Eglises d'Asie – Inde
Le gouvernement indien fait allusion à « l’origine étrangère » du christianisme et de l’islam
Publié le 11/11/2022
Les responsables chrétiens et musulmans indiens ont exprimé leur déception alors que le gouvernement fédéral a fait allusion à « l’origine étrangère » des deux religions pour justifier que leurs fidèles soient écartés des avantages liés à la politique de discrimination positive.
Selon une déclaration officielle déposée en octobre par le ministère de la Justice et de la promotion sociale devant la Cour suprême, le gouvernement défend le critère actuel qui détermine quelles communautés peuvent être classées comme « Castes répertoriées » (Scheduled castes, nom qui fait référence aux Dalits ou intouchables). Ce statut donne droit à des postes réservés dans l’éducation et le monde du travail, dans le cadre de la politique de quotas approuvée par la Constitution.
Selon la déclaration, une différence de traitement a été reconnue entre les Dalits pratiquant l’hindouisme, le sikhisme et le bouddhisme et les autres religions. Pour le journal The Hindu, cela peut être compris comme une allusion « à l’argument selon lequel le christianisme et l’islam ne sont pas des religions indiennes et que ce sont des contributions étrangères qui ont conduit à la création des populations chrétiennes et musulmanes en Inde ».
Mohammad Salim, secrétaire général de l’organisation islamique Jamaat-e-Islami Hind, rappelle pourtant que la Constitution indienne garantit le droit de chaque citoyen à choisir sa religion, et il estime que la déclaration du gouvernement contredit ce principe fondamental. Il espère que les autorités repenseront leur position pour assurer un traitement égal de tous. « Nous espérons que nos frères et sœurs Dalits ne seront pas privés des avantages liés aux quotas juste parce qu’ils sont devenus chrétiens ou musulmans », ajoute-t-il.
« Le caractère indélébile de l’intouchabilité continue de les hanter »
Le père Z. Devasagaya Raj, ancien secrétaire du Bureau des Dalits et des Classes défavorisées (Backward classes) de la Conférence épiscopale indienne, affirme que les Dalits sont toujours traités comme des « intouchables » quelle que soit leur religion. « Le caractère indélébile de l’intouchabilité continue de les hanter dans leur vie quotidienne, ainsi que l’ont montré plusieurs études universitaires et rapports de commissions dans le passé », souligne le prêtre, interrogé le 9 novembre.
Bien que l’origine de caste soit étroitement liée à la religion hindoue, il proteste contre le fait d’associer les pratiques discriminatoires qui en découlent seulement avec les religions considérées comme « indiennes ». « Les pratiques discriminatoires basées sur les castes sont devenues partie intégrante de la société indienne, toutes religions confondues », insiste-t-il.
Les avantages prévus par la politique de discrimination positive indienne sont toujours réservés aux hindous, bouddhistes et sikhs d’origine Dalit, tandis que les chrétiens et musulmans Dalits demandent d’y avoir droit depuis des années. Les gouvernements successifs ont nommé des commissions afin d’étudier le sujet, tout en continuant d’ignorer les pétitions répétées.
Le mot « Dalit » signifie lui-même « piétiné » en sanskrit, et évoque tous les groupes considérés comme intouchables et extérieurs au système de caste hindou. Les chiffres du gouvernement montrent que près de 201 millions d’Indiens, sur 1,2 milliard d’habitants, appartiennent aux communautés Dalits, dont beaucoup de membres se sont convertis au christianisme et à l’islam au fil des décennies en espérant échapper aux discriminations de caste. Près de 60 % des chrétiens indiens, sur près de 25 millions de fidèles, seraient d’origine Dalit ou indigène.
(Avec Ucanews)
CRÉDITS
Bijay Kumar Minj / Ucanews