Eglises d'Asie

Le parti du BJP tend la main aux chrétiens dans l’État du Mizoram

Publié le 26/07/2019




Le parti pro hindou du BJP (Bharatiya Janata Party), qui domine la sphère politique indienne, a lancé une offre auprès des chrétiens dans l’État du Mizoram – un petit État coincé à l’extrême nord-est du pays, entre le Bangladesh et la Birmanie –, dans une tentative d’améliorer son image auprès de la population de l’État, majoritairement chrétienne. L’État indien est également celui qui comprend la plus forte concentration de personnes indigènes dans le pays, et les chrétiens représentent 87 % de la population, sur 1,1 million d’habitants. Les dirigeants du BJP, à la tête du pays et de nombreux États indiens, ont été régulièrement accusés d’être indifférents aux violences des nationalistes hindous contre les minorités.

Le gouvernement BJP du Mizoram a lancé, le 24 juillet, un groupe chargé de tendre la main aux chrétiens dans l’État du Mizoram, dans le nord-est du pays. Le groupe doit être dirigé par Lal Hriatrenga Chhangte, un leader chrétien local qui a rejoint le parti récemment. Lal Chhangte a déclaré que la décision avait été approuvée et mandatée par la direction centrale du BJP. Ainsi, les missionnaires chrétiens originaires du Mizoram et travaillant ailleurs dans le pays, où qu’ils se trouvent, pourraient profiter d’une assistance téléphonique permanente en cas de problèmes, explique-t-il, ajoutant que le but est de construire une relation positive avec toutes les Églises. « Le BJP cherche à travailler amicalement aux côtés des chrétiens et des organisations chrétiennes », poursuit-il. De son côté, le chef du BJP au Mizoram, J. V. Hluna, a exprimé son désir de dépasser les incompréhensions et les craintes passées, en soutenant que le BJP est vraiment un parti laïc qui croit en la Constitution indienne. Les autorités de l’État estiment que près de 5 000 chrétiens missionnaires du Mizoram, de différentes confessions chrétiennes, travaillent dans plusieurs régions du pays.

Une initiative saluée avec prudence

En Inde, les responsables chrétiens dénoncent régulièrement la montée des violences des nationalistes hindous contre les missionnaires, en particulier dans les villages du nord du pays. Ils accusent également les gouvernements BJP de la plupart des États du nord de l’Inde d’avoir des affinités avec les groupes extrémistes qui font pression pour une Inde exclusivement hindoue, les encourageant ainsi à s’attaquer aux minorités religieuses. L’influence sociale et politique des communautés chrétiennes de la région, majoritairement presbytériennes, est conséquente. Selon les médias locaux, la tentative du BJP est liée aux résultats décevants du parti lors des élections régionales de l’an dernier. Le BJP avait déposé sa candidature pour 39 sièges sur 40 au Mizoram, mais n’en avait remporté qu’un seul. Cependant, le parti conserve une grande influence dans six autres États de la région : il dirige les gouvernements de l’Assam, du Manipur, du Tripura et de l’Arunachal Pradesh, et il fait partie des coalitions qui dirigent les États du Nagaland et du Meghalaya. Le Mizoram est l’un des trois États indiens majoritairement chrétiens, avec le Meghalaya et le Nagaland. « L’idée est de courtiser les électeurs chrétiens et de faire des percées », estime Robert Vanlalhana, un enseignant basé au Mizoram.

L’initiative locale coïncide avec grande campagne nationale pour l’adhésion au parti, lancée durant la première semaine de juillet. Certains habitants de l’État restent sceptiques et affirment que l’ouverture d’une assistance téléphonique pourrait permettre de recueillir des détails personnels sur les missionnaires, ce qui pourrait se retourner contre eux. J. V. Hluna et Lal Hriatrenga Chhangte ont tous les deux repoussé une telle éventualité, en assurant que le détail des coordonnées resterait confidentiel. Mgr Stephen Rotluanga, évêque catholique du diocèse d’Aizawl, la capitale du Mizoram, a salué timidement l’initiative, tout en ajoutant qu’il fallait rester prudent à propos des motivations politiques derrière ce geste. « Nous devons savoir quelles sont leurs intentions exactement, et à quel point ils sont sincères dans leurs propos », a déclaré Mgr Rotluanga. Sajan K. George, qui dirige le Conseil global des chrétiens indiens (GCIC), émet des doutes sur les motivations du BJP. « S’ils sont sérieux, il faut qu’ils répriment les persécutions contre les chrétiens dans les États dirigés par le BJP », demande-t-il. « Personne ne prendra de telles initiatives sérieusement », ajoute-t-il. De son côté, l’avocat et militant chrétien A. C. Michael, ancien membre de la Commission de Delhi pour les minorités religieuses, a salué la décision comme une « grande initiative du BJP ». « Ce serait bien d’ouvrir des cellules semblables dans le reste de l’Inde, en particulier dans des États comme l’Uttar Pradesh, où l’on a rencontré le plus grand nombre de violences contre les chrétiens au cours des dernières années », a-t-il ajouté.

(Avec Ucanews, New Delhi)


CRÉDITS

Ians