Eglises d'Asie

Les Dalits et les populations indigènes manifestent pour leurs terres

Publié le 08/03/2019




Le 5 mars, des centaines de Dalits et de membres des tribus indigènes ont manifesté contre une décision de la Cour Suprême indienne, qui menace de chasser des millions d’entre eux de leurs terres d’origines. Les militants ont bloqué des voies ferrées et des routes dans plusieurs villes à travers le pays, en dénonçant l’incapacité du gouvernement fédéral à rejeter la décision de la Cour Suprême. Les manifestants, ainsi que plusieurs partis politiques de l’opposition, demandent au gouvernement de publier un décret afin de protéger les droits des populations indigènes sur leurs terres.

Dans l’État de Bihar, dans le nord-est de l’Inde, où beaucoup de groupes Dalits (anciennement « intouchables ») ont participé aux manifestations du 5 mars, plusieurs affrontements ont eu lieu avec la police, dans quatre lieux différents. Les communautés Dalits et les groupes indigènes ont affirmé qu’ils continueraient la lutte jusqu’à ce que les droits soient sauvegardés. Les tensions remontent à une décision de la Cour Suprême annoncée le 13 février, demandant à 21 États d’expulser les populations habitant sur des terres forestières, et dont la demande de droits territoriaux a été rejetée dans le cadre d’une loi votée en 2006. Le 28 février, suite à un appel du gouvernement fédéral, la Cour Suprême a reporté sa décision jusqu’à une audience qui doit avoir lieu en juillet. Les chefs des tribus indigènes estiment que près de 25 % de la population indigène du pays – qui représente 104 millions d’habitants – risquent d’être chassés de leurs terres. La loi de 2006 devait permettre de donner des droits et des titres fonciers aux populations tribales et aux communautés habitant sur les terres forestières, selon Prabhakar Tirkey, chef indigène et président national du Forum chrétien Rashtriya Isai Mahasangh.

Mais les autorités ont rejeté les demandes des communautés indigènes pour des raisons peu convaincantes, affirme Prabhakar Tirkey, qui estime qu’il s’agit d’un plan destiné à saisir les terres forestières et à les donner à des groupes industriels. « C’est un complot pour chasser les communautés indigènes. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous battre jusqu’à ce que nos droits soient protégés. » Les chefs tribaux comme Prabhakar estiment que le gouvernement fédéral est intervenu cette fois-ci, afin d’éviter de s’aliéner les populations indigènes avant les élections générales. Mais dès que les élections seront passées en mai, ajoute-t-il, la Cour Suprême peut très bien passer son ordre d’expulsion lors de son audience de juillet. Prabhakar ajoute que si le gouvernement fédéral « veut vraiment aider » les populations indigènes, il doit voter une nouvelle loi lors d’une session spéciale au Parlement ou promulguer un nouveau décret contre la décision de la Cour, parce que « c’est un grave problème qui affecte des millions de personnes ».

L’Église soutien les communautés indigènes

Des groupes d’Église ont apporté leur soutien aux manifestants, alors que de nombreux chrétiens des États du centre et du nord de l’Inde sont originaires de ces communautés. « L’Église catholique est aux côtés des populations indigènes pour toutes leurs demandes légitimes », a déclaré Mgr Theodore Mascarenhas, secrétaire général de la conférence des évêques de l’Inde. Ils ne peuvent pas vivre en sachant qu’ils peuvent être expulsés de leurs terres d’origine à tout moment, a dénoncé Mgr Mascarenhas, ajoutant que cette incertitude face à l’avenir ne peut que conduire au chaos et à la peur. De son côté, Mgr Leo Cornelio, archevêque de Bhopal dans l’État de Madhya Pradesh, a déclaré que la décision de la Cour Suprême « n’a pas su voir la réalité de la vie des indigènes. Le gouvernement doit changer la loi pour les autoriser à vivre sur leurs terres ». Mgr Cornelio affirme que les populations indigènes ne sont pas une menace pour la vie sauvage et pour les ressources forestières, parce qu’ils font partie intégrante de cet équilibre depuis des siècles. « Aucun gouvernement ne peut se permettre de chasser des millions de personnes de leurs terres », poursuit-il. Près de 30 % des 29 millions de chrétiens que compte l’Inde font partie de ces communautés, qui vivent pour la plupart dans le nord et le nord-est du pays. Dans les États tels que Jharkhand, Bihar et Madhya Pradesh, près de la moitié des chrétiens en font partie. Plusieurs personnalités politiques ont accordé leur soutien aux manifestants, dont le dirigeant du parti d’opposition du Congrès, Rahul Gandhi. Ce dernier accuse le Premier ministre Narendra Modi de les avoir poussés à agir. « Nos frères et sœurs indigènes et Dalits sont en détresse. Il y a eu des attaques répétées contre leurs droits sur leurs terres. Ils sont en détresse alors que leurs droits leur sont confisqués et que des dispositions constitutionnelles sont manipulées », a écrit Rahul Gandhi.

(Avec Ucanews, New Delhi)


CRÉDITS

Ians