Eglises d'Asie

Le lycée Hangil d’Incheon offre une éducation aux Coréens âgés illettrés

Publié le 01/10/2021




Depuis 1987, le lycée Hangil, qui dépend du diocèse d’Incheon, situé à 50 kilomètres à l’ouest de Séoul, la capitale, a accompagné plusieurs centaines de Sud-Coréens âgés illettrés. Alors que le pays compte l’un des taux d’alphabétisation les plus élevés au monde pour les personnes de plus de 15 ans (97,9 % selon les chiffres officiels), ce taux est beaucoup plus faible parmi les plus âgés, en particulier pour les femmes coréennes. Avec la rentrée 2021, les activités de l’établissement catholique ont repris avec quatorze nouveaux élèves.

Une enseignante du lycée Hangil d’Incheon, qui a accompagné plusieurs centaines de Coréens âgés illettrés depuis sa fondation.

Cecilia Kim Bok-seon, une Sud-Coréenne âgée de 82 ans, a rejoint les cours proposés par le lycée Hangil, dans le diocèse d’Incheon, en septembre. « C’est difficile à cause de mon âge, mais avec l’aide des autres élèves et des enseignants, je réalise un rêve que j’ai depuis toujours », explique-t-elle. Cecilia, catholique, n’est jamais allée à l’école et a vécu la majeure partie de sa vie comme mère au foyer. Son mari est décédé l’an dernier, et cette année, elle a décidé de rejoindre ces cours afin de recevoir une éducation de base. Elle assure que cette expérience scolaire est enrichissante, et elle se réjouit d’apprendre les mathématiques. « Tout ce que je fais à l’école est amusant et me rend heureuse », ajoute-t-elle. Elle fait partie des quatorze élèves d’un âge avancé qui ont été répartis en deux niveaux au sein du lycée Hangil. L’école compte 21 enseignants et employés. Yoon Su-tae, une autre élève, âgée de 72 ans, se dit sans religion. « L’anglais est l’une des matières les plus difficiles, mais j’apprends peu à peu grâce aux enseignants », explique-t-elle. Yoon est née dans une famille pauvre, et elle n’a pas pu poursuivre son éducation après l’école primaire. Chez elle, tout en s’occupant de ses petits-enfants, elle a senti qu’elle avait besoin d’apprendre de nouvelles choses dans la vie avant qu’il soit trop tard, surtout en voyant les enfants plaisanter à propos de nouveaux mots anglais appris à l’école. « Si vous voulez voir l’arc-en-ciel, vous devez supporter la pluie », se répète-t-elle à elle-même.

« L’envie d’apprendre des élèves est formidable »

Depuis 1987, l’établissement propose une éducation aux Coréens âgés qui n’ont pas eu l’opportunité de recevoir une scolarité étant enfants, mais qui ont toujours la passion d’apprendre. Cinq jours par semaine, du lundi au vendredi de 19 heures à 22 heures, les élèves suivent une série de cours sur différentes matières dont l’anglais et les sciences. La plupart des enseignants sont volontaires – des enseignants à la retraite ou en exercice, qui se plaisent beaucoup à prendre en charge ces élèves âgés gratuitement. « Je trouve ce travail volontaire comme enseignant particulièrement gratifiant. Il y a beaucoup de joie à enseigner gratuitement comme cela. L’envie d’apprendre des élèves est formidable, et l’atmosphère de la classe est incroyable », confie Garino Yoo Jeong-yeol, proviseur adjoint du lycée. « Nous apprenons aussi beaucoup des élèves », ajoute-t-il.

Le lycée Hangil et ses élèves âgés incitent à réfléchir au sens de la vie, estime Clemens Yoon Hyun-sang, un enseignant à la retraite qui leur enseigne l’anglais. « En voyant ces personnes âgées, qui pourraient profiter de la vie chez eux avec leurs familles, immergées dans leurs études tous les soirs, cela me fait réfléchir », insiste-t-il. Cette initiative a été lancée par le père Ho In-soo, alors curé de la paroisse de Juan-dong, qui souhaitait offrir une éducation aux femmes travaillant dans le complexe industriel de Juan-dong. Il a monté une classe dans l’enceinte de l’église en recrutant quelques premiers élèves. En 1989, l’école a eu dix premiers diplômés. Au cours des décennies suivantes, plusieurs centaines d’élèves ont suivi le cursus de deux ans au sein de l’école, qui propose aussi des voyages et des sorties scolaires. Toutefois, l’initiative n’est pas accréditée et les élèves doivent passer un examen appelé GED. L’association des anciens élèves est également active et organise différentes activités afin de maintenir les liens entre les jeunes élèves et les plus âgés.

67,7 % des Sud-Coréens de plus de 80 ans illettrés en 2019

La présence de l’enseignement catholique en Corée du Sud, bien que limitée, reste significative dans le pays, qui compte l’un des taux d’alphabétisation les plus élevés au monde pour les personnes de plus de 15 ans (97,9 % selon les chiffres officiels). Toutefois, ce taux est plus faible parmi les plus âgés. En 2017, l’Institut national pour l’éducation permanente a constaté que 67,7 % des Sud-Coréens de 80 ans et plus ne savent ni lire ni écrire. Ce taux est encore plus faible concernant les femmes âgées, selon un rapport de 2019 de l’AFP, alors que la Corée du Sud a été une société patriarcale durant des siècles. Beaucoup de familles dissuadaient les filles d’aller à l’école jusque vers la moitié du XXe siècle. L’économie locale a ensuite commencé à croître rapidement grâce à l’industrialisation.

Le père Kim Tae-heon, proviseur du lycée Hangil, salue l’engagement des enseignants. « J’exprime toute ma gratitude envers les enseignants qui rendent service volontairement. Je suis également ému par la passion des élèves âgés, qui ont soif d’apprendre. Nous faisons tout notre possible pour les soutenir. » Le prêtre confie que durant des années, ils n’avaient pas un environnement adapté à cause de locaux humides, en sous-sol et mal aérés. La municipalité d’Incheon et des entreprises locales ont apporté leur soutien financier, permettant à l’établissement de rénover les locaux ces dernières années. Le père Kim observe avec joie les élèves âgés dîner tôt avant de se préparer à aller en cours. « Ici, l’amour de Dieu se révèle admirablement. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Catholic Times of Korea / Ucanews