Eglises d'Asie – Philippines
Le gouvernement philippin veut s’attaquer aux prédateurs sexuels en ligne
Publié le 29/08/2022
« Tous les responsables de trafic sexuel de mineurs seront désormais punis, y compris les parents, si leur culpabilité est avérée », a martelé Ferdinand « Bongbong » Marcos lors d’une conférence de presse le 23 août. Reconnaissant le problème d’augmentation des crimes sexuels en ligne contre les mineurs dans son pays, le président de la république des Philippines a appelé à poursuivre plus sévèrement les prédateurs, pour faire de la protection des femmes et des enfants une priorité. « Nous ne tolérerons pas cela en tant que nation », a-t-il prévenu.
« C’est douloureux à avouer, mais nous sommes leaders mondiaux en matière de crime sexuel contre les enfants », a annoncé à son tour le secrétaire d’État à la Justice, Jesus Crispin Remulla, citant les résultats d’une étude récente des Nations Unies, qui montre que l’exploitation sexuelle des mineurs a lieu dans toutes les régions de Philippines et que les prédateurs sont le plus souvent originaires de pays occidentaux, Europe ou États-Unis. « Nous déclarons la guerre à ce type de pratique », a même déclaré le secrétaire d’État, soulignant la nécessité d’imposer des règles plus strictes dans l’octroi de l’accès à Internet pour les établissements commerciaux.
L’amélioration des connexions internet aux Philippines et la multiplication des messageries vidéo (Skype, Facetime, WhatsApp…) ont abouti à une explosion des abus par « live-streaming » : un échange vidéo entre un pédo-criminel resté dans son pays d’origine et un intermédiaire sur place qui agit sur commande. Les intermédiaires impliqués dans de récentes affaires sont souvent des membres de la famille, parfois des parents. Malgré leur implication, dans de nombreux dossiers les parents ne sont pas envoyés en prison et conservent la garde des enfants, notamment à cause du manque de moyens des services de l’administration publique pour prendre correctement soin des mineurs concernés.
La pandémie est aussi une « crise des droits de l’enfant » selon une ONG
La pandémie de Covid-19 et les confinements ont également contribué à l’explosion des abus. Une fondation philippine a signalé 202 605 cas d’abus sexuels en ligne sur des enfants pendant les confinements en 2020, contre 76 251 cas signalés en 2019. Un rapport de l’ONG Save the Children souligne que « davantage d’enfants sont exposés aux abus et à l’exploitation pendant la pandémie, car les familles ont recours à l’argent facile en raison de l’aggravation de la pauvreté, alors que les enfants ne sont pas autorisés à quitter leur domicile ». Selon ce même rapport, la pandémie de Covid-19 n’est plus « seulement une crise sanitaire » mais « une crise des droits de l’enfant », « une pandémie silencieuse » qui doit être traitée avec sérieux par les autorités nationales. Les experts soulignent « les effets permanents et dévastateurs sur la santé mentale et le bien-être psychosocial des enfants » de telles pratiques, ajoutant que les parents et les autres adultes devraient fournir le soutien et les conseils nécessaires pour aider à protéger les enfants.
Caritas, l’organisme social de l’Église catholique, a déclaré pour sa part qu’elle surveillait de près la réponse de la police aux plaintes pour abus sexuels en ligne. « Jusqu’à présent cette année, il y a eu 62 opérations de sauvetage et/ou d’arrestation de personnes, contre 48 l’année précédente », a déclaré le père Rafael Ildefonso, secrétaire exécutif de Caritas Philippines. Il précise que sur 103 cas de pédopornographie signalés depuis 2016, seuls 67 ont donné lieu à des poursuites, tandis que trois seulement ont été résolus. L’une des principales difficultés des enquêtes sur les abus sexuels par live streaming est que l’échange ayant lieu en direct, il est difficile d’en avoir la preuve une fois la communication coupée.
« Nous ne devrions pas nous arrêter aux chiffres des arrestations », remarque le père Idelfonso. « Nous devrions également examiner comment les affaires sont poursuivies et si les auteurs sont traduits en justice. » Il souligne l’importance du travail du ministère de la Justice dans ce combat, afin d’aboutir à de véritables sanctions pour les auteurs de ces crimes.
(Avec Ucanews)
CRÉDITS
Angie de Silva / Ucanews