Eglises d'Asie

L’enseignement catholique indonésien contre le harcèlement scolaire

Publié le 26/04/2019




En avril, une affaire de harcèlement et de violence à l’école a mis en évidence un problème largement répandu en Indonésie. Selon l’Unicef, un jeune sur cinq âgé entre treize et quinze ans, soit environ 18 millions d’Indonésiens, est victime de violences verbales ou d’insultes raciales ; et un jeune sur trois a subi des violences physiques. Les établissements catholiques semblent faire figure d’exception dans le pays. Pour le père Vinsensius Darmin Mbula, président de l’enseignement catholique indonésien (MNPK), l’éducation ne doit pas reposer uniquement sur le système scolaire, beaucoup d’élèves coupables de harcèlement venant de familles en difficulté.

Le harcèlement et les châtiments corporels, en particulier à l’école, ont fait la une des médias indonésiens ce mois-ci, après une affaire de harcèlement concernant une élève de quatorze ans, devenue virale. Cette adolescente de Pontianak, dans la province du Kalimantan occidental, a été battue tellement fort par plusieurs filles plus âgées de son école qu’elle a passée deux semaines à l’hôpital, aux soins intensifs. Son « crime » était d’avoir publié des commentaires sur les réseaux sociaux à propos d’une dispute amoureuse concernant l’une des filles coupables. La nouvelle de l’affaire a circulé rapidement sur les réseaux sociaux quand sa famille a porté plainte auprès de la police, provoquant l’indignation du public. À ce jour, presque quatre millions d’Indonésiens ont signé une pétition en ligne afin de demander que les coupables soient poursuivies en justice, et qu’elles ne bénéficient pas d’une résolution extrajudiciaire. C’est la gravité de l’affaire qui l’a fait sortir du lot, mais elle a mis en évidence un problème majeur qui continue de sévir dans le pays. Selon les organisations de protection de l’enfance, dont l’ONU, le harcèlement à l’école est fréquent en Indonésie. Selon l’Unicef, plus d’un enfant sur cinq entre 13 et 15 ans – soit environ 18 millions d’enfants concernés – ont subi des violences telles que des insultes raciales ou des remarques méprisantes sur leur apparence, tandis qu’un enfant sur trois a subi des attaques physiques.

« Le nombre de cas de harcèlement à l’école est très élevé en Indonésie. Il s’agit aussi bien d’attaques verbales et physiques que du harcèlement virtuel », explique Retno Listyarti, commissaire à l’éducation pour la Commission indonésienne pour la protection de l’enfance. « Cependant, la plupart des cas sont liés au cyberharcèlement. » Une étude conduite par Triantoro Safaria, doctorant à l’université Ahmad Dahlan de Yogyakarta, montre que 89 % des élèves des 102 lycées de la ville ont subi une forme de cyberharcèlement au moins une fois. « Les conséquences du harcèlement à l’école sur les enfants, en particulier en ligne, sont très graves. C’est une atteinte à la vie privée qui marque la croissance psychologique des enfants. Cela risque d’entraîner des désirs de vengeance, ce qui peut conduire à la violence, avec un sentiment d’isolement voire des comportements suicidaires », confie Retno Listyarti. En 2015, Khofifah Indar Parawansa, alors ministre des Affaires sociales, avait déclaré que 40 % des suicides chez les enfants résultaient du harcèlement scolaire.

Responsabilité familiale

Le Conseil national de l’enseignement catholique (MNPK), basé à Jakarta, estime que les problèmes de harcèlement sont également liés aux méthodes éducatives. « Beaucoup d’écoles se concentrent uniquement sur la réussite scolaire des élèves, en négligeant le développement d’aptitudes sociales comme la communication et le respect de l’autre », confie le président du MNPK, le père Vinsensius Darmin Mbula. « Les enseignants doivent créer un climat favorable pour les élèves. Ils doivent être affables et prêts à écouter leurs élèves, en évitant de s’en prendre à ceux qu’ils n’apprécient pas », insiste le prêtre franciscain. Les établissements catholiques ont tendance à être une exception dans le pays, l’enseignement catholique mettant l’accent sur l’estime de soi et le respect mutuel, ajoute-t-il. Récemment, 73 écoles catholiques ont rédigé ensemble un livre intitulé « Protocole pour la protection de l’enfance », qui expose quelques recommandations invitant les enseignants à protéger les élèves vulnérables et à lutter contre le harcèlement scolaire. « Nous voulons mettre ce protocole en pratique dans toutes les écoles et dans toutes les activités scolaires », explique Frans Wahyu Prihono, directeur du Lycée Strada St. Anna, à Jakarta. Brigitta Valentina Jessica, qui étudie au lycée Fons Vitae, une école catholique de Jakarta, assure que c’est une attitude qui marche. « Je n’ai jamais constaté aucun harcèlement dans mon école. Les enseignants interviennent chaque fois qu’un élève se comporte mal. Leurs parents sont également invités au lycée pour qu’ils puissent intervenir à la maison », explique-t-elle.

L’éducation ne doit pas reposer uniquement sur le système scolaire, selon le père Mbula. Les parents ont une responsabilité essentielle pour assurer que leurs enfants échangent avec les autres de façon équilibrée. Si les parents élèvent leurs enfants de façon violente, ceux-ci ont tendance à faire de même avec les autres, ajoute le prêtre. « Ça commence à la maison, beaucoup d’enfants qui ont des problèmes de comportement viennent de familles en difficulté. » Une vision partagée par le ministère de l’Éducation et de la Culture. Le premier quotidien du pays, Kompas, a cité récemment Arie Budiman, du ministère indonésien, pour qui l’affaire récente d’une élève de 14 ans victime de harcèlement ne serait pas arrivée si l’établissement scolaire et les familles des élèves coupables les avaient mieux accompagnées. Pour Bonifasius Riwu, père catholique de deux enfants, il est évident de parler à ses enfants de respect mutuel, c’est comme une seconde nature. « Je ne m’en laisse jamais », insiste-t-il.

(Avec Ucanews, Jakarta)


CRÉDITS

Women’s Empowerment and Child Protection Ministry / Ucanews