Eglises d'Asie

Les fêtes chrétiennes balinaises marquées par l’inculturation

Publié le 24/12/2022




À Bali, dans une région majoritairement hindouiste, les communautés catholiques locales, qui comptent près de 35 000 fidèles, empruntent différentes traditions héritées de leurs ancêtres convertis comme les « penjors », de longues pièces de bambou ornée de différentes décorations comme des feuilles de palmiers. Ces ornements sont souvent utilisés comme arbres de Noël et placés devant les maisons et les églises, comme devant la paroisse de la Sainte-Trinité de Tuka, située à 15 km de Denpasar, la capitale de la province de Bali.

Des penjors installés devant la paroisse de la Sainte-Trinité de Tuka, la première église de Bali.

Chaque année, en guise de sapin de Noël, Yohanes Wayan Puniaste installe devant chez lui un penjor, un long bambou orné de feuilles de palmiers et autres décorations. « Nous le mettons le 24 décembre au matin en général. Nous l’installons toujours avec des bannières colorées qui viennent égayer la fête de Noël », explique-t-il. Yohanes, âgé de 64 ans, ajoute que ses parents, des paroissiens convertis de l’église du Sacré-Cœur de Palasari, ont adopté cette pratique plutôt que les sapins occidentaux.

Le quartier de la paroisse, situé à près de 15 km de Denpasar, capitale de la province de Bali, compte 99 % de catholiques. « Ici, toutes les maisons accrochent des penjors. C’est de cette façon que les Balinais célèbrent noël. » Outre la communauté de Palasari, qui compte trois hameaux, cette tradition est suivie par plusieurs autres paroisses majoritairement balinaises comme l’église de la Sainte-Trinité de Tuka, l’église du Saint-Esprit de Babakan, l’église Saint-Paul de Kulibul et l’église de la Bienheureuse Vierge Marie de Gumrih. Les penjors sont alignés gracieusement le long des routes, près des églises et des maisons des paroissiens.

Le père Alfonsius Kolo, curé de la paroisse Saint-Sylvestre de Pecatu, à Denpasar, confie que ses paroissiens utilisent aussi des penjors pour décorer l’intérieur de l’église. Il s’agit d’un héritage de la culture balinaise enracinée dans l’hindouisme, une religion suivie par près de 86,8 % de la population de Bali (qui compte 4,27 millions d’habitants). Les penjors, ornements traditionnels de la fête balinaise hindouiste de Galungan (célébrée tous les 210 jours), sont aussi utilisés durant d’autres événements majeurs pour décorer les rues de Bali, y compris durant le sommet du G20 le mois dernier.

Une pratique héritée de l’hindouisme local

I Gusti Ngurah Bagus Kumara, un paroissien de Tuka qui étudie l’inculturation dans l’Église catholique à Bali, explique que les penjors, dans leur forme d’origine, sont faits d’une seule pièce de bambou décorée de différents ornements représentants les dragons mythologiques hindouistes, Naga Bang Basuki et Naga Ananta Boga. Il précise que leurs ancêtres hindous plaçaient toujours des penjors durant pânampahan, le jour précédant la fête de Galungan.

C’est pourquoi, poursuit-il, ils n’ont pas abandonné cette pratique en rejoignant le catholicisme, tout en « adaptant cette noble tradition à leur vie de foi, avec bien sûr plusieurs ajustements ». Il souligne cependant que les penjors ont la même signification et la même structure que ceux utilisés par les hindous. « Mais pour les catholiques, il n’y a plus de dragon représenté. »

Il précise que ce ne sont plus exactement des penjors mais des pepenjorans (des ornements similaires aux penjors). Il ajoute qu’ils deviennent plutôt des simples décorations qui sont même parfois placées devant les bâtiments publics, les hôtels et les boutiques, même s’il assure que les catholiques balinais restent toujours attachés à leur valeur symbolique.

« Catholique, cela veut dire universel. Nous sommes toujours Balinais »

À Bali, les catholiques sont environ 35 000 et vivement majoritairement dans le diocèse de Denpasar, dont le territoire comprend la province des Petites îles de la Sonde occidentales (Nusa Tenggara Barat). Beaucoup d’entre eux sont originaires d’autres régions comme Flores ou Java.

La mission catholique de Denpasar a officiellement commencé en 1935 et deux premiers autochtones – Wayan Diboleg et I Made Bronong – du hameau de Tuka, à 15 km de Denpasar, sont devenus catholiques en mai 1936. C’est pourquoi le lieu est considéré comme le berceau du catholicisme local, jusqu’à être appelé le « Bethléem de Bali ».

I Kumara explique que depuis le début de son histoire, l’Église catholique locale a toujours essayé de préserver le caractère unique de Bali, dans l’esprit du concile Vatican II. Il ajoute que durant l’inauguration de la première église catholique de Tuka, le 14 février 1937, les catholiques balinais ont porté fièrement leurs costumes traditionnels et accroché des pepenjorans devant l’église. « Selon les archives existantes, il y a même eu des festivités durant trois jours et trois nuits avec différents événements artistiques balinais », poursuit-il.

Il ajoute qu’aujourd’hui, l’inculturation est bien présente dans les lieux de culte avec différents symboles catholiques représentés dans un style typiquement balinais, ainsi que dans la liturgie marquée par la musique et la langue locale. « Faire partie de la communauté catholique, cela ne veut pas dire que nous devons suivre les traditions d’Europe, de Flores ou d’autres nations. Catholique, cela veut dire universel. Nous sommes toujours Balinais, même si nous croyons plus en l’hindouisme. Ces valeurs héritées de nos ancêtres peuvent même renforcer les fondations de la foi catholique », assure-t-il.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

I Gusti Ngurah Bagus Kumara / Ucanews