Eglises d'Asie

Le cardinal Maeda espère la canonisation prochaine du « samouraï du Christ », le bienheureux Justo Takayama Ukon

Publié le 06/01/2024




En décembre, en commémorant le 409e anniversaire de l’arrivée à Manille du bienheureux Justus Ukon Takayama (1552-1615), le cardinal Maeda, archevêque d’Osaka, a signalé que le Vatican est en cours d’enquête sur les miracles associés à l’intercession de Takayama, le « Samouraï du Christ ». Expulsé du Japon en 1614, il est mort de maladie peu après aux Philippines. En 2016, il a été reconnu comme martyre, sans avoir été tué, car il fut persécuté et dut abandonner sa richesse et son statut social après l’interdiction du christianisme.

Le cardinal Thomas Aquinas Manyo Maeda, archevêque d’Osaka, en 2017 lors d’une messe dans la cathédrale Sainte-Marie d’Osaka.

Si le bienheureux Justus Takayama Ukon (1552-1615), surnommé le « samouraï du Christ », est canonisé, il deviendra le premier samouraï japonais à être déclaré saint. Le Vatican poursuit actuellement les enquêtes sur les miracles associés à l’intercession du bienheureux martyr japonais.

Le 21 décembre 2023, le cardinal Thomas Aquinas Manyo Maeda, archevêque d’Osaka, a présidé une messe dans la cathédrale de Manille afin de commémorer le 409e anniversaire de l’arrivée du bienheureux Justus Ukon Takayama. Cette célébration était organisée dans le cadre d’un pèlerinage effectué du 18 au 22 décembre par l’archevêque d’Osaka, âgé de 74 ans, avec 30 autres catholiques japonais sur les traces du bienheureux, sur la terre d’exil où ce dernier a terminé sa vie.

À cette occasion, sans donner de détail, le cardinal Maeda a confié son espérance que la cause de canonisation soit bientôt achevée. Durant la célébration, il a déclaré que « nous devons prier pour que les enquêtes sur les miracles d’Ukon soient achevées, approuvées, et qu’il soit canonisé au moins d’ici l’année prochaine ou l’année suivante ».

Durant leur voyage dans la capitale philippine, les pèlerins japonais ont participé à l’inauguration d’une statue d’Ukon Takayama dans l’église Saint-Michel de Manille, en signe d’amitié entre les Philippines et le Japon, en présence du cardinal Advincula, archevêque de Manille. Le cardinal Maeda a également présenté une collection de dix peintures représentant la vie d’Ukon dans la ville de Manille. Ils ont aussi visité la chapelle de l’Université de la Ville de Manille, où est enterrée la dépouille du bienheureux.

Une figure d’exception parmi les 393 bienheureux de l’Église du Japon

Parmi les 42 saints et les 393 bienheureux de l’Église du Japon, Takayama Ukon est une figure particulière. C’est un laïc, un homme politique et militaire, grand feudataire et samouraï, béatifié le 7 février 2017 à Osaka pour avoir choisi de suivre le Christ en renonçant à la noblesse et à la richesse. Issu d’une famille de propriétaires terriens, il s’est converti au christianisme à l’âge de 12 ans, en suivant les traces de son père.

Le portrait officiel de Takayama choisi par la Conférence épiscopale japonaise (CBCJ).

Quand Takayama avait 11 ans, son père Takayama Hida-no-Kami, avait défié un prêcheur chrétien, disciple de saint François-Xavier, à un débat. Alors que le père de Takayama Ukon avait l’intention de mettre fin au prosélytisme chrétien, il a été impressionné au point de se convertir avec son fils. Malgré le fait d’avoir grandi au milieu des guerres et des tensions politiques, Takayama Ukon et son père ont pu utiliser leur influence afin de soutenir les activités missionnaires au Japon, en devenant des protecteurs pour les chrétiens japonais et les missionnaires. Ils auraient contribué à la conversion de plusieurs dizaines de milliers de Japonais.

Quand le général et homme d’État Toyotomi Hideyoshi (1539-1598), 2e unificateur du Japon, est arrivé au pouvoir en interdisant la pratique du christianisme, les grands feudataires du pays ont accepté à l’exception de Takayama Ukon. Celui-ci a donc perdu ses biens, sa charge, son statut social, l’honneur et la respectabilité, avant d’être contraint à l’exil en 1614. Il a trouvé refuge à Manille où il est mort le 4 février 1615, à peine plus de quarante jours après son arrivée. Les catholiques japonais l’ont proclamé saint dès le XVIe siècle, mais ce n’est qu’en 1965 que son cas fut repris par les évêques du Japon, qui ont soutenu unanimement son procès de béatification.

L’Évangile, apporté au Japon par saint François-Xavier en 1549, s’est répandu dans les années qui ont suivi, et en une quarantaine d’années, on a compté plus de 300 000 fidèles. Mais en 1587, la persécution menée par Toyotomi Hideyoshi a conduit plus de 20 000 chrétiens japonais au martyre. C’est durant cette période que le daimyo Justo Takayama Ukon, seigneur féodal typique de l’époque au Japon, baptisé par les missionnaires jésuites, a refusé de renoncer à la foi. Depuis, sa réputation de sainteté s’est répandue et l’Église catholique au Japon et l’Église aux Philippines poursuivent son dossier de canonisation.

L’impact de « la voie du thé » sur le développement spirituel des chrétiens japonais

À propos de Takayama, les missionnaires ont également reconnu l’impact positif de « la voie du thé » sur le développement spirituel des chrétiens japonais comme Justo Takayama Ukon, qui fut un célèbre maître de thé. En effet, le chrétien japonais et maître de thé a utilisé sa maison de thé pour des exercices spirituels. Malgré l’origine Zen de la cérémonie du thé, les missionnaires ont constaté que l’ouverture spirituelle inhérente à la cérémonie du thé a aidé les chrétiens japonais à progresser dans la contemplation et à trouver la paix dans l’accueil japonais du christianisme établi dans le monde du thé…

Dom Justo Takayama Ukon, fils aîné et héritier de Takayama Tomoteru, seigneur du château de Sawa dans la province de Yamato, a été baptisé en 1564 quand son père s’est converti auprès des missionnaires portugais. En 1571, durant une période de convalescence après un combat, il a réalisé qu’il s’était peu préoccupé de la foi qu’il avait reçu. Il s’est marié en 1574 et a eu trois fils, dont deux sont morts en bas âge, et une fille. Avec son père, plusieurs de leurs sujets se sont convertis au christianisme sous leur influence.

Takayama Ukon dans son voyage d’exil, par Domoto Insho, 1964 (cathédrale Sainte-Marie d’Osaka).

Quand le réunificateur Toyotomi Hideyoshi est devenu hostile envers la foi chrétienne, en ordonnant d’expulser tous les missionnaires et en demandant à tous les daimyos chrétiens de renoncer à leur foi, plusieurs d’entre eux ont obéi. Mais Takayama Ukon, guerrier émérite et homme de grande culture, a affirmé qu’il préférait renoncer à ses terres et à tous ses biens plutôt qu’à sa foi. Il a vécu sous la protection du général Maeda Toshiie durant quelques temps avant son expulsion du Japon.

Une ultime libération après des années de persécution

Selon les écrits de plusieurs missionnaires, tout au long de sa vie, Takayama Ukon a toujours passé de longues heures en prière et en méditation, en particulier alors que les persécutions empiraient. Après avoir refusé de renoncer à sa foi, déchu de son rang et de ses biens, il a continué à vivre au Japon dans la pauvreté durant quelques années, avant d’être exilé aux Philippines.

En arrivant à Manille, le 11 décembre 1614, il a reçu un accueil chaleureux de la part des jésuites espagnols et des catholiques philippins. Le gouverneur Juan de Silva lui a proposé de lui assurer un revenu et de lui apporter son soutien et ses relations, mais Takayama a décliné son offre, en expliquant qu’il ne souhaitait pas agir en seigneur. Le gouvernement colonial des Philippines espagnoles a également offert de renverser l’empire japonais afin de protéger les chrétiens japonais et de le placer dans une position de pouvoir, mais Takayama a refusé de participer et s’est même opposé au projet.

Après des années de persécutions, il pouvait trouver la paix et se consacrer pleinement aux questions spirituelles. Avec son ultime sacrifice, il avait obtenu la liberté intérieure et la libération. Il est mort dans la nuit 44 jours après son arrivée à Manille, après avoir souffert d’une violente fièvre, à l’âge de 63 ans, à la suite de « faiblesses causées par des mauvais traitements subis sur sa terre natale ». Dans ses derniers mots à ses petits-enfants, il les a exhortés à rester fermes dans leur foi chrétienne.

Un monument dédié au bienheureux Takayama Ukon, sur la place Dilao de Manille.

Il a reçu un enterrement chrétien avec les honneurs militaires en tant que daimyo, avant d’être enterré sur le sol philippin. Une statue de lui se trouve place Dilao à Manille, où il apparaît portant une robe de guerrier avec ses cheveux attachés en chignon. Il s’appuie sur une épée, pointée vers le sol, sur la garde de laquelle figure le Christ en Croix.

Sa cause de canonisation proposée dès 1634

C’est en 1634, près de vingt ans après sa mort, que son procès de canonisation a été proposé pour la première fois par l’archidiocèse de Manille. Il est ainsi devenu cette année-là « serviteur de Dieu ». Puis en 1986, M. Ernesto de Pedro, un ancien étudiant de l’Université de Saint-Thomas de Manille, a été chargé d’étudier sa cause de béatification, qui a été relancée. En 2013, les évêques japonais ont soumis un rapport de 400 pages au Vatican pour qu’il soit béatifié comme martyr, en mettant l’accent sur son sacrifice et l’abandon de son statut pour sa foi.

En 2016, le pape François a approuvé un décret désignant la mort de Takayama comme un martyre, et il a été officiellement béatifié en 2017. Afin qu’il soit canonisé comme premier saint samouraï de l’Église, le Vatican doit approuver au moins un miracle vérifié et attribué à son intercession. En 2018, le Conseil de la Ville de Manille a voté une résolution déclarant le 21 décembre de chaque année comme « Journée du bienheureux Takayama Ukon ». Sa cause de canonisation est soutenue par plusieurs mouvements catholiques dans différents pays.

(EDA / avec Peter Pinedo/CNA et CBCPNews)


CRÉDITS

Ucanews ; CBCJ