Eglises d'Asie – Inde
Les nationalistes hindous perdent des bastions électoraux
Publié le 12/12/2018
Emmené par Rahul Gandhi, le parti d’opposition du Congrès remporte ainsi l’État du Rajasthan, le plus grand du pays, mais aussi celui du Chhattisgarh, qui était aux mains du BJP depuis quinze ans. Dans des scores très serrés, le sort du Madhya Pradesh, autre fief du BJP, bascule également dans le camp du Congrès, parti vainqueur à une poignée de sièges de la majorité absolue pour former le gouvernement provincial. Par ailleurs, et selon des dynamiques électorales différentes, les deux États du Telangana et du Mizoram échappent aux deux grands partis et reviennent à des formations régionales, rappelant le poids décisif de ces identités politiques régionales dans les élections indiennes. Mais les résultats de ce scrutin restent véritablement inattendus concernant trois États clés, qui couvrent un large territoire au cœur du sous-continent : le Rajasthan, le Chhattisgarh et le Madhya Pradesh. Ces États englobent également une large population hindoue de langue hindi, qui correspond à l’électorat historique du BJP. Dévoilant le pouls politique de la nation, ces résultats sont aussi « instructifs que surprenants », a estimé le site d’information Scroll.in.
Un espoir pour l’opposition
Le scrutin marque un tournant dans la popularité du Congrès, jusqu’alors écrasé par la domination du nationalisme hindou. Au cours de ces dernières années, le BJP avait réussi à redessiner la carte électorale de l’Inde, prenant le contrôle de près des deux tiers des États. Mardi, les partisans et sympathisants du Congrès n’ont donc pas manqué de laisser éclater leur joie et de célébrer les victoires dans les quartiers généraux de leur parti. M. Modi s’est incliné : il a concédé dans la soirée la défaite de son parti lors de ce scrutin. Assiste-t-on à la résurrection du Congrès, le grand parti traditionnel de centre-gauche? Longtemps décrié et porteur de lourdes défaites électorales passées, l’héritier de la dynastie des Nehru-Gandhi voit son image redorée à point nommé. Certains analystes estiment qu’il est parvenu à incarner un sentiment anti BJP, face à un Narendra Modi dont l’idéologie et la personnalité ont créé des clivages forts. « Toutes les forces de l’opposition vont travailler ensemble pour défendre l’Inde, nos institutions et notre démocratie », a promis Rahul Gandhi durant sa campagne, annonçant ses intentions de rassembleur en vue du scrutin prévu au printemps prochain. Son succès électoral va en effet redonner du cœur à l’ouvrage à ses militants pour les mois à venir, et lui offrira aussi une crédibilité pour négocier de futures alliances avec des partis régionaux, un temps échaudés. Le quotidien The Indian Express voit « la fin d’une éclipse et le souffle du renouveau pour les tentatives de l’opposition visant à organiser un nouveau front uni contre le BJP et ses alliés en vue des élections de 2019. »
Certes, les politologues rappellent que les votes régionaux ne présagent pas toujours les votes nationaux. Narendra Modi continue à jouir, à l’échelle du pays, de son charisme et de son image de réformateur. Mais les bulletins des immenses populations rurales de l’Inde, présentes dans les États qui viennent de rejeter le BJP, ne semblent plus lui être acquis. Les fermiers et les paysans s’inquiètent des retards pris dans les politiques liées à l’emploi et à l’agriculture. Et dans une Inde où la ruralité est un mode de vie majoritaire, leur vote reste crucial. Dans cet esprit, Rahul Gandhi a célébré « une victoire des militants du Congrès, des petits commerçants et des paysans. » Et pour le quotidien The Economic Times, « le message de ce scrutin à travers cinq États est la primauté que les gens donnent à leurs conditions de vie, privilégiant ‘l’économie’ par rapport à la ‘politique’ ». Avant la ligne droite menant aux élections générales, ce scrutin a relancé la compétition politique, qui s’était figée sous la suprématie du BJP. Les élections de 2019 s’annoncent plus dynamiques et plus disputées que prévues : un bon signe pour la démocratie indienne.
(EDA / Vanessa Dougnac)
CRÉDITS
Ians