Eglises d'Asie – Inde
Le cardinal Alencherry appelle à protéger les paysans après le vote de deux projets de loi agricoles
Publié le 24/09/2020
Le 17 septembre, la Lok Sabha, la chambre basse du Parlement indien, a approuvé deux nouveaux projets de loi destinés à libéraliser le commerce agricole dans le pays. Les projets de loi ont également été approuvés le 20 septembre par la Rojya Sabha, la chambre haute. Les nouvelles lois doivent désormais être signées par le président indien Ram Nath Kovind afin d’être promulguées. À la suite des nouvelles législations annoncées, plusieurs milliers de personnes ont participé à des manifestations et des blocages de routes à travers le pays, notamment dans des États agricoles comme le Pendjab, l’Andhra Pradesh, le Kerala et l’Hariyana. Pour les petits fermiers, la nouvelle législation réduit les prix de soutien minimum de leurs produits et limite la possibilité de stocker leur production dans des entrepôts publics. Jusqu’à aujourd’hui, les fermiers pouvaient vendre leurs productions directement à des agences du gouvernement. Les petits agriculteurs craignent qu’avec le nouveau système, l’essentiel du marché ne tombe entre les mains de groupes en situation de monopole.
Le cardinal George Alencherry, archevêque majeur de l’Église syro-malabare, a pris la parole lors d’un séminaire en ligne organisé par la Commission pour la Justice, la Paix et le Développement du Conseil des évêques catholiques du Kerala, afin d’appeler à « protéger les droits des fermiers ». Selon Mgr Jose Pulickal, président de la commission épiscopale, la libéralisation du marché agricole indien représente une réelle menace pour les petits fermiers, parce qu’elle favorise les grands groupes comme Ambani et Adani, qui pourront désormais imposer leurs prix et contrôler le marché agricole. Tous les partis d’opposition ont protesté contre les nouvelles mesures. Harsimrat Kaur Badal, ministre de l’Industrie agroalimentaire, a déposé sa démission jeudi dernier face à la controverse. Selon Jayaram Ramesh, membre du parti du Congrès, principal parti d’opposition face au BJP (Bharatiya Janata Party) au pouvoir, le gouvernement s’est empressé de faire voter ces nouvelles lois afin de sauver les intérêts particuliers de quelques grandes entreprises qui le soutiennent.
70 % de la population dépend de l’agriculture
Les catholiques du Pendjab indien, majoritairement ouvriers agricoles, se sont sentis menacés par les nouvelles régulations. « Les fermiers risquent de ne pas obtenir un prix juste pour leur production, et à long terme, ils peuvent s’endetter », souligne le père Subin Thekkedath, responsable des affaires sociales du diocèse de Jalandhar. « Les nouvelles lois sont une vraie menace pour le secteur agricole et les fermiers », ajoute le père Joseph Ottaplackal, président du Mouvement des fermiers indiens (Infam), un groupe basé au Kerala, dans le sud de l’Inde, et soutenu par l’Église locale. Sur 1,3 milliard d’habitants, plus de 70 % de la population indienne dépend directement ou indirectement de l’agriculture. Plus de 80 % de ces derniers – soit plus de 700 millions de personnes – sont des fermiers marginaux qui possèdent moins de deux hectares de terrain. « Ces petits fermiers ne pourront pas négocier avec les grands groupes industriels. Les grandes entreprises prendront l’avantage et détermineront le prix des produits, et les fermiers ne pourront rien faire », déplore le père Ottaplackal. De son côté, l’administration du Premier ministre Narendra Modi a soutenu les nouvelles lois, en affirmant qu’elles bénéficieront largement aux fermiers dans tout le pays, en facilitant les transports de marchandises agricoles. Les partisans du gouvernement estiment que la nouvelle législation ne risque pas d’affecter les systèmes d’achat par les agences publiques concernant le riz et les céréales. Ils affirment également que les nouvelles lois ne remettront pas en cause le prix minimum garanti pour les produits agricoles. Pour certains observateurs, cependant, les institutions gouvernementales seront en concurrence avec les grands groupes dans un marché plus compétitif.
(Avec Asianews et Ucanews, New Delhi)
CRÉDITS
Gopal Bhatta / CCAFS