Eglises d'Asie

L’Église catholique face au coronavirus en Inde : la réponse humanitaire de Caritas face à la crise

Publié le 20/11/2020




L’Inde est durement frappée par la crise sanitaire et par les conséquences économiques d’un confinement très strict. Deuxième pays le plus touché après les États-Unis, l’Inde recense aujourd’hui plus de 8,9 millions d’infections enregistrées dont près de 130 000 décès. Face à la crise, Caritas Inde a apporté une réponse humanitaire de grande ampleur dès le mois de mars. D’après un rapport intitulé « Nouveaux espoirs, nouveaux horizons : la réponse de l’Église catholique face au coronavirus en Inde », l’organisation catholique avait apporté son soutien, fin août, à plus de 22 millions d’Indiens.

Le 16 mai 2020, sur le chemin du retour, des travailleurs migrants de l’État de Bihar patientent à Ghazipur, à la frontière entre Delhi et l’Uttar Pradesh.

L’un des principaux atouts de Caritas consiste en un large réseau déployé à travers l’Inde, avec plus de 107 151 volontaires présents sur le terrain, dans 174 diocèses et avec de nombreuses organisations partenaires. Dans le contexte de la pandémie, Caritas s’est appuyé sur cette structure déjà en place, et des efforts ont été réalisés pour développer la communication sur les réseaux sociaux et les plateformes en ligne. « C’est ainsi que nous avons pu toucher un très grand nombre de personnes », souligne le père Paul Moonjely, directeur de Caritas Inde, joint par téléphone à New Delhi. « Car dans un premier temps, nous avons opté pour une importante campagne de sensibilisation. » L’information a été l’un des axes privilégiés par Caritas dans sa lutte contre le Covid-19, l’organisation mettant également en avant la formation, la prudence, la compassion et le courage.

« Très vite, nous avons tenté de faire face à la crise des migrants, qui a touché de plein fouet 40 millions d’Indiens », poursuit le directeur de Caritas. Avec un confinement imposé sans préavis le 25 mars en Inde, des millions de travailleurs migrants ont été soudainement pris au piège dans les grandes villes où ils viennent travailler plusieurs mois par an. Originaires des campagnes, ces ouvriers journaliers, petits artisans ou manutentionnaires, se sont retrouvés sans emploi, sans soutien et sans ressources, alors que le pays était à l’arrêt. Ils ont vécu plusieurs semaines traumatisantes, n’ayant souvent rien à manger, avant de prendre la route par millions pour rentrer dans leurs villages, dans un gigantesque exode.

1,4 million de migrants accompagnés

Face au sort dramatique de ces migrants, les actions de Caritas ont été optimisées par une mobilisation sans précédent. « Nous avons collaboré tous ensemble », raconte le père Paul Moonjely, qui rappelle avoir alors participé à une conversation téléphonique avec le Premier ministre de l’Inde, Narendra Modi. « Nous avons tenu des réunions à haut niveau avec le cardinal Oswald Gracias, président de la Conférence épiscopale indienne [CBCI] et avec tous les représentants de l’Église. Nous avons disséminé nos stratégies grâce à nos nombreux partenaires et à la Conference of Religious India [CRI, qui rassemble plus de 115 000 représentants religieux en Inde]. » Dans l’urgence, Caritas a assisté 1,4 million de migrants à travers les différents États de l’Inde. « Nous leur avons apporté de la nourriture et un toit », explique le père Paul Moonjely. « Comme toutes nos églises sont fermées en raison de la crise sanitaire, nous avons notamment mis à disposition nos institutions éducatives pour accueillir cette population en détresse et leur préparer des repas dans nos cuisines. »

Depuis, les migrants sont rentrés dans leurs villages et certains sont revenus travailler dans les grandes villes. Caritas a décidé de continuer à épauler cette population fragilisée et appauvrie. « Nous avons souhaité agir sur le long terme », confie le père Paul Moonjely. « Nous avons donné aux migrants des opportunités d’emplois temporaires, et nous leur avons aussi versé des petites sommes d’argent, sur des périodes allant jusqu’à six mois, pour les aider à redémarrer. Grâce aux études que nous avons menées, nous avons lancé le programme MRC, qui signifie ‘Amis des migrants’. Il s’agit de soutenir ces familles dans leurs États respectifs, pour les accompagner dans de nombreuses démarches : obtention de droits, d’assurances et de protections, accès à l’éducation et à des services de santé. Nous avons déjà ouvert trois centres au Kerala et nous prévoyons d’en ouvrir quinze autres à travers l’Inde. »

9 millions de rations alimentaires

En tout, 3,12 millions d’Indiens ont été nourris grâce aux cuisines mises en place par Caritas et 9,7 millions d’autres ont reçu des rations alimentaires. Pour lutter contre le coronavirus, Caritas a mis l’accent sur l’information et la formation au sein des communautés, au niveau de la santé et des mesures de protection. Près de 5,5 millions de masques ont été distribués, ainsi que des équipements de protection individuelle (EPI) et du gel hydroalcoolique. « La santé des communautés est l’un de nos points forts, grâce aux campagnes que nous menons habituellement contre le cancer, par exemple », rappelle le directeur de la Caritas indienne. Dans ce travail de terrain, de nombreux religieux et volontaires de Caritas ont été infectés par le coronavirus.

Dans ce contexte difficile, l’organisation catholique a tenté de ne pas mettre à l’arrêt les autres programmes en cours. « En dehors de la crise du coronavirus, nous avons essayé de continuer de maintenir notre aide aux petits paysans. Nous faisons du mieux que nous pouvons, compte tenu des limitations imposées par la pandémie. Aujourd’hui, il y a un semblant de retour à la vie normale dans nos engagements auprès des communautés », assure le prêtre. Le 2 octobre dernier, le père Paul Moonjely a reçu du ministre de la santé, Harsh Vardhan, une récompense pour saluer le travail exceptionnel mené par Caritas dans sa lutte contre la pandémie en Inde. Avec le recul, le religieux rend quant à lui hommage à « la très belle énergie de solidarité » qui s’est manifestée à travers cette expérience. Il privilégie un discours d’unité. « Dans le pays, les représentants de toutes les religions ont fait passer le message à la population de se montrer responsable face au coronavirus. À ce jour, aucun d’entre nous n’a le droit de célébrer dans nos lieux de culte. Le plus important est d’avoir réussi à gérer cette crise. Les organisations humanitaires, la société civile, et même l’administration à différents niveaux, ont fait de leur mieux. Ce qui s’est passé était sans précédent. »

(EDA / A. R.)


CRÉDITS

Bijay Kumar Minj / Ucanews