Eglises d'Asie

Les habitants de Chennai souffrent de la sécheresse et de la pénurie d’eau dans le Tamil Nadu

Publié le 10/07/2019




La ville de Chennai, la capitale de l’État du Tamil Nadu dans le sud de l’Inde, est frappée par la sécheresse, aggravée notamment par une faible mousson et par l’urbanisation accrue de certains bassins-versants. Fin mai, les quatre principaux réservoirs d’eau potable de Chennai étaient déjà à sec, et aujourd’hui, la livraison d’un camion-citerne de 12 000 litres coûte dix fois plus cher qu’au mois de mai. Une situation qui touche tous les secteurs, à commencer par l’hôtellerie et la restauration. Selon John Arokiaraj, directeur de Caritas dans le Tamil Nadu, les classes moyennes sont celles qui sont les plus touchées par la pénurie.

Le bruit d’une fuite d’eau se fait entendre alors que le soleil de midi illumine la salle de bain d’une auberge de jeunesse de la ville de Chennai, provoquant la colère du gardien. « Combien de fois vous ai-je demandé de ne pas gâcher l’eau », s’énerve-t-il en s’adressant aux résidents, alors qu’il se presse pour fermer le robinet. « C’est assez cher comme ça », poursuit-il. L’approvisionnement en eau est extrêmement limité, et la livraison d’un camion-citerne de 12 000 litres coûte aujourd’hui 6 000 roupies (environ 78 euros), soit dix fois plus que depuis le mois de mai. Chennai, la capitale de l’État du Tamil Nadu qui compte une population de 9 millions d’habitants, est frappée par la sécheresse qui entraîne une crise de l’eau. Les points d’eaux publics sont désormais asséchés. La plupart des membres des classes moyennes ou défavorisées font la queue tous les jours en attendant l’arrivée des camions-citernes, pour pouvoir remplir quelques bidons, à peine suffisants pour la boire, cuisiner et se laver. Richard Cliff Lynrah, un jeune graphiste, affirme qu’il lui faut payer entre 35 et 52 roupies (entre 50 et 60 centimes d’euro) pour un bidon de vingt litres d’eau potable. « Ma mère me disait que la prochaine guerre serait due à l’eau potable », ajoute-t-il. « Mais je ne pensais pas que je devrai me battre pour pouvoir prendre une douche. » Le prix de l’eau potable vendue dans les boutiques en bord de route a plus que doublé, et s’élève aujourd’hui à 25 roupies (33 centimes d’euro) pour une bouteille d’un litre, de nombreux commerces étant accusés de profiter de la situation.

40 % des eaux souterraines impropres à la consommation

Les quatre principaux réservoirs d’eau potable de Chennai étaient à sec dès la fin du mois de mai, alors que l’État du Tamil Nadu, dans le sud du pays, a connu 41 % de précipitations en moins par rapport à l’année précédente. Une faible mousson, un dessablage insuffisant et l’urbanisation accrue de certains bassins-versants ont contribué à la crise actuelle, selon les médias locaux. Un professeur d’une université jésuite de la ville, qui préfère rester anonyme, se plaint d’une « situation déplorable », face à des bâtiments qui sont construits sur le fleuve Cooum, qui traverse Chennai et qui se jette dans le golfe du Bengale. John Arokiaraj, coordinateur de Caritas India pour l’État du Tamil Nadu, confie que plus de 40 % des eaux souterraines de Chennai sont impropres à la consommation. Il ajoute que Caritas a lancé plusieurs projets dans la région afin de promouvoir la conservation de l’eau et la collecte de l’eau de pluie. La pénurie d’eau affecte presque tout à Chennai. Par exemple, plusieurs hôtels de taille moyenne ont été fermés temporairement. Beaucoup de restaurants, dans une ville où les plats végétariens sont courants, ont augmenté leurs prix à cause de la montée des prix des légumes, suite à la sécheresse. Même les feuilles de bananier, qui sont souvent utilisées pour servir les plats à base de riz, sont plus chères.

Jyoti Sharma, membre d’une ONG qui agit localement contre la crise de l’eau, explique que la distribution de l’eau à Chennai est inégale depuis longtemps, parce que certains peuvent supporter la montée des prix tandis que d’autres ne peuvent pas suivre. Mais il ajoute que s’il n’y avait plus d’eau du tout, « même les riches seraient en difficulté ». John Arokiaraj, de Caritas, affirme que c’est la classe moyenne qui souffre le plus de la situation, parce que les plus aisés peuvent s’adapter à la montée des prix, et que les plus pauvres et les habitants des bidonvilles bénéficient d’un approvisionnement de l’État, qui leur fournit une distribution d’eau potable – de moindre qualité. « Les classes moyennes n’ont pas assez de moyens pour suivre financièrement, mais elles ne sont pas non plus suffisamment pauvres pour être une priorité aux yeux du gouvernement. » K. Palaniswami, ministre en chef de l’État du Tamil Nadu, a déclaré la semaine dernière que la situation était sous contrôle, affirmant que la pénurie n’est qu’une « illusion » inventée par les médias. La première réaction des autorités locales a été de transporter de l’eau potable par voie ferrée depuis les districts voisins, et de chercher à réorganiser les systèmes de collecte de l’eau de pluie. Mais comme le signale Cliff Lynrah, les longues files qui attendent l’arrivée des camions-citernes ne diminuent pas.

(Avec Ucanews, Chennai)


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Ians