Eglises d'Asie

Les manifestations contre l’amendement de la loi sur la citoyenneté se poursuivent dans tout le pays

Publié le 19/12/2019




Depuis le 11 décembre, de nombreux manifestants protestent à travers toute l’Inde contre l’amendement de la loi sur la citoyenneté, jugé discriminatoire envers les musulmans. Le mouvement de contestation s’est intensifié avec un bilan qui s’élève à ce jour à six morts et plusieurs dizaines de blessés. En effet, l’amendement, censé faciliter l’accès à la citoyenneté pour les réfugiés d’Afghanistan, du Bangladesh et du Pakistan, exclut les migrants musulmans. Pour Mgr Thomas Menamparampil, archevêque émérite de Guwahati, dans l’État de l’Assam dans le nord-est de l’Inde, la situation a peu de chances de se calmer à court terme, malgré l’intervention de la police. Cependant, l’évêque évoque des initiatives d’étudiants assamais qui ont choisi de protester de façon plus pacifique : « Ils ont jeûné pendant une journée et ils ont organisé un programme musical pour exprimer leur colère. »

Des femmes musulmanes manifestent à New Delhi, le 16 décembre, contre l’amendement de la loi indienne sur la citoyenneté, considérée comme discriminatoire.

Mardi 17 décembre, les manifestants se sont rassemblés à Delhi pour une nouvelle journée d’opposition à l’amendement de la loi sur la citoyenneté, après déjà une semaine de manifestations. « Les manifestations menées par les étudiants dans de nombreuses universités indiquent à quel point les gens sont inquiets », a déclaré la Fraternité évangélique de l’Inde (EFI), un groupe protestant local, dans un communiqué publié le 16 décembre. Les manifestations ont éclaté le 11 décembre, à l’annonce de l’amendement, qui doit accorder la citoyenneté aux migrants illégaux venus du Bangladesh, du Pakistan et d’Afghanistan, à condition qu’ils ne soient pas musulmans. L’opposition s’est d’abord manifestée dans les États du nord-est du pays, à proximité de la frontière bangladaise où vivent près de 15 millions de migrants, avant de s’étendre à New Delhi le 15 décembre, notamment devant l’université Jamia Milia Islamia. Face aux manifestations, le gouvernement a réagi en envoyant la police et en bloquant l’accès à internet dans le Nord-Est. Les manifestations se sont intensifiées ces derniers jours avec des bus et deux véhicules de police incendiés et plusieurs dizaines de voitures détruites. La police a réagi avec des coups de matraque et du gaz lacrymogène. Plus de soixante personnes, dont des étudiants, des policiers et des pompiers, ont été blessées, et la police a été accusée d’usage excessif de la force. Des manifestations ont également été organisées dans d’autres universités de New Delhi et de Lucknow, la capitale de l’État de l’Uttar Pradesh. Des tensions ont également été rapportées dans les villes d’Hyderabad et de Chennai, dans le sud du pays, ainsi qu’à Calcutta dans le Nord-Est. Des étudiants de l’université hindoue de Banaras, à Varanasi, ont également manifesté contre la révision de la loi sur la citoyenneté et contre les violences policières. Le 16 décembre, le pasteur Vijayesh Lal, secrétaire général de la Fraternité évangélique indienne, a confié l’inquiétude de son organisation, en voyant dans le nouvel amendement une façon pour le BJP de poursuivre l’objectif d’une nation suprémaciste hindoue. Pour lui, cette décision « révèle clairement les motivations et le programme politique du BJP ». « La nation indienne est préoccupée par les terribles conséquences que cet amendement risque d’entraîner », a-t-il ajouté.

Manifestations non violentes en Assam

Le père Anthoniraj Thumma, de la fédération des Églises de Telugu, dans les États de l’Andhra Pradesh et du Telangana, a participé à une manifestation organisée à Hyderabad. Pour lui, l’amendement de la loi sur la citoyenneté « risque d’affecter les fondations et les valeurs fondatrices de l’Inde », en proposant une vision « diamétralement opposée à la philosophie séculière et à la tradition indiennes ». « L’Inde appartient à toutes les confessions, quelle que soit la religion. L’Inde doit accueillir les migrants et les réfugiés sans distinction de religion, de nationalité ou d’origine ethnique », ajoute le père Thumma. « Nous devons nous élever contre la politique du BJP qui cherche à faire de l’Inde une nation suprémaciste hindoue », insiste le prêtre. Joseph Dias, secrétaire général du CSF (Catholic secular forum), estime de son côté que « si le gouvernement veut aider ce pays à se développer et à grandir, il lui faut prendre en compte toute la population, sans discrimination contre aucune communauté ». Mgr Thomas Menamparampil, archevêque émérite de Guwahati, dans l’État de l’Assam, affirme quant à lui que des étudiants de la région ont trouvé « des idées créatives pour montrer leur opposition d’une façon plus pacifique », notamment par le jeûne et le chant. L’évêque, interviewé par téléphone, n’a pu communiquer que durant quelques minutes, les autorités locales ayant bloqué le réseau afin de garder la situation sous contrôle. Mgr Menamparampil affirme pourtant que « les tensions ont peu de chance de se calmer à court terme ». « Les musulmans se sentent contrariés par cet amendement. Par ailleurs, les Assamais estiment que si l’amendement est appliqué pleinement, ils seront réduits à l’état de minorité sur leur propre territoire », ajoute l’évêque, en évoquant la citoyenneté accordée aux migrants hindous bangladais. Sans compter que « d’autres groupes ethniques plus réduits et des communautés indigènes savent qu’elles risquent de devenir encore plus faibles face à l’arrivée et à l’essor de communautés plus fortes et plus nombreuses ».

(Avec Ucanews et Asianews, New Delhi)


CRÉDITS

Ians