Des enquêtes policières ont été menées par le Département d’investigation criminelle (CID) de l’État du Jharkhand, dans l’est de l’Inde, contre 88 organisations religieuses. Les autorités affirment avoir constaté des irrégularités et accusent ces organisations de détourner des dons étrangers pour prosélytisme. Mais pour les évêques, qui protestent et maintiennent que les accusations sont sans fondement, il s’agit d’une manœuvre politique pour s’attirer les votes des hindous avant les élections de 2019, ajoutant qu’aucune preuve ni chiffres n’ont été avancés.
Les autorités de l’État de Jharkhand, dans l’est du pays, ont lancé une enquête auprès de 80 institutions chrétiennes. Elles appellent également à mener une enquête à l’échelle nationale sur les détournements de dons. Pour les chrétiens, il s’agit d’une manœuvre destinée à les présenter comme des hors-la-loi. Le Département d’investigation criminelle (CID) a en effet recommandé au Bureau national d’investigation (CBI) de mener une enquête, a rapporté le quotidien local hindi Prabhat Kabar dans son édition du 17 octobre. Depuis juillet, l’État a enquêté auprès de 88 organisations chrétiennes, dont certaines qui sont dirigées par des diocèses catholiques ou des organisations religieuses telles que les jésuites, les salésiens et plusieurs communautés religieuses féminines. Celles-ci sont accusées de détourner des dons étrangers afin de favoriser les conversions. Un cadre du CID a affirmé, dans un rapport au chef de la police de l’État, qu’il a constaté des irrégularités dans les transactions financières de ces institutions et qu’il recommandait une enquête fédérale.
La CID affirme, au sujet de dix de ces organisations, avoir repéré des « transactions financières douteuses » concernant des millions de roupies. Le département d’investigation soutient également que des dons sont utilisés illégalement pour la promotion d’activités religieuses ainsi que pour l’envoi de fausses informations au gouvernement, affirme le Prabhat Kabar. Selon la loi indienne, les dons étrangers doivent être reçus par le biais d’un système contrôlé par le gouvernement et pour des fins précises. Selon la loi, les rapports d’audit doivent également être remis au gouvernement chaque année. Toutefois, Mgr Theodore Mascarenhas, secrétaire général de la conférence épiscopale indienne, assure que ces organisations chrétiennes appliquent la loi scrupuleusement, et que le fait de recommander une enquête fédérale relevait clairement de la persécution.
Une manœuvre politique, pour les évêques
Mgr Mascarenhas confie que les autorités de l’État, dirigé par le BJP pro hindou (Bharatiya Janata Party) au pouvoir, visent les chrétiens pour leur travail auprès des couches les plus faibles de la société. L’évêque accuse le BJP de soutenir l’idéologie de la domination d’une caste hindoue supérieure, et d’essayer de réprimer les minorités comme les Dalits (intouchables) et les populations tribales. La commission régionale des évêques du Jharkhand a également protesté contre le gouvernement, affirmant que les accusations de détournement de dons pour prosélytisme sont sans fondement. Les évêques demandent au gouvernement de fournir des preuves pour appuyer ses accusations. « Nous sommes accusés mais sans aucune preuve ni chiffre à l’appui », dénonce Mgr Felix Toppo, l’archevêque de Ranchi, la capitale de l’État. Il affirme que les enquêtes sont également destinées à « diffamer et salir » les organisations chrétiennes et à éloigner les gens. Les évêques affirment que le gouvernement et les groupes hindous extrémistes visent les chrétiens pour s’autoproclamer comme les champions des intérêts hindous et s’attirer les votes des hindous en prévision des élections nationales et régionales de 2019.
Les violences contre les chrétiens ont augmenté depuis que le BJP est arrivé au pouvoir en 2014. Des groupes hindous, avec le soutien implicite des autorités, redoublent leurs actions afin de faire de l’Inde un pays dominé par les hindous, assurent les évêques indiens. Les populations tribales représentent 16 % des 32 millions d’habitants du Jharkhand. L’État compte un million de chrétiens, soit 4,3 % de la population. La présence chrétienne y est presque deux fois plus forte que dans tout le pays, qui compte environ 2,3 % de chrétiens.
(Avec Ucanews, Bhopal)
CRÉDITS
Photo IANS