » et des ouvriers et routiers venus d’autres États de l’Inde.

Des chrétiens indiens prient pour la paix dans l’église de la Sainte-Famille de Srinagar (capitale de l’État du Jammu-et-Cachemire), en mars 2017.

Dans l’État du Jammu-et-Cachemire, les attaques ciblant des habitants hindous et des ouvriers venus d’autres États du Cachemire indien se sont multipliées. Si les victimes des violences insurrectionnelles sont principalement des civils musulmans, les assassinats d’ouvriers migrants et saisonniers issus d’autres régions de l’Inde, ainsi que ceux des « pandits » hindous, étaient peu courants et sont désormais en recrudescence.

Au début des années 90, au plus fort de l’insurrection séparatiste du Cachemire indien, les pandits avaient fui la vallée himalayenne, dans un exode massif de 350 000 personnes. Les autorités les avaient encouragés à revenir s’installer dans leurs terres il y a une quinzaine d’années dans un contexte plus apaisé, et les efforts pour les réhabiliter ont redoublé à partir de 2014, sous le gouvernement nationaliste hindou du premier ministre Narendra Modi.

Les tensions se sont à nouveau exacerbées depuis que le gouvernement de Narendra Modi a dépouillé le Cachemire, le 5 août 2019, de son autonomie partielle, qui avait été instituée aux lendemains de l’Indépendance. L’État du Jammu-et-Cachemire a été réorganisé et la région troublée a été directement placée sous le contrôle du gouvernement fédéral. Durant cette transition imposée, des milliers de personnes ont été arrêtées et les communications coupées, isolant le Cachemire du reste de l’Inde. New Delhi a justifié la révocation du statut spécial du Cachemire comme le moyen de faciliter le développement économique et le tourisme, et d’étouffer l’insurrection.

Une région revendiquée depuis 1947 par l’Inde et le Pakistan

New Delhi lutte au Cachemire depuis 1989 contre des insurgés appartenant à des groupes armés indépendantistes ou partisans d’un rattachement au Pakistan. L’Inde accuse son frère ennemi de soutenir les rebelles et de faciliter leur infiltration sur son sol par la frontière commune. Les deux puissances nucléaires, qui contrôlent chacune une partie du Cachemire, revendiquent la souveraineté de cette région depuis leur Indépendance, en 1947, et se sont livrées plusieurs guerres en son nom. Affrontements et violences ont tué des dizaines de milliers de civils.

Depuis le coup de force de New Delhi au mois d’août 2019, le mécontentement des habitants à l’égard de la domination indienne est loin d’avoir été maîtrisé. Tout comme les violences et les attaques perpétrées par les groupes séparatistes. En représailles, la minorité hindoue du Cachemire est clairement ciblée par les groupes insurrectionnels qui ont revendiqué plusieurs de ces attentats.

D’après le responsable de la police de l’État du Jammu-et-Cachemire, 29 civils ont été tués au cours de l’année 2022 ; 21 d’entre eux étaient des habitants locaux, dont 6 hindous. C’est ce dernier chiffre qui est en nette augmentation. En tout, au moins 6 pandits, 14 hindous locaux, et 26 migrants ont été tués au cours de ces quatre dernières années. Ces populations sont vulnérables et les violences qui les ciblent ont attisé la peur. Il est à noter néanmoins que le nombre total de civils tués par les séparatistes évolue quant à lui à la baisse, puisque l’année 2019 comptait 44 victimes, contre 21 l’an dernier.

Une milice civile pour protéger les villageois

Quant aux affrontements entre forces armées et insurgés, ils seraient en légère diminution. En 2022, et d’après les chiffres de la police, 172 rebelles séparatistes présumés, dont 42 d’origine étrangère, ont été tués. Au cours de ces quatre dernières années, près de 750 rebelles ont été abattus par les forces militaires et paramilitaires. Par ailleurs, en 2022, 26 membres des forces de l’ordre ont perdu la vie dans des attaques ou des affrontements.

Les 1er et 2 janvier derniers, une attaque et une explosion ont tué sept civils, dont deux enfants, à Dhangri, dans le district de Rajouri, au sud du Cachemire, une région à dominance hindoue et habituellement calme. Ce dernier incident a à nouveau relancé le climat de peur. En réaction, les autorités ont promis aux villageois de Dhangri qu’ils seraient dotés d’une milice civile pour les protéger.

Dans le sud du Jammu-et-Cachemire, un réseau de gardes locaux autorisés à porter des armes est ainsi réactivé. Ces gardes de défense de village (Village Defence Committee, VDG) constituent une force de 28 000 hommes rémunérés par les autorités locales, en accord avec un nouveau programme approuvé l’an dernier par le ministère de l’Intérieur. Il s’agit de former et moderniser ces milices villageoises qui avaient déjà existé par le passé mais s’étaient relâchées avec l’apaisement.

À Dhangri, ce mois-ci, les gardes se sont vus ainsi fournir des armes automatiques pour remplacer de vieux pistolets. La semaine dernière, les autorités ont organisé un camp de formation pour ces volontaires. « Ce processus s’effectue sous la surveillance des commissariats de police et, pour commencer, nous avons procédé à des tirs d’entraînement avec les volontaires », a commenté un responsable de la police du district de Rajouri.

« Placer des armes dans les mains des habitants des districts frontaliers de la région de Jammu contredit les prétentions du gouvernement à la normalité », a déclaré à l’agence de presse Reuters Mehbooba Mufti, ancienne ministre en chef de l’État du Jammu-et-Cachemire. La région du Cachemire est déjà l’une des zones les plus militarisées au monde, quadrillée par près d’un demi-million de soldats indiens.

(EDA)


CRÉDITS

Umar Shah / Ucanews