Eglises d'Asie

Le premier centre de rétention pour les citoyens « illégaux » de l’Assam en construction

Publié le 17/09/2019




La construction du premier centre de détention pour les personnes exclues du Registre national des citoyens dans l’État de l’Assam, au nord-est de l’Inde, est « bien avancée » selon les ingénieurs concernés, qui achèvent la construction de bâtiments de 15 étages, comprenant des écoles, un hôpital, un auditorium et 180 salles de bains. Le premier camp indien destiné à accueillir les citoyens déclarés « illégaux » est en cours de construction sur un terrain de 2,5 hectares situé à Matia, dans le district de Goalpara, à près de 150 km de Guwahati, la capitale de l’État. Rabin Das, l’un des architectes, assure que le centre « sera prêt d’ici la fin de l’année ». Le camp est destiné à accueillir environ trois mille personnes.

L’Inde a alloué 460 millions de roupies (5,8 millions d’euros) au projet de construction d’un centre de détention destiné à accueillir les personnes exclues du Registre national des citoyens de l’Assam, dans le nord-est de l’Inde. Le site se trouve à Matia, dans le district de Goalpara, près de la capitale de l’État, Guwahati. Le chantier a été confié à la société Assam Police Housing Corporation Limited. Il a commencé en décembre 2018, et la pose de la première pierre de neuf autres bâtiments est prévue au cours des prochains mois. Les autorités assurent que le centre ne sera pas « comme une prison ». Gangapuram Kishan Reddy, ministre d’État aux Affaires intérieures du gouvernement indien, garantit qu’« une attention spéciale sera accordée aux femmes avec enfants et aux femmes enceintes. Les enfants qui seront hébergés dans les centres de détention disposeront d’établissements scolaires ». Le 31 août, les autorités de l’Assam ont publié la liste des personnes dont la citoyenneté n’est pas reconnue par l’État indien. Le nombre de personnes exclues du Registre national des citoyens (NCR) s’élève à 1,9 million, tandis que le premier recensement en comptait 4 millions. Toutes les personnes concernées ont reçu une extension de 120 jours afin de pouvoir présenter de nouveaux documents. À l’issue de cette période, les décisions qui seront prises par les autorités restent incertaines. En fait, les habitants doivent « prouver » qu’ils résident dans l’État d’Assam depuis le 24 mars 1971, soit quelques mois avant l’indépendance du Bangladesh. Selon les autorités, depuis cette année-là, l’Inde a été envahie par plusieurs millions de migrants bengalis, qui n’auraient donc aucun droit de résidence.

Le premier ministre lui-même, Narendra Modi, réélu pour un second mandat en mai dernier, a mené une campagne acharnée contre l’immigration illégale, en en faisant l’un des thèmes majeurs de son programme. Ces derniers mois, la population de l’État a dénoncé le recensement comme une « chasse aux sorcières », en affirmant que le seul objectif du gouvernement est de rééquilibrer la composition ethnique et religieuse de l’État d’Assam, qui craint une invasion similaire avec la venue des réfugiés rohingyas. Dans l’Assam, un tiers des résidents (sur un total de 32 millions d’habitants) sont musulmans, contrairement au reste du pays à majorité hindoue. Dans la région, plusieurs millions d’habitants sont issus des communautés indigènes, majoritairement illettrés, et ne possèdent pas toujours de certificats de naissance à présenter. La crainte de perdre leur droit de résidence et d’être forcés à quitter leurs maisons, pour être enfermés dans des centres de rétention pèse sur des milliers de personnes. L’ONG locale Citoyens pour la Justice et la Paix (Citizens for Justice and Peace), qui aide les habitants à constituer leurs dossiers, a enregistré le suicide d’au moins 51 personnes, paniquées à l’idée de perdre leur citoyenneté. Sarojini Hajong fait partie des personnes exclues de la liste des citoyens. Il s’est confié aux médias locaux : « J’ai peur de ne pas pouvoir prouver ma citoyenneté et de finir en centre de détention. Qu’est-ce qui se passera ? Nous en souffrirons tous dans ma famille, entre mes enfants, ma mère âgée et ma femme malade. »

(Avec Asianews, New Delhi)


CRÉDITS

IANS