Eglises d'Asie – Inde
L’Église demande aux partis de défendre les droits des Dalits chrétiens
Publié le 06/03/2019
Alors que l’Inde est plongée en pleine campagne électorale, des représentants de l’Église catholique demandent aux partis politiques de militer pour conférer le statut de Scheduled Cast (SC, Caste répertoriée) aux Dalits chrétiens et musulmans. L’obtention d’un tel statut permettrait à ces populations au plus bas de l’échelle sociale d’avoir accès, à l’instar des Dalits hindous, à un nombre de sièges et d’emplois réservés au sein de la fonction publique. Le Bureau des Dalits et des castes défavorisées (Office for Dalits and Disadvantaged Castes), qui fait partie de la Conférence des évêques catholiques d’Inde (Catholic Bishops Conference of India, CBCI), en appelle ainsi à l’inclusion des Dalits chrétiens et musulmans. « Pour nous, c’est un moment crucial pour obtenir les mêmes droits politiques et légaux que les autres, a déclaré Mgr Theodore Mascarenhas, secrétaire général de la CBCI. Nous ne pouvons pas laisser passer cela. »
En effet, les Dalits (autrefois nommés « intouchables ») convertis au christianisme et à l’islam ne sont pas identifiés en castes répertoriées. Ces derniers ne bénéficient donc pas des « réserves » de sièges et d’emplois liés à ce statut. L’Église a toujours protesté contre cette forme de discrimination et invoque la nécessité d’une égalité pour tous les individus de la société. « Dans un pays démocratique, les gens sont discriminés sur les bases de la religion, a dénoncé Mgr Sarat Chandra Nayak, président du Bureau des Dalits et des castes défavorisées. Les droits constitutionnels ne sont pas respectés. Deux minorités, les chrétiens et les musulmans, sont devenues des exclues du développement social, politique et économique. » En Inde, les « hors castes » sont appelés aujourd’hui les « Dalits », un terme qui signifie « opprimés ». Ils représentent plus de 200 millions de personnes. Issus de l’ancienne tradition hindoue des castes et de ses hiérarchies sociales complexes, les Dalits continuent de faire face à de lourdes discriminations économiques et sociales. Au fil des siècles, certains se sont convertis à d’autres religions, notamment pour tenter d’échapper à leur condition. Mais en devenant musulmans ou chrétiens, ils n’ont en réalité jamais pu abandonner leur statut de naissance. Si l’Église indienne ne reconnaît pas les castes, les inégalités se reproduisent au sein de la communauté.
Les colons britanniques ont longtemps tiré parti de l’organisation sociale des castes mais, à partir de 1935, ils ont octroyé aux Dalits un quota d’emplois et de sièges. Plus tard, dans l’Inde indépendante, la Constitution de 1950 a imposé l’égalité des citoyens : la notion d’ « intouchabilité » a été abolie par l’article 17, et toutes les discriminations basées sur la religion, la caste, le sexe ou le lieu de naissance ont été interdites par l’article 15. C’est ainsi que s’est mise en place l’obligation de l’État de garantir des avantages aux communautés les plus démunies, à commencer par les Dalits hindous et les populations aborigènes. L’Inde a alors installé un système de « quotas », une discrimination positive qui réserve d’office aux Dalits hindous des emplois et des sièges au sein de l’administration et de l’éducation. Ce système, qui devait expirer après vingt ans de mise en place, continue d’exister avec des ajouts et des évolutions. Sous le gouvernement actuel du Premier ministre nationaliste hindou, Narendra Modi, la décision récente d’ouvrir les quotas sur des bases économiques à des sections pauvres des hautes castes hindoues a suscité de nombreuses protestations, et le débat sur les « réserves » et la question de leur instrumentalisation politique resurgit.
(EDA / Vanessa Dougnac)
CRÉDITS
Indian bishops’ Commission for Dalits and Indigenous People