Eglises d'Asie

Les minorités religieuses de l’Uttar Pradesh inquiètes du vote d’une nouvelle loi anti-conversions

Publié le 26/02/2021




Le 24 février, l’État de l’Uttar Pradesh a voté une nouvelle loi anti-conversions malgré les protestations du parti du Congrès, du parti Bahujan Samaj et du parti Samajwadi. « La Constitution indienne garantie que nous pouvons pratiquer la religion de notre choix. Voter cette loi, cela revient à contrôler la foi des gens, ce qui constitue une violation des droits de l’homme », dénonce Muhammad Arif, directeur du Centre pour l’harmonie et la paix de Varanasi. « C’est inquiétant dans la mesure où cela peut être détourné au détriment des groupes minoritaires », regrette Mgr Mathias, évêque de Lucknow.

En avril 2019, des catholiques prient dans une église de Delhi Est, le jour du Vendredi Saint.

Le 24 février, le gouvernement de l’État de l’Uttar Pradesh, dans le nord de l’Inde, a voté une loi anti-conversions – une mesure dénoncée comme passée en force et de manière frauduleuse. La loi de 2020 de l’Uttar Pradesh sur l’interdiction des conversions religieuses illégales (Uttar Pradesh Prohibition of Unlawful Conversion of Religion Bill) remplacera un décret adopté en novembre dernier. La nouvelle loi prévoit notamment une peine jusqu’à dix ans de prison et une amende maximale de 50 000 roupies (564 euros) pour les contrevenants. « Il n’y avait pas besoin d’une nouvelle loi, d’autant plus que l’État a déjà un décret concernant le contrôle des conversions religieuses. C’est inquiétant dans la mesure où cela peut être détourné par les groupes majoritaires, au nom de conversions religieuses forcées, au détriment des groupes minoritaires », regrette Mgr Gerald John Mathias, évêque de Lucknow, la capitale de l’Uttar Pradesh. « L’Église catholique indienne ne soutient et ne propage pas les conversions religieuses et ne croit aucunement en les conversions forcées ; et il n’y a aucune preuve de religions forcées liées à l’Église, où que ce soit dans mon État », assure l’évêque.

« En tant qu’Église, nous sommes engagés dans de nombreuses activités caritatives, et notre principale préoccupation, c’est qu’on peut dénoncer n’importe quoi comme une tentative de séduction. N’importe quelle activité caritative peut être dénoncée comme une tentative de conversion », poursuit Mgr Mathias. Yogi Adityanath, ministre en chef de l’Uttar Pradesh, était le fervent défenseur d’une nouvelle loi permettant de contrôler les conversions liées aux mariages interreligieux. Muhammad Arif, directeur du Centre pour l’harmonie et la paix de Varanasi, estime également qu’il n’y avait pas besoin d’une nouvelle loi. « La Constitution indienne garantie que nous pouvons pratiquer la religion de notre choix ; voter cette loi, cela revient à contrôler la foi des gens, ce qui est une violation des droits de l’homme », poursuit-il. « Le gouvernement devrait plutôt se préoccuper du chômage, de la famine, de la pauvreté et de la jeunesse. »

350 000 chrétiens 200 millions d’habitants dans l’Uttar Pradesh

Récemment, les États de l’Haryana et du Madhya Pradesh, dirigés par le BJP (Bharatiya Janata Party), le parti pro hindou, ont également voté des lois destinées à contrôler les tentatives de conversion de femmes hindoues à l’islam dans le cadre de mariages. Mais les opposants soulignent que ces lois ont aggravé les divisions communautaires et suscité la peur parmi les minorités religieuses. De son côté, la nouvelle loi votée par l’Uttar Pradesh est passée malgré les protestations exprimées par le parti du Congrès, par le parti Bahujan Samaj et par le parti Samajwadi. Sous cette nouvelle loi, un mariage sera déclaré nul et invalide s’il est célébré dans le but d’une conversion religieuse. Ceux qui veulent changer de religion après leur mariage devront déposer une demande officielle auprès des autorités de leur district.

La loi stipule également qu’aucune personne ne peut convertir ou tenter de convertir, directement ou indirectement, une personne d’une autre religion par la force, par ruse, par mariage ou par toute autre tentative de séduction ou de pression. L’Uttar Pradesh est l’État indien le plus peuplé avec presque 200 millions d’habitants. Toutefois, on n’y compte que 350 000 chrétiens, soit 0,18 % de la population. À l’échelle du pays, les chrétiens représentent environ 2,5 % de la population indienne dans son ensemble. L’Uttar Pradesh, comme le gouvernement fédéral, est dirigé par le BJP, qui reste fortement lié au mouvement RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh), une organisation nationaliste hindoue.

(Avec Ucanews, New Delhi)


CRÉDITS

Bijay Kumar Minj / Ucanews