Eglises d'Asie – Indonésie
Le parcours spirituel de Mgr Sinaga, du parmalim au catholicisme
Publié le 13/02/2019
Mgr Anicetus Bongsu Sinaga, archevêque émérite de Medan, la capitale de la province de Sumatra du Nord, a publié récemment son autobiographie dans laquelle il témoigne de son parcours spirituel et de sa conversion du parmalim, une religion préislamique locale, au catholicisme. Le parmalim partage des points communs avec l’islam, comme le fait de porter des turbans ou d’éviter de manger du porc. C’est la forme moderne d’une religion traditionnelle pratiquée par le peuple Batak, la plus grande communauté ethnique du nord de Sumatra. L’évêque de 77 ans, connu dans le pays notamment pour sa défense de l’environnement, est né dans une famille de parmalims. Son père, fermier et producteur de vin de palme, était un prêtre parmalim et sa mère était une guérisseuse traditionnelle. Mgr Sinaga explique que cette religion vénère Debata Mulajadi Nabolon, le dieu des « grands commencements », ce qui l’ouvre aux comparaisons avec le christianisme. « Mon père m’a enseigné cette religion et ses prières », ajoute-t-il. « Même une fois devenu prêtre puis évêque, je prie encore ces prières parce qu’elles ne sont pas si différentes des prières catholiques. » La religion traditionnelle compte environ 30 000 adeptes, dans plusieurs régions du pays où vivent les Bataks.
Éveil à la foi
L’archevêque confie que sa conversion s’est faite progressivement. Elle a commencé par la rencontre d’un missionnaire néerlandais, le prêtre capucin Beatus Jenniskens, qui lui a déclaré qu’un jour, lui aussi pourrait devenir prêtre catholique. Le jeune Anicetus Sinaga n’a jamais oublié ces mots, qui ont fini par l’amener à rejoindre un séminaire local pour cheminer vers le sacerdoce. Contrairement à la majorité de ceux qui entrent au séminaire en tant que catholiques baptisés, lui-même n’a reçu le baptême qu’à l’âge de 17 ans, en 1957, la même année que la conversion et le baptême de son père. L’évêque explique que sa conversion depuis le parmalim n’était pas difficile, vu la proximité des pratiques et des symboles religieux par rapport à la foi chrétienne. Par exemple, les fidèles parmalims sacrifient un buffle durant le Sipaha Lima (le cinquième mois), le festival des moissons, la date la plus importante de leur calendrier liturgique. Les parmalims croient que le sang de l’animal sacrifié les purifie de leurs péchés, une pratique que l’on peut rapprocher de l’Agneau immolé du christianisme. Quatrième de cinq enfants, Anicetus Sinaga est entré au noviciat capucin à l’âge de 1963 et a été ordonné prêtre six ans plus tard.
En 1975, il a complété un doctorat en théologie morale à l’université catholique de Leuven, en Belgique, avec une thèse titrée « Le haut dieu Toba-Batak : transcendance et immanence ». En 1979, il a été nommé préfet apostolique du diocèse de Sibolga, dans la province de Sumatra du Nord. Le pape Jean-Paul II l’a ordonné évêque au Vatican en 1981. Il est devenu archevêque de Medan en 2009, avant de se retirer en 2018. Il a été remplacé officiellement par Mgr Kornelius Sipayung le 2 février. L’archidiocèse de Medan compte 56 paroisses et 532 000 catholiques, originaires de plusieurs groupes ethniques, dont les Bataks. Mgr Sinaga est par ailleurs toujours administrateur apostolique du diocèse de Sibolga, suite à la mort de Mgr Ludovicus Manullang en septembre.
Inculturation
Mgr Sinaga confie qu’il aime utiliser des éléments de la religion parmalim, à la fois pour les préserver et pour mieux enseigner les fidèles. « Je veux que mon archidiocèse suive les enseignements du concile Vatican II, en proclamant l’Évangile à tous les peuples et en respectant les valeurs culturelles locales, notamment en utilisant les couleurs locales dans la construction des églises », explique-t-il. Il revêt souvent les costumes traditionnels bataks quand il prêche dans la langue traditionnelle batak. Certaines églises de son archidiocèse ont même été construites selon le style architectural de sa communauté ethnique. L’évêque souligne que son expérience d’une religion à l’autre l’a également incité à s’engager davantage dans le dialogue avec les autres religions. « Malgré les épreuves, l’Église catholique doit continuer d’être engagée dans les difficultés que traverse l’Indonésie, plutôt que de faire partie du problème », ajoute-t-il en évoquant la montée de l’extrémisme et la nécessité de calmer l’intolérance religieuse. C’est pourquoi Mgr Sinaga s’attache particulièrement à l’œcuménisme et au dialogue interreligieux, d’autant plus que les catholiques font partie des minorités religieuses dans la région.
Les commerçants portugais ont introduit le catholicisme dans la province de Sumatra du Nord au VIIe siècle, mais c’est le prêtre capucin Sybrandus van Rossum, un missionnaire néerlandais arrivé dans le pays fin 1934, qui a commencé à répandre l’Évangile auprès du peuple Batak, selon les archives historiques. Maintenant que l’œcuménisme et le dialogue interreligieux se sont développés à Medan, les fêtes de Noël et de Pâques sont célébrées en grande pompe dans la région et les catholiques et les protestants se sont rapprochés. Certains programmes d’immersion permettent même à des prêtres catholiques d’être hébergés par des pasteurs protestants afin de mieux se connaître, explique l’évêque. « Au début, il y a eu plusieurs obstacles, mais maintenant cela fonctionne bien », assure Mgr Sinaga, qui a été à la tête du Bureau de l’œcuménisme et des affaires interreligieuses au sein de la Fédération des conférences épiscopales asiatiques. Le 15 mars 2018, il a signé un protocole d’accord avec treize églises de Sumatra du Nord afin de faire progresser l’œcuménisme. Il rend également visite régulièrement aux communautés musulmanes, en particulier durant la fête de l’Eid al-Fitr, qui marque la fin du Ramadan et qui tombe cette année les 4 et 5 juin.
Mgr Sinaga s’est attiré le respect des responsables religieux locaux et nationaux par son action. Le révérend Soritua Nabatan, ancien président de la Communion des Églises en Indonésie, a ainsi salué les liens étroits de l’évêque avec l’Église protestante dans la province de Sumatra du Nord. « L’évêque a de bonnes relations avec toutes les confessions », assure-t-il. « Cela facilite la coopération, ainsi que l’annonce de l’Évangile à tous. » Said Aquil Siradj, président de la Nahdlatul Ulama, (« renaissance des oulémas »), la plus grande organisation islamique indonésienne, a déclaré que Mgr Sinaga avait joué un rôle crucial dans le dialogue entre les musulmans et les chrétiens dans la région.
(Avec Ucanews, Jakarta)
CRÉDITS
Konradus Epa / Ucanews