Eglises d'Asie

Les Nations-Unies exhortent le gouvernement à amender ses lois sur le handicap

Publié le 20/09/2022




Les politiques et les lois du pays sur le handicap ne seraient pas conformes au traité des Nations unies, qui recommande la pleine intégration des personnes en situation de handicap au sein des sociétés et des systèmes éducatifs.

Un comité des Nations unies en charge des droits humains a demandé au Japon de réviser ses lois afin de mettre un terme aux pratiques d’institutionnalisation systématique et à l’isolement prolongé des enfants et des adultes handicapés dans le pays.

Le Comité des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées a mené une première évaluation des politiques et des lois japonaises relatives aux personnes handicapées à Genève en août dernier et a émis des recommandations le 9 septembre, a rapporté le journal japonais Asahi Shimbun le 14 septembre.

Les membres du comité et les observateurs ont évoqué des « lacunes flagrantes » dans la mise en œuvre de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), pourtant ratifiée par le Japon en 2014.

Le traité de l’ONU encourage la pleine intégration des personnes handicapées dans la société.

Le comité recommande donc au gouvernement de réviser les lois relatives aux adultes handicapés et de mettre l’accent sur des politiques d’éducation inclusive, afin de pouvoir intégrer dans les écoles japonaises publiques des enfants en situation de handicap.

Un ancien membre du comité a déclaré que, même si les recommandations ne sont pas juridiquement contraignantes, une amélioration des politiques actuelles est nécessaire pour être à la hauteur de la convention des Nations-Unies.

Pour Jun Ishikawa, professeur émérite d’études sur le handicap à l’université de Shizuoka, « il est important que le gouvernement japonais affronte franchement le contenu du texte et s’efforce de combler le fossé entre notre société et la société que la convention cherche à instaurer. » Il souligne également l’absence de feuille de route concernant l’arrêt des traitements abusifs des patients dans les institutions psychiatriques. « L’utilisation de moyens de contention sur des patients psychiatriques a doublé au cours des 20 dernières années » affirme-t-il, « même lorsqu’elle n’est pas nécessaire, au cours de séjours prolongés de certains patients en institution. »

Selon Kazuyo Masuda, directeur de l’association Yadokari no Sato, une organisation de soutien aux personnes souffrant de handicaps psychosociaux, les professionnels japonais de la santé pratiquent l’hospitalisation quasi systématique des personnes souffrant de troubles psychiatriques. « Parmi les nations avancées, le Japon a l’un des ratios les plus élevés de lits d’hôpitaux par habitant en psychiatrie », souligne-t-il.

Parmi les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Japon est celui qui compte le plus grand nombre de lits en soins psychiatriques, soit 2,57 lits pour 1 000 habitants en 2020. Un chiffre alarmant selon Kazuyo Masuda, car environ 1,8 fois supérieur à celui de la Belgique, qui ne compte que 1,41 lit pour 1 000 habitants en 2020.

Lors de la session-débat organisée aux Nations-Unies, la réponse d’un fonctionnaire du ministère de la protection sociale a suscité l’incrédulité et la désapprobation du public. « Les établissements psychiatriques japonais ne sont pas entourés de hauts murs ou de portes en acier », a déclaré le fonctionnaire, « certains résidents profitent même des cerisiers en fleurs à l’extérieur, et organisent des pique-niques. »

Yuhei Yamada, 37 ans, de Tokyo, présent lors de cette session a estimé que le fonctionnaire manquait de perspective. « Il avait l’air de dire que même si une personne se trouve dans un établissement ou un hôpital, tout irait bien tant qu’elle pourrait regarder les fleurs de cerisier. Il manque sans doute un peu d’expérience du terrain. » M. Yamada souligne pour sa part avoir fait l’expérience directe de la façon dont les personnes souffrant de troubles mentaux sont traitées au Japon, lors de son séjour dans des institutions psychiatriques pendant environ 18 mois, à quatre reprises, pour cause de schizophrénie.

Une autre amélioration suggérée par le comité est une éducation inclusive pour les enfants touchés par le handicap. Jonas Ruskus, vice-président de la commission et corapporteur pour le pays, a déclaré lors d’un point de presse que le Japon devait inverser sa « tendance préoccupante à pratiquer une éducation à part, voire ségrégationniste, pour les enfants handicapés », rapporte le Japan Times.

Sara, une jeune fille de 14 ans atteinte d’un dysfonctionnement cérébral supérieur causé par une infection virale survenue à l’âge de deux ans, faisait également partie des observateurs, rapporte le journal Asahi Shimbun. Bien qu’elle ait réussi à entrer dans une école ordinaire, elle rencontre toujours des difficultés pour recevoir le soutien supplémentaire dont elle a besoin pour progresser dans ses études.

 

Aujourd’hui en dernière année de collège, sa requête pour obtenir un formulaire d’examen rédigé en caractères plus grands n’a pas été acceptée, au motif que cela représenterait une charge de travail supplémentaire pour son professeur.

Le Japon est tenu de soumettre des rapports de suivi sur les mesures mises en œuvre en réponse aux recommandations du comité d’ici février 2028.

Selon les statistiques gouvernementales de 2019, le Japon compte 3,2 millions de personnes souffrant de diverses maladies mentales. Le nombre total de personnes vivant en situation de handicap est d’environ 3,7 millions sur une population de plus de 125 millions d’habitants.