Eglises d'Asie

Les évêques indiens publient une nouvelle étude sur la situation des travailleurs migrants indigènes

Publié le 30/03/2021




La Commission épiscopale pour les migrants et la WIF (Workers India Federation), deux organisations de la Conférence épiscopale indienne (CCBI), ont publié les résultats d’une nouvelle étude sur les travailleurs migrants internes de New Delhi, la capitale indienne. L’étude a été lancée pour « mieux comprendre les différents facteurs derrière les migrations et les divers problèmes rencontrés par ces travailleurs migrants, et pour analyser le système d’aide des organisations gouvernementales et des ONG », explique le père Jaison Vadassery, secrétaire de la Commission pour les migrants de la CCBI.

En 2019, des travailleurs migrants de Delhi rentrent chez eux pour la fête hindoue de Chhat Puja. Selon une étude lancée par les évêques indiens, la majorité d’entre eux ont été lourdement affectés par la pandémie.

Une nouvelle étude, lancée par les évêques catholiques indiens, révèle la triste réalité vécue par de nombreux travailleurs migrants internes de la capitale indienne, New Delhi, où nombre d’entre eux souffrent d’une pauvreté endémique et de bas salaires, en l’absence de cadres de travail sécurisés et de véritable protection socio-économique. L’étude, intitulée « Les migrants indigènes de Delhi : une analyse pré-Covid et post-Covid », a été lancée en partenariat par la Commission pour les migrants et par la WIF (Workers India Federation), deux branches dépendant de la Conférence épiscopale indienne (CCBI). Les résultats de l’étude ont été publiés ce mois-ci. Menée par Lata Jayaraj, une chercheuse indienne, l’étude porte sur les migrants issus des communautés indigènes résidant dans les États voisins de Delhi. Elle analyse les différents facteurs contradictoires et les contraintes socio-économiques affectant les migrants, à la fois confrontés dans les situations pré-Covid et post-Covid.

« Cette étude a été lancée dans le but de mieux comprendre les différents facteurs derrière les migrations et les divers problèmes rencontrés par ces travailleurs migrants, et aussi pour analyser le système d’aide des organisations gouvernementales et des ONG », explique le père Jaison Vadassery, secrétaire de la Commission pour les migrants de la CCBI. Le prêtre note que l’étude recommande au gouvernement et aux ONG de choisir une stratégie multidimensionnelle dans leurs aides auprès des travailleurs migrants les plus démunis et vulnérables, afin de mieux les aider à dépasser leur condition misérable. L’étude s’est concentrée sur les migrants indigènes travaillant à Delhi dans le secteur du bâtiment. Près de 45 répondants mixtes ont été interrogés de manière approfondie, notamment à travers des études de cas et des groupes de discussion.

Illettrisme et précarité

Près de 91 % des répondants à l’étude ont moins de 50 ans, et seulement 8,8 % ont plus de 50 ans. Le secteur du bâtiment à Delhi est majoritairement masculin, les hommes représentant 93,3 % des interrogés. La majorité d’entre eux sont également hindous. Près de 51 % d’entre eux sont originaires du Rajasthan, 16 % viennent du Bengale occidental, et 9 % sont des États d’Assam, du Jharkhand et du Madhya Pradesh. L’étude fait directement le lien entre leur niveau d’éducation, leur précarité, leur statut de migrants et leur bas salaire. La majorité des répondants, soit environ 50 %, sont illettrés, et 28,8 % sont partiellement illettrés et ont seulement étudié jusqu’au niveau primaire. Seuls 17,7 % d’entre eux ont étudié au-delà de la fin du primaire. Le secteur du bâtiment à New Delhi, la capitale indienne, les a attirés en raison des nombreux projets infrastructurels et des nombreux bâtiments résidentiels et commerciaux. Près de 44 % d’entre eux ont évoqué le manque d’éducation comme la raison principale derrière le choix du secteur du bâtiment ; 36 % ont également cité la pauvreté, et 29 % ont parlé d’autres raisons.

Travail informel prédominant

Près de 76 % des interrogés ont des emplois à temps plein, les autres travaillent à mi-temps. La plupart d’entre eux sont des travailleurs non qualifiés et ne bénéficient pas de système de paiement spécifique – ils sont payés de manière journalière, hebdomadaire, bimensuelle ou mensuelle. En moyenne, ils gagnent 279 roupies indiennes (3,26 euros) par jour, soit un salaire inférieur au salaire minimum légal entre 368 et 407 roupies (entre 4,30 et 4,76 euros). Seuls 20 % d’entre eux sont payés de manière régulière, et la plupart subissent régulièrement des retards de versement de leur salaire. Tous les répondants vivent dans des logements à bas coûts. Bien que la majorité d’entre eux aient des maisons dans leur village d’origine, celles-ci sont souvent en mauvaises conditions, et certaines de ces maisons sont des huttes. Environ 37 % des répondants ne possèdent pas de maison. Aucun des répondants n’a reçu de formation avant de commencer à travailler. Ils n’ont pas non plus de contrat de travail, ni d’avantages sociaux ou médicaux.

Près de 9 millions de migrants internes par an

Sur leur lieu de travail, la plupart des répondants n’ont pas de matériel de protection comme des casques. Près de 64 % d’entre eux parviennent à faire de faibles économies sur leur salaire, et 36 % ne peuvent pas économiser du tout. La pandémie a affecté la plupart d’entre eux, alors qu’ils ont perdu leur salaire et leur emploi en raison des restrictions drastiques imposées par le gouvernement de Narendra Modi (dès le 24 mars 2020). Plusieurs millions de travailleurs migrants se sont retrouvés sans emploi, et nombre d’entre eux ont dû parcourir plusieurs centaines de kilomètres à pied pour retourner dans leur village et leur État d’origine, alors que les transports publics étaient indisponibles. Certains sont morts de faim ou à la suite d’accidents en cours de route. L’étude a constaté que de nombreux migrants indigènes interrogés ont dû quitter Delhi et retourner chez eux, où ils se sont lancés dans des activités agricoles, pour des salaires encore plus bas. Bien que le gouvernement ait fourni des aides financières et alimentaires aux communautés les plus démunies, 62 % des interrogés affirment n’avoir pas été informés de ces plans d’aide, et 37 % expliquent qu’ils ne savaient pas comment en bénéficier. En Inde, sur plus d’1,3 milliard d’habitants, on compte environ 9 millions de personnes qui migrent chaque année d’un État à l’autre, pour des raisons socio-économiques (selon l’enquête économique annuelle du gouvernement indien pour l’année 2016-2017).

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Bijay Kumar Minj / Ucanews