Eglises d'Asie

L’Église au Japon se prépare à accueillir le pape François

Publié le 19/09/2019




Plus de 35 ans après la visite de saint Jean-Paul II en 1981, le pape François sera au Japon du 23 au 26 novembre, après avoir passé quatre jours en Thaïlande. Le thème retenu pour le voyage du Saint-Père au Japon, « Protéger chaque vie », est tiré de la Prière en union avec la Création qui conclut l’encyclique Laudato Si sur la protection de la Maison commune. Le pape se rendra à Nagasaki où il visitera l’église des Vingt-Six-Martyrs et le parc de la Paix, puis il se rendra à Hiroshima et à Tokyo. Une messe sera célébrée le 25 novembre au stade de Tokyo Dome. Le pape doit notamment rencontrer des survivants des bombes atomiques et de la catastrophe de Fukushima, ainsi que l’empereur Naruhito et le Premier ministre Shinzo Abe.

Le pape François sera au Japon du 23 au 26 novembre prochain. La dernière visite d’un pape dans le pays remonte au voyage de saint Jean-Paul II en 1981. Le thème du voyage du pape, « Protéger chaque vie », est tiré d’une phrase de l’encyclique Laudato Si sur la protection de la Maison commune. Le pape François se rendra à Nagasaki le 24 novembre afin de visiter le sanctuaire des Vingt-Six-Martyrs et le parc de la Paix (Nagasaki Peace Park), avant de célébrer la messe. Le Saint-Père se rendra ensuite à Hiroshima puis à Tokyo, où il célébrera la messe le 25 novembre au stade de Tokyo Dome, qui contient 42 000 places. Il rencontrera également des survivants des bombes atomiques et de la catastrophe nucléaire de Fukushima, survenue en 2011 dans le nord-est du Japon, ainsi que des jeunes et des étudiants. Avant de repartir pour Rome, le pape rencontrera aussi l’empereur Naruhito et le Premier ministre Shinzo Abe. Le logo (photo) de la visite du pape au Japon, qui symbolise le thème du voyage, cherche également à représenter les influences sur l’Église au Japon. Le cercle rouge symbolise l’image du soleil levant et l’amour qui embrasse chaque vie. Le cercle contient trois flammes qui expriment ensemble la mission de la proclamation de l’Évangile de l’espérance dans le pays. Une flamme rouge représente les martyrs comme fondation de l’Église au Japon ; une flamme bleue représente la Vierge Marie, qui embrasse toute l’humanité comme ses enfants ; et enfin une flamme verte, à l’image de la nature foisonnante au Japon. Certains affirment que des chrétiens nestoriens étaient au Japon il y a plus de 1 500 ans, avant même l’arrivée du bouddhisme au VIe siècle, mais selon l’histoire, l’arrivée du catholicisme au Japon remonte au 15 août 1549, quand saint François-Xavier, jésuite, a débarqué à Kagoshima, dans l’île de Kyushu. Saint François-Xavier a passé à peine plus de deux ans au Japon, avant d’en repartir le 15 novembre 1551. Pourtant, ce court passage a laissé des fruits qui ont été entretenus par ses compagnons et ses successeurs. La mission jésuite s’est concentrée sur la fondation d’organisations laïques qui pourraient s’occuper d’activités comme le catéchisme, l’animation de réunions de prière, le soin des malades et des plus pauvres… Plus tard, quand tous les missionnaires ont été exilés ou tués, ces petites fraternités ont pris sur elles de transmettre la foi durant des générations, jusqu’à la fin tacite des persécutions en 1873. En 1587, Toyotomi Hideyoshi, alors dirigeant du Japon de facto, a publié un décret interdisant le christianisme dans le pays, par crainte des liens entre les missionnaires et les colonisateurs européens. En 1597, le décret a été renforcé, jusqu’à la crucifixion des 26 chrétiens martyrs de Nagasaki, le 5 février. Il y avait peut-être alors jusqu’à 300 000 catholiques dans le pays, soit un peu moins qu’aujourd’hui mais avec un pourcentage de la population bien plus élevé. Plus tard, en 1639, le Japon s’est coupé du reste du monde.

La foi des chrétiens cachés de Nagasaki

Pour chasser les chrétiens, plusieurs formes de torture ont été utilisées. Dès 1629, la technique du fumi-e était utilisée, forçant les chrétiens à marcher sur des médailles représentant le Christ ou la Vierge. Ceux qui hésitaient étaient exécutés. Le roman historique Silence de Shusaku Endo, qui a inspiré le film de Martin Scorsese du même nom, retrace les persécutions et l’usage du fumi-e. Beaucoup de chrétiens se sont alors enfuis dans les îles avoisinantes. D’autres sont restés dans des villages situés sur les îles principales du pays, pratiquant leur foi en secret et marchant sur les fumi-e avec regret. Après la réouverture du Japon au commerce et aux relations diplomatiques en 1853, le clergé chrétien a été autorisé à entrer dans le pays à nouveau, en tant qu’aumôniers de la communauté étrangère, mais le christianisme était toujours interdit pour les Japonais. Le 17 mars 1865, les rumeurs de chrétiens cachés ont été prouvées quand un groupe de Japonais du village d’Urakami, près de Nagasaki, s’est approché du père Bernard Petitjean (MEP), dans sa paroisse d’Oura à Nagasaki.

Ils lui ont demandé s’il était loyal au pape de Rome et s’il avait une statue de Marie. Quand il eut répondu, les Japonais lui ont dit qu’ils partageaient la même foi. C’était la première confirmation que des chrétiens japonais étaient restés fidèles malgré presque 250 ans de persécutions. Celles-ci étaient pourtant toujours en vigueur, et quand les autorités ont appris l’existence des chrétiens d’Urakami, le village a souffert de la dernière grande vague de persécutions. Entre 1867 et 1870, plus de 3 000 personnes ont été exilées dans d’autres régions du pays, et plus de 300 d’entre eux ont été exécutés. Les forces occidentales ont fini par forcer le gouvernement à mettre fin aux persécutions et autoriser le retour des exilés à Urakami en 1873. Mais quand les exilés sont rentrés chez eux, ils ont laissé derrière eux des communautés chrétiennes naissantes. Enfin, les catholiques du village d’Urakami, qui avait été intégré à la ville de Nagasaki qui se développait, ont construit la plus grande église de l’époque en Asie, sur un terrain où leurs ancêtres avaient été forcés de marcher sur le fumi-e.

Plus tard, l’église d’Urakami a été détruite dans l’explosion de la bombe de Nagasaki du 9 août 1945, qui a également tué près de la moitié des catholiques de la région. L’écrivain japonais Takashi Nagai (1908-1951), médecin spécialisé en radiologie, converti au catholicisme et survivant du bombardement atomique de Nagasaki, a raconté avoir trouvé les restes de son épouse dans les cendres de leur maison. Il a décrit le bombardement d’Urakami comme une offrande en le comparant à la Passion de Jésus sur la croix : « Notre humanité a hérité du péché d’Adam et du sang de Caïn. Notre humanité s’est tournée vers les idoles en oubliant sa filiation divine. Pour que finissent toutes ces horreurs, ces haines et que fleurissent à nouveau les bénédictions de paix, il ne suffisait pas de se repentir. Mais notre Église d’Urakami a gardé sa foi intacte pendant 400 ans dans un Japon qui la proscrivait. Elle a enduré de nombreuses et longues persécutions. Et pendant toute cette guerre elle n’a cessé de prier pour que revienne la paix. Cette Église n’était-elle pas digne d’être choisie comme holocauste pour que des dizaines de millions d’hommes ne périssent plus victimes des ravages de la guerre ? »

Pacifisme et environnement

Depuis, l’Église catholique au Japon a fait de la paix un combat majeur. Chaque année, du 6 août (jour anniversaire du bombardement d’Hiroshima) au 15 août (date de la capitulation du Japon), l’Église a marqué « Dix jours de prière pour la paix ». Les catholiques sont activement opposés aux tentatives d’affaiblir l’article neuf de la Constitution japonaise, votée le 3 novembre 1946, qui postulait que le peuple japonais renonçait « à jamais à la guerre » et au maintien « de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre ». Cette loi reste, en pratique, largement ignorée. Bien sûr, les Japonais n’étaient pas que des victimes de la guerre, mais aussi responsables, que ce soit en Chine ou dans le Pacifique. En 1989, les évêques japonais ont admis et regretté la responsabilité de l’Église catholique au Japon pour avoir soutenu l’effort de guerre. La communauté catholique japonaise, suite aux actions du pays et aux réflexions sur la guerre, s’est fortement tournée vers l’internationalisme. À cause de sa petite taille est des coûts élevés au Japon, l’Église locale dispose certes de peu de moyens. Pourtant, grâce à Caritas Japon et d’autres organisations, les catholiques japonais soutiennent de nombreux programmes humanitaires à travers le monde. Après la guerre, l’Église catholique allemande a contribué à la reconstruction des églises japonaises détruites par les bombardements durant la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle les deux pays étaient alliés. L’archidiocèse de Tokyo a lancé une collecte annuelle en reconnaissance aux Allemands, afin d’imiter leur générosité en soutenant l’Église birmane.

Le Japon est un pays d’une grande beauté naturelle. Même ses grandes métropoles comme Tokyo ne sont jamais loin des montagnes, des forêts, des lacs, des rivières et de la mer. Mais la nature peut aussi y être particulièrement dangereuse, entre les volcans, les séismes, les tsunamis, les typons, les inondations et les glissements de terrain. Le tsunami qui a frappé le Japon en 2011 a ainsi entraîné la catastrophe nucléaire de Fukushima. Tout cela donne aux Japonais une forte sensibilité envers la nature, que l’on retrouve dans l’art et la littérature. Cette sensibilité, associée au sentiment antinucléaire et à l’internationalisme, a favorisé les engagements envers les questions environnementales. D’où le thème choisi pour le voyage du pape François au Japon, « Protéger chaque vie », issu de la Prière chrétienne en union avec la Création qui conclut l’encyclique Laudato Si. Le pape François devrait soutenir le travail de l’Église locale pour la paix, sur le nucléaire et l’environnement, et auprès des migrants et des marginalisés.

(Avec Ucanews / P. William Grimm, Tokyo)

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