Eglises d'Asie – Indonésie
Le gouvernement indonésien promet de dédommager les victimes de la dictature de Suharto
Publié le 30/06/2023
Le président indonésien Joko Widodo s’est engagé à « soigner » les blessures causées par les graves violations des droits de l’homme durant les années de dictatures dans le pays d’Asie du Sud-Est, et à dédommager les victimes. « Cette résolution est nécessaire afin de guérir des souffrances causées, qui ont laissé un poids très lourd à porter pour les victimes », a-t-il déclaré lundi dernier dans la province d’Aceh, dans le nord-ouest de l’archipel.
La région a traversé trois décennies d’insurrection qui ont pris fin en 2005, et au moins trois tueries de masse y ont été rapportées, avec plusieurs dizaines de personnes tuées. « Nous devons nous occuper des blessures immédiatement pour pouvoir aller de l’avant », a poursuivi le président Widodo, durant une cérémonie officielle organisée à Pidie, près d’un site autrefois utilisé par les militaires pour torturer des civils. En janvier, le dirigeant a également confié qu’il regrettait profondément une douzaine de violations majeures des droits de l’homme, orchestrées à l’époque par l’État.
La dictature militaire du général Suharto a duré de 1965 à 1998. Durant les années 1960, une purge anti-communiste a causé près d’un demi-million de morts en quelques mois. En 1998, plusieurs dizaines d’étudiants ont disparu durant des manifestations de rue qui ont précipité la fin du régime dictatorial.
« C’est un pas en avant »
Joko Widodo a également évoqué dix autres violations qui ont eu lieu entre les années 1960 et le début des années 2000. « Aujourd’hui, le gouvernement se concentre sur la résolution non-judiciaire, et notamment sur la réhabilitation des droits des victimes, sans pour autant négliger le mécanisme judiciaire », a-t-il souligné. Dans le cadre de ce programme, le gouvernement s’est engagé à fournir des aides financières et des bourses d’étude aux victimes et à leurs enfants.
Le geste du gouvernement a été salué par différents militants pour les droits de l’homme, qui estiment malgré tout que la tâche est immense. « C’est un pas en avant, c’est mieux que rien bien sûr, mais ce n’est pas suffisant », a réagi Andreas Harsono, chercheur du groupe Human Rights Watch.
Une des victimes d’un massacre survenu le 3 mai 1999 dans le nord de la province d’Aceh a témoigné des traumatismes qui l’ont marqué à vie. Murtala avait alors 28 ans quand des militaires ont ouvert le feu sur une foule près d’une papeterie de la ville de Lhokseumawe. La tuerie a eu lieu alors qu’un soldat avait été porté disparu, dans le cadre de combats entre les rebelles et les forces gouvernementales pour l’indépendance d’Aceh.
« J’ai entendu des tirs et je me suis caché sous un camion, mais quelqu’un m’a attrapé et m’a frappé à plusieurs reprises avec un fusil, à la tête et à la poitrine. Ils m’ont aussi piétiné », a-t-il raconté. Il a perdu connaissance quand un homme a été abattu devant lui. Il s’est réveillé trois jours plus tard dans un hôpital, en apprenant que son frère aîné avait été tué durant l’émeute.
La Commission nationale pour les droits de l’homme a enregistré 21 morts durant ce massacre, tandis que d’autres parlent de 46 victimes. Murtala, qui dirige l’association des victimes, affirme que beaucoup d’entre elles n’ont pas été identifiées ou reconnues et qu’elles ne pourront donc pas recevoir de compensation.
(Avec Ucanews)